Jean-Sebastien Bach : Partita en si majeur BWV 825, Partita en la mineur BWV 827, Toccata ut mineur BWV 911, Ouverture française en si mineur BWV 931
Serra Tavsanli, piano
Solo Musica ( SM 434)
« Tout d’un coup, j’étais là où tout fonctionne, où tout est sûr et gratuit. Un lieu accessible à tous et où l’origine, la religion, la couleur de peau ou le sexe ne jouent plus de rôle. Un endroit où nous ne sommes pas seuls. »
C’est ainsi que s’exprime Serra Tavsanli cette jeune pianiste d’origine turc dans le livret de son disque. Des pianistes turcs il y a peu mais sont tous excellents. Bien sûr celui dont on parle le plus souvent c’est Fazil Say. Il fait la une avec ses concerts magnifiques mais surtout sur ses opinions politiques. Pas facile en ce moment d’avoir cette origine. Un autre pianiste important, excellent, c’est Hüseyin Sermet, fondateur et co-président de ADAP l’Association des artistes pour la paix, on l’oublie trop souvent. Et puis on peut citer des plus expérimentés, des plus jeunes, Selman Ada, Mehmet Okonşar, Toros Can, Can Çakmur, Orhan Cihangir et surtout la grande dame du clavier Idil Biret. Avec cette introduction pour son disque Bach, Serra Tavsanli se définit dans une optique universaliste, humaniste. En utilisant les initiales BACH, elle a sélectionné les pièces correspondant à la clé. D’autant plus que dans le livret de l’album, elle écrit : « Des pièces qui, pour moi, représentent différents concepts qui composent ce que signifie être humain et qui jouent un rôle dans toutes les traditions et religions » :
B (Partita en si majeur) symbolise la foi.
A (Partita en la mineur) représente l’espoir.
C (Toccata ut mineur) représente l’amour.
B (Ouverture française en si mineur) symbolise notre présent.
Serra Tavsanli, est née à Istanbul en 1978 ; après ses études à Hanovre elle enseigne à l’Université de Musique de Detmold. C’est une femme sûre d’elle et émancipée. Cela n’a pas toujours été comme cela dit-elle. Elle décrit son enfance à Istanbul comme un lieu plein de règles et d’interdits. À l’âge de cinq ans, elle a réalisé que seule la musique pouvait lui donner un sentiment de liberté, mais que c’était aussi un endroit solitaire qu’elle ne pouvait partager avec personne. Les compositions de J.S. Bach lui offrent notamment un refuge musical. Elle a visité l’Allemagne pour la première fois à l’âge de 10 ans, complètement seule. Un pays qui lui était étranger, dont elle ne pouvait ni comprendre ni parler la langue, mais qui avait un lien avec la culture qu’elle aimait tant. La musique classique est ainsi devenue sa deuxième langue maternelle. Dans cette langue, elle était capable de communiquer sans effort, d’exprimer ses sentiments et de se développer davantage. Les œuvres de J.S. Bach prirent pour elle une signification encore plus grande. Parfois, elle considérait même Bach comme son mentor imaginaire. L’album Inner Spaces est le troisième album de la pianiste. On peut dire avec certitude qu’il s’agit de son album le plus personnel. Avec les œuvres de Johann Sebastian Bach enregistrées ici, elle relie la musique à sa propre histoire et à ses origines. Chacun, chacune, à son Bach, au clavecin, au piano classique, à l’accordéon, aux synthés, au saxo, en jazz… Serra Tavsanli, entraîne l’auditeur dans son univers dans ses espaces intérieurs. Dès les premières notes elle s’aventure dans un monde qui lui est propre, un parcours qui n’est pas pour déplaire. C’est cette sincérité, cette vulnérabilité qui en fait sa force. Depuis Glenn Gould, Bach a fait de bien longs voyages au coeur de tous ces artistes