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« ENTRETIEN » : MICHEL ORIER

©DR

Depuis que nous assistons aux concerts à la Maison de la Radio et de la Musique à Paris, nous croisons souvent Michel Orier, un bonjour, un sourire discret.  L’année dernière nous l’avons beaucoup plus côtoyé aux mini-conférences qu’il organisait dans le cadre du Nouveau Festival Radio France Occitanie Montpellier. Cette année, entre deux concerts, deux rendez-vous, nous voulions en savoir un peu plus sur son parcours, connaître l’homme derrière toutes les fonctions qu’il a occupées. C’est dans les jardins d’un vieil immeuble XVIIIème, à deux pas du Musée Fabre, qu’il nous a reçu toujours avec le sourire aux lèvres. Voilà ça tourne, ceci est une interview, tout ce que vous allez dire etc etc.

Alors pour commencer,  un petit jeu. Si je vous dis, Stéphane, Henri, Louis, Julien, Michel, François cela vous dit quelque chose tous ces prénoms?

Oui et non, enfin,

Stéphane par exemple ?

Je dirais Grappelli, Henri.. Texier,  Louis… Sclavis, (rires) cela va n’être que du jazz, Julien… Lourau et François… Jeanneau

Et ce dernier il a été important dans votre vie ?

Oui oui, j’adore François,

1986 ?

Ah oui l’Orchestre National de Jazz _

Et oui il existe une archive de l’INA sur internet où vous, tout jeune homme, sur la télé régionale de Picardie, le 30 octobre 1986, en train de dire à propos de la naissance de Label Bleu, il y a trop de mauvais disques qui sortent, qui sont faits trop vite, que nous, nous allons faire de la bonne musique…

https://fresques.ina.fr/picardie/fiche-media/Picard00704/label-bleu-le-label-de-l-edition-de-disques-de-la-maison-de-la-culture-d-amiens.html

Ah c’est possible que j’aie dit cela parce que je devais le penser vraiment et en entendant la production aujourd’hui je pense que ce n’est pas tout à fait faux quand même (rires) ; Il y avait beaucoup de disques qui sortaient à l’époque qui n’auraient pas dû sortir en l’état, mais c’est vrai que j’ai eu la prétention de produire de la bonne musique

Label Bleu c’était quand même un superbe label, moi amateur de jazz, je l’appréciais

C’est gentil, oui c’est une très belle aventure Label Bleu, cela reste pour moi quelque chose de très important, et qui est parti sur une idée très simple, parce que j’étais ingénieur de formation et que je commençais à faire un festival de jazz…

Qu’est-ce que c’était que cette école le CREAR-CERIS ?

Elle n’existe plus malheureusement, c’était une école formidable, j’ai eu énormément de chance par ce que j’ai fait une formation d’ajusteur, à côté d’Amiens, et en même temps j’étais guitariste amateur et je faisais le CIM à Paris ; lorsque j’ai eu mon diplôme d’ajusteur, à l’ANPE ils m’ont dit : mais vous n’allez jamais faire ajusteur ! Comme je ne voulais pas qu’on me supprime mes allocations, je répondais si si je veux être ajusteur, ce qui n’était pas vrai, et je suis tombé sur une femme formidable que je n’ai jamais revue d’ailleurs, à laquelle je dois beaucoup, puisqu’en discutant, elle m’a dit que je devais faire un métier qui ait quelque chose à voir avec la musique ; je lui répondis que j’aimerais beaucoup travailler dans le son et comme il fallait faire Louis Lumière et que j’avais arrêté mes études il y avait longtemps..

Pour Lumière il faut bac plus deux pour se présenter au concours non ?

Oui il faut faire math sup, math spé, je ne suis pas du tout matheux, alors elle me dit mais non je connais une école de formation qui peut vous correspondre, avec un concours d’entrée de culture générale et non de mathématicien, c’était une boîte privée, mais dans laquelle on était payé au smic et l’ANPE aidait ce genre de formation

C’est donc l’ANPE qui vous a aidé à trouver votre voie ?

Oui oui je dois beaucoup à l’ANPE ! J’ai donc fait cette formation, à Gouvieux à côté de Chantilly et en même temps j’ai fait des études de jazz et tout de suite j’ai créé le Festival de Jazz d’Amiens ; je suis entré à la maison de la culture d’Amiens et j’ai proposé la création de ce label au directeur de l’époque. Finalement je me disais,  on met des budgets conséquents dans des productions de théâtre, et si on faisait la même chose avec la musique de jazz, on sortirait un nombre de musiciens de l’embarras de façon très importante parce ce qu’à l’époque Texier n’avait pas de contrat, même Portal n’avait plus de maison de disque, et puis la génération qui arrivait les Marc Ducret les Bojan Z, les Julien Lourau, Andy Emler…personne s’en occupait ; si je n’avais pas créé Label Bleu, il n’y aurait eu personne pour enregistrer l’Orchestre National de Jazz à sa naissance ! Cela n’intéressait absolument personne ! Et le premier chef c’était François Jeanneau en1986 !

D’où ma première question… Je me souviens de l’ONJ avec Cugny et Gil Evans

Gil je l’avais fait venir avec son orchestre à Amiens, c’était formidable ! C’était un type extraordinaire, une sorte de vieux chamane indien, je me souviens qu’on allait le voir au Sweet Basil à New York, c’était le club où il se produisait tous les lundis. Ce jour-là on voyait tous les musiciens qui arrivaient les uns derrières les autres, c’était complétement dingue, c’était vraiment très impressionnant.

Vous alliez donc de temps en temps à New York ?

Oui, avec l’ONJ on y est allé, j’avais emmené les bandes pour enregistrer Scofield

Il y a trois ans – 6 novembre 2021- vous l’aviez programmé à Radio France et il assurait malgré son âge. Est-ce que le jazz est devenu pour vous une histoire ancienne ?

Non non, maintenant je l’écoute comme un amateur de jazz, je suis moins impliqué dans le métier, mais cela reste très important pour moi…

Pour moi Radio France et le jazz c’était André Francis avec des concerts gratuits et des musiciens hors pair !

J’ai beaucoup travaillé avec André, il a énormément aidé des gens dans le milieu et si j’ai réussi Label Bleu, et à l’époque mon Festival à Amiens, c’est en partie grâce à André, je me souviens encore du jour où il m’a appelé pour me dire qu’il allait venir enregistrer les concerts ! Je n’en revenais pas, pour moi André Francis c’était un type inatteignable !

Dans votre famille écoutait-on de la musique ?

On n’était pas du tout musicien

Comment avez-vous donc découvert le jazz ?

En travaillant la guitare, comme beaucoup de gens de ma génération, on était plus sur le rock, un domaine d’une effervescence artistique incroyable, je me souviens d’en avoir parlé avec Bashung, un peu avant sa mort, il disait un truc qui était très juste, chaque semaine ce n’était pas un disque qui arrivait, c’était une planète, c’est totalement vrai, on avait des choses extrêmement différentes, le rock allemand par exemple, comme Can ou du jazz fusion comme Soft Machine en Angleterre, ou Hendricks, et c’était des univers musicaux extrêmement foisonnants, donc moi je venais de ça et puis par le biais de Soft Machine, de Zappa et je me suis mis à écouter de façon plus large le jazz

Savez-vous qu’un des pianistes de musique classique que vous programmez très souvent est un fana de Zappa ?

Je ne vois pas qui

Bertrand Chamayou

Ah je ne savais pas que Bertrand aimait Zappa, d’autant moins que le piano n’est pas le centre de la musique de Frank Zappa ! C’est formidable Zappa ! C’est donc en travaillant l’instrument je me suis mis au jazz

Pour continuer votre carrière, vous avez quitté le jazz pour entrer dans, je ne sais comment le dire, dans les arcanes de l’administration, des ministères

Oui oui, les deux, en fait j’ai eu, enfin de mon point de vue, beaucoup de chance, j’ai toujours pu continuer à faire mon métier de producteur, de passeur avec le public.

Comment s’est terminé votre aventure avec Label Bleu ?

Cela s’est terminé sur un coup de fil de Catherine Tasca qui m’a proposé de venir travailler avec elle au sein de son cabinet pour m’occuper du spectacle vivant alors que j’étais directeur de la maison de la culture d’Amiens et toujours à la tête de Label Bleu. Cela a été un week-end compliqué parce que je savais que j’arrêterai ce que j’aimais mais en même temps j’avais envie d’avoir plusieurs vies et puis j’aimais beaucoup Catherine Tasca qui a été une très grande ministre et en plus elle venait de nos métiers. Même si elle était énarque, elle avait été codirectrice des Amandiers de Nanterre avec Patrice Chéreau et elle a été administratrice de l’Ensemble Inter – Contemporain de Pierre Boulez et directrice de la Maison de la culture de Grenoble. Par la suite, ça ce sont les hasards de l’histoire, j’ai été amené à rénover, restaurer, et diriger, cette Maison. J’aimais bien marcher sur deux jambes, d’avoir un regard aussi politique sur ce qu’on faisait ; en France les politiques culturelles sont très importantes et heureusement qu’on a cela par rapport à d’autres pays, c’est peut-être très français de travailler ainsi, du coup je me disais c’est bien de passer aussi du côté de l’administration pour la nourrir de l’expérience qu’on peut avoir. Bon il y a un adage qui dit qu’on ne met pas un marin à la marine, mais c’est partiellement vrai,  en tout cas il ne faut pas s’interdire de le faire.

Je pense que si Lang n’avait pas créé son Festival de Théâtre, il n’aurait peut-être pas été un bon ministre de la Culture

Il était docteur en droit c’était bien aussi, mais le Festival de Nancy c’était un festival mondial

Il fallait aussi avoir de l’argent non ?

Déjà il y en avait moins, le problème c’est qu’il y avait de grands travaux qui ont été réalisés et qui ont permis au pays d’être doté d’institutions très puissantes, mais qui coûtées très chères, le seul reproche que l’on pourrait faire à Lang ou à ces années-là c’est d’avoir concentré énormément de moyens sur Paris, aujourd’hui plus de 60% des crédits du ministère sont sur Paris et intra-muros. Cela est très dur à vivre pour les régions et on voit bien les problèmes que cela crée parce que l’État est insuffisamment présent en région par rapport à ce qui a été fait sur Paris.

Mais vous, le provincial, cela était un bon facteur pour entrer dans une institution ministérielle

C’est pour cela que je suis parti auprès de Catherine Tasca, c’était pour  faire entendre cette voix-là, qu’on s’occupe de nous et Catherine avait la même préoccupation, d’ailleurs  ayant dirigé la Maison de la Culture de Grenoble elle savait très bien l’importance que pouvait avoir ces centres dans des villes qui sont par ailleurs importantes. Ici nous sommes à Montpellier, c’est une ville qui a une vie culturelle extrêmement dense, foisonnante et qui vient d’ailleurs de cette génération de Maire de la fin des années 70, des élections de 77, Georges Frêche a dû être élu à cette époque-là je pense, et c’est grâce à la culture que Montpellier est ce qu’elle est devenue. Pour moi c’est très important.

Je me souviens d’un député qui me disait quand je dépense un euro pour la culture cela me rapporte plus de trois euros.

C’est un ratio a minima d’ailleurs, c’est ce qu’on appelle des externalités positives

Racontez-nous votre aventure à Grenoble

La maison était à volo, c’est Catherine Tasca qui m’a demandé de partir à Grenoble, ce n’était vraiment pas mon centre d’intérêt premier, j’avais prévu de faire autre chose,

Mais excusez-moi de vous interrompre quand on a un poste comme le vôtre au Ministère vous deviez être tout le temps sollicité

On s’occupait de toutes les nominations et le Maire de Grenoble voulait voir sa Maison ressusciter, lorsque je suis arrivé cela faisait quatre ans que la Maison était en travaux et qu’elle n’était toujours pas hors d’eau, hors d’air, pas de date de réouverture, c’était un vrai sujet,

En quelle année sommes-nous ?

Je suis arrivé en 2002, j’ai réouvert la maison en 2004, j’ai réuni toutes les entreprises et je leur ai dit on va ouvrir le 22 septembre 2004, elles m’ont répondu ce n’est pas possible et puis nous l’avons fait !

Minkowski y était déjà, j’avais filmé l’orchestre précédent pour France 2,  puis son orchestre baroque et fait son portrait pour Mezzo

Oui, il y avait trois artistes dans la maison, Laurent Pelly, en théâtre, Jean-Claude Gallota en danse et Marc Minkowski en musique, c’était une belle équipe

Minkowski avait changé radicalement l’orchestre

Il y avait une ensemble permanent à Grenoble, qui ne fonctionnait plus trop bien, et c’est la raison pour laquelle le Maire de Grenoble a préféré prendre Marc Minkowski en résidence en lui demandant d’intégrer des musiciens qui pouvaient jouer du baroque.

Vous avez donc réussi votre pari

Oui mais c’était aussi une envie de l’État, de la ville, des différentes tutelles soit du département, soit du conseil régional, on était en 2002, tout le monde a fait des efforts financiers, cela a été une aventure formidable.

Peut-on encore faire de telles opérations aujourd’hui ?

Oui je pense, l’État ne se désengage pas, je lis cela souvent ce n’est pas vrai, le budget vient juste dernièrement d’être réduit,

Il veut que les régions prennent plus d’importance non ?

Mais on ne peut pas couper en même temps les crédits des collectivités territoriales et leur demander de mettre plus d’argent à la culture, le problème il est là, c’est cela qui est compliqué et je pense qu’il est important de soutenir l’effort qui est fait en région, bon après l’état du pays est ce qu’il est, avec les trois milliards de dettes c’est compliqué

Combien d’années à Grenoble ?

J’y ai vécu dix ans formidables, avec ces artistes merveilleux, on a fait des choses magnifiques,

On ne vous a jamais proposé de devenir Ministre de la Cuture (rires)

Non, on a bien fait d’ailleurs,  je pense qu’il faut être un politique pour être ministre de la culture, autant je m’intéresse à la politique, mais je ne suis pas un politique de métier, je pense qu’à l’exception de Michel Guy et encore, ce sont des politiques, ce n’est pas le métier que j’ai choisi, je suis très content de ce que j’ai pu amener et de ce que j’ai pu faire pour des ministres avec lesquels j’ai travaillé.

Pour vous c’est le spectacle vivant ou la musique

Les deux, plus la musique évidemment mais les deux

Et un jour on vous a proposé d’entrer à Radio France

Oui, effectivement, un jour j’ai été appelé par Mathieu Gallet que je ne connaissais pas tellement, on s’était rencontré parce que j’étais directeur général de la création aristique au ministère ; il n’arrivait pas à résoudre le problème des orchestres dans la maison et il pensait que je le pourrais. En fait je m’étais passionné pour le sujet quelques mois auparavant lorqu’ il y a eu la grande grève de Radio France en 2015 et qu’il avait été question de se séparer de l’Orchestre National de France.

Ce n’était pas la fusion ?

Non il y avait le projet de mettre l’ONF aux Champs Elysées, ce qu’on appelle une fausse bonne idée,

L’ONF aime bien être aux Champs Elysées

Oui mais c’est quand même un orchestre de Radio France, il aime bien y jouer parce qu’il y a un lien historique, mais maintenant on a notre salle

Qui est magnifique

Et qui sonne mieux que le Théâtre des Champs et il est trés content d’y jouer !

Et donc vous aviez un problème à résoudre

Oui que j’ai résolu en étant au ministère et Radio France a gardé ses quatre formations musicales, qu’elles travaillent différemment et que l’on réduise le nombre de musiciens

car ce n’était pas soutenable pour Radio France ; on l’a fait et en réussissant ce qui peut paraître paradoxal mais c’est vrai, à élever le niveau des formations. Je pense sincèrement depuis huit ans, bon, je ne suis pas objectif, que le niveau a considérablement augmenté dans les trois formations. La Maîtrise, elle, a toujours été excellentissime.

Et donc en 2016 vous êtes parti pour Radio France, et vous y êtes toujours !

C’est énorme non ? Je crois que j’ai explosé tous les records de longévité des directeurs de la musique !

N’êtes-vous pas fatigué ?

Non (rires)

Vous avez toujours la pêche, on vous voit toujours à tous les concerts

Oui j’adore et je fais ce métier d’abord pour cela

On peut le comprendre

Et pour donner de la musique au public, je dois être au concert parce que si moi je n’ai pas envie d’y aller il y aurait un sujet !

Est-ce difficile de trouver les bons collaborateurs ?

On forme un collectif, j’ai recruté Jean-Marc Bador, Johannes Neubert les directeurs généraux des orchestres, des chœurs Jean Baptiste Henriat, Maud Rolland à la Maîtrise, et Denis Bretin qui est aussi à mes côtés

Et ce sont eux qui font les programmes ?

Ce sont les directeurs avec les directeurs musicaux qui sont aux charbons concrètement pour la programmation, moi je fixe des axes avec eux et puis ensuite, comme les ateliers de hautes-coutures il faut être présent pour que tout soit affuté le mieux possible au moment de la sortie. J’aime beaucoup cette dimension collective du travail, c’est vivant, il y a des fois on s’engueule, nous ne sommes pas toujours d’accords. Il y a une chose très particulière à la France, il ne faut pas hésiter à aller chercher le public quand même, c’est pour lui qu’on travaille, une fois qu’on est dans le bain, de plus à la radio on n’a pas de limitation sur la question des programmations parce que je crois on joue 300 compositeurs par an, donc c’est très diversifié , nous ne sommes pas comme les formations qui chaque semaine doivent faire des importants taux de remplissage et donc formater leur programmation, nous, notre salle est très bien proportionnée, elle fait 1500 places, on joue une fois pas deux un programme, et on joue surtout pour la radio, donc on doit enregistrer des musiques très différentes, mais en même temps il faut que le public soit là. Les œuvres populaires en musique classique sont toutes des chefs -d’œuvres, mais il faut pour nous que cela soit l’occasion de s’en servir comme un marchepied pour aider le public à découvrir des musiques qu’il ne connait pas, ce que l’on fait est beaucoup mieux qu’un algorithme, on ne part pas des goûts présupposés ou exposés d’un tel ou d’un tel pour l’amener à écouter toujours des choses qu’il ne pourra pas aimer, on fait des paris sur la curiosité, finalement c’est comme cela qu’on fait découvrir des œuvres, et on peut basculer dans des univers qu’on ne soupçonnait pas.

Par exemple depuis quelques années on entend des compositrices peu jouées

On a joué, Charlotte Sohy ce n’est pas quelqu’un qui est souvent programmée, objectivement c’est vrai qu’il y a eu beaucoup de compositrices qui ont été mise sous le boisseau.  Ce que l’on a fait dernièrement et qui est important c’est la bande son du Napoléon d’Abel Gance qui est donné au Festival à Montpellier, sept heures de musiques concoctées par Simon Cloquet-Lafollye, ce sont que des partitions existantes, il a fait de la couture, fait quelques arrangements mais globalement ce n’est pas lui qui a écrit la musique, il y  a 48 compositeurs différents et 104 morceaux. Il y a des compositeurs absolument inconnus, il y a du Gaubert, qui connait Gaubert ? Le film s’ouvre sur sa musique !

C’est un compositeur de musique de film, l’arrangeur des musiques de Francis Lai de toute la chanson française !

Oui c’est lui, mais vous vous n’êtes pas un mélomane lambda !

Désolé je suis un fan de musiques de film, en plus du jazz (rires)

C’est cela qui est intéressant c’est amener des gens à écouter des musiques qu’ils n’auraient jamais eu l’idée de le faire un jour

À propos de musiques de film, chaque année vous organisez un concert, on a eu Michel Legrand et surtout Howard Shore !

La musique symphonique, il faut qu’elle continue à résonner dans le quotidien des gens et donc il ne faut pas s’appuyer uniquement sur le concert, c’est évidemment l’épiphanie mais en fait elle est beaucoup plus large que ça dans la vie des gens, dans les publicités, dans la chanson… Le cinéma reste un art très populaire et cette année on va faire le centenaire de Georges Delerue, formidable compositeur qui n’était pas destiné à en faire son métier, la musique du Mépris, ils l’ont déjà entendue, la musique de Radioscopie c’est une fausse suite de Bach c’était Delerue qui l’avait écrite.

Jacque Chancel pour le Grand Échiquier avait pris aussi un thème de Delerue, celui de La Nuit Américaine de Truffaut. Bon on peut parler un peu du Festival à Montpellier, on en a parlé partout dans tous les médias, voilà deux ans que vous êtes avec ce nouveau Festival , vous lui avez donné une seconde vie ?

Oui j’ai repris la succession de Jean-Pierre Rousseau,

Un Festival ça peut ronronner non ?

N’importe quelle activité à fortiori culturelle peut tourner en rond, d’ailleurs il y a un moment où il faut savoir partir,

Est-ce difficile de laisser sa place ?

C’est très difficile, à chaque fois que j’ai fait le choix de partir ; je suis parti d’Amiens, de Grenoble, je partirai un jour de Radio France

Vous l’avez fait souvent c’est étonnant, est-ce que l’on a peur de s’ennuyer ?

Moi je me suis imposé de ne pas rester alors qu’ Amiens c’était ma maison, ma ville, ma famille, mais on n’est pas propriétaire de notre job et des institutions dont on prend la tête, là-dessus il faut se faire violence, je dis faire violence à dessein parce que c’est extrêmement violent de partir, je me souviens des coups de fil de Catherine Tasca pour que je parte d’Amiens, deux jours après je lui ai dit oui, mais cela a été un déchirement pour moi, même si j’étais très content de ce qu’elle me proposait, quand je suis parti de Grenoble et que j’ai été appelé pour être directeur général de la culture évidemment c’était un poste absolument génial mais j’étais physiquement malade de quitter Grenoble, c’est toujours difficile de partir, c’est Michel Portal qui m’a appris qu’il faut se garder de la répétition, elle est nécessaire, mais il ne faut pas tomber dans la répétition, il faut garder la rigueur du trait, du geste, de l’impulsion du bon, lorsqu’on dirige une institution quelle qu’elle soit ou un festival, il y a toujours un moment où on sent qu’il ne faut pas attendre que ça s’émousse,

Il faut partir de soi-même ?

Oui, évidemment il ne faut pas être viré, à chaque fois que je suis parti on m’a dit tu aurais pu rester ici jusqu’à la retraite et j’ai répondu c’est pour cela que je m’en vais d’ailleurs

Vous n’êtes pas du genre à pantoufler

Non, non non,

Alors pour parler de Montpellier, qu’est ce qui s’est passé ?

Je suis directeur de Radio France, donc nous sommes impliqués dans Montpellier, et je voyais le Festival perdre d’année en année son énergie peut-être par manque de dialogue avec les tutelles locales, je ne sais pas mais ce n’était plus possible de faire un Festival sur treize départements, donc je suis allé voir le Maire de Montpellier et je lui ai dit qu’il fallait recentrer le propos et revenir à ce que René Koering avait fait à l’époque

Un grand directeur et un grand compositeur un peu oublié

Et de dire voilà, comme dans le théâtre classique il faut les trois unités de lieu, de temps et d’action sinon cela ne marchera pas et c’est ce que j’ai fait

Vous avez appliqué les règles du théâtre de Corneille (rires)

Je ne me suis pas pris pour Corneille mais j’ai appliqué ses principes vieux comme le monde du théâtre, et ça marche très très bien depuis deux ans !

Cette année vous n’avez pas fait ces mimis conférences avec des gens plus ou moins musicologues et c’était passionnant de les découvrir

Oui on avait fait deux jours sur l’avenir de la musique, on recommencera, on n’a pas vocation à le faire chaque année, on le refera l’an prochain à une autre échelle.

À ce Festival,  je me suis concentré sur les concerts des jeunes interprètes et quelles claques on se prend !

Je suis toujours épaté par ça, les salles sont pleines à 12h30 et pour des raisons quasiment philosophiques et financières, ces concerts sont cette année payants mais pas très chers, ce qu’on avait remarqué que comme c’était gratuit des gens prenaient des places et ne venaient pas ! C’était dévalorisant pour les artistes, on a donc changé la formule et on a constaté que les salles sont blindées de gens passionnés, qu’ils viennent découvrir les jeunes talents qui seront demain les artistes dont on parlera.

Il y en a qui mérite d’être dans les grands salles

Oui oui et je suis très content des concerts de midi et demi

Et pour Paris la saison prochaine des axes bien choisis, originaux ?

Alors là je ne suis pas dedans du tout,

Un petit reproche vous nous présentiez le programme en avant programme, c’était très intéressant

Oui j’aimais bien faire ça , je ne sais pas pourquoi on ne le fait plus. Mais là on a largement entamé 25/26.

Cette année c’est la dernière saison de Mikko Franck, d’ailleurs comment cela se choisit un chef d’orchestre

Avec les musiciens, on ne peut pas imposer à un orchestre un chef s’ils n’ont pas envie de jouer avec lui ; la position sur un podium c’est brûlant et si les musiciens ne veulent pas jouer avec vous c’est tout de suite que vous le sentez, c’est logique, alors on les fait travailler avec beaucoup de chefs et au fur et à mesure des concerts il y a quelqu’un qui se détache

Dans la salle on le ressent

C’est quand même une centaine d’artistes qui doivent travailler ensemble

Avec Pierre Charvet qui avait accepté un entretien pour nous, quelle est votre relation professionnelle

Alors Pierre est en charge de Présences, je l’ai recruté pour les commandes, on en fait 80 par an, c’est un énorme boulot et il programme aussi tout ce qui n’est pas les formations de la maison, les concerts de jazz, de baroque, les récitals de piano

Ah le jazz c’est lui ?

Bon il y a Arnaud Merlin et puis j’y mets aussi mon grain de sel, mais je le laisse faire beaucoup

Alors pour revenir au début de notre entretien, le dernier disque de jazz que vous avez écouté ?

C’était juste avant de venir ici, à Montpellier, un disque de Doug Raney qui un guitariste que j’adore, il est le fils de Jimmy Raney, un très grand guitariste lui aussi.

En restant chez les guitaristes, votre instrument de prédilection qui a été important pour votre carrière, vous avez sûrement pleuré à la mort de Sylvain Luc

Une perte incroyable, un arrêt du cœur comme cela à 58 ans !

Doug Raney  est mort au même âge que lui aussi d’une crise cardiaque ! Bon c’est sur ces arrêts de cœur qu’on va se quitter, portez-vous bien quand même cher Michel Orier

En relisant cet entretien, il est pour nous évident que Michel Orier a passé sa vie à être est un très bon ajusteur.

Ajusteur : c’est quelqu’un qui adapte des pièces au millimètre près pour qu’elles forment un ensemble cohérent !

Fait à Montpellier le samedi 13 juillet 2024 à 14h30

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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