UA-159350346-1

« ENTRETIEN » : ROMAIN TARRUSSON – WHAT A TRIP

Romain Tarrusson est le fondateur d’un festival consacré à l’aventure. Cette année What A Trip – voir le programme à la fin de l’entretien –  entre le 23 et 29 septembre 2024 c’est 7 jours de festival, 13 films en compétitions, 18 hors compétition, 8 prix décernés, 13 expo-photos, 6 concerts en plein air, plus de 30 conférences, 25 ateliers gratuits…Romain a trente-cinq, plein d’idée dans la tête, nous l’avons bloqué chez lui à Montpellier entre deux rendez-vous pour mieux le connaître et comprendre d’où lui est venu cette idée folle d’équilibriste, de courir après des investisseurs pour raconter des aventures humaines. Ceci est un entretien, tout ce que vous allez dire cher Romain etc etc…

Quelle est votre fleur préférée ?

Ma fleur préférée ? Ça c’est une bonne question… L’orchidée !

Une fleur qui n’a pas de parfum, c’est un peu triste non ?

C’est triste, non, mon père adorait les orchidées donc il en avait beaucoup et du coup j’ai grandi avec, c’est une fleur que je trouve assez belle, on allait souvent voir les orchidées sauvage sur le Larzac

Vous avez donc été élevé dans des jardins ?

Oui avec un père qui était jardinier paysagiste.

Et cela ne vous a pas tenté ?

J’y pense de plus en plus en conversion éventuelle, surtout après la Covid, j’aime bien aider mon père, j’ai toujours adoré ça

Quand vous étiez môme les fleurs avaient-elles de l’importance ? Des romans, des films, des tableaux, où il y a la présence des fleurs ?

Non pas forcément les fleurs, mais ce que j’adorais c’était de travailler dans le jardin avec mon grand-père.

Était-il lui aussi jardinier ?

Oui

Alors vous êtes le vilain petit canard

C’est exact

Vous, ce qui vous intéresse ce sont des aventures

C’est cela

À tous les niveaux? Dans la vie, dans le boulot

Oui carrément

Le matin quand vous sortez de chez vous, souhaitez-vous vivre une aventure ?

C’est cela, je déteste la routine, j’espère toujours avoir des choses qui changent

Traverser une ville est-ce une aventure pour vous ?

Oui bien sûr

Alors définissez-moi ce qu’est une aventure

Une aventure c’est sortir de sa zone de confort, en gros pour moi c’est se dépasser

Quand vous étiez môme c’était déjà important

Pas sûr, mes grands-parents avaient un grand jardin à Milhaud, j’adorais m’y perdre, mon grand-père avait mis des plantes de partout, c’était assez luxuriant, je vivais ainsi mes petites aventures tout seul.

De quel genre ?

C’était de chercher des fossiles,

Vous étiez déjà Indiana Jones

(rires) Cela aurait pu

Mais ses exploits étaient-elles vraiment des aventures

Non, les archéologues, paléontologues, c’est pour moi le premier stade de l’aventure, c’est chercher dans l’Histoire, ils peuvent se mettre en danger, mais les films d’Indiana Jones ne sont pas des films d’aventures

Avez-vous un film qui serait pour vous un film d’aventures

Into the Wild de Sean Penn qui est pour moi un excellent film d’aventure, inspiré d’une histoire vraie

Le héros à votre âge non ?

Un peu plus jeune je pense

Est-ce que pour vous les aventures se terminent toujours mal ?

Pas forcément, il peut y avoir des histoires positives

C’est-à-dire ?

Cela peut-être un changement de vie, rencontrer des personnes qui vont vous faire changer votre façon de penser …

Cela vous est arrivé ?

Non, c’est surtout moi qui aie pris des décisions pour changer de vie mais pas des personnes.

On a peu parlé avant cet entretien, mais si je comprends bien vous avez vécu pas mal d’aventures autour de la Terre

Oui surtout en Asie du sud-est où j’ai quasiment visité tous les pays là-bas, le dernier en date était la Birmanie

Chaud la Birmanie non ?

Une arrivée chaude, oui, parce que j’étais allé soutenir financièrement une association pour des profs de sport et j’avais apporté une centaine de matériels sportif et j’avais oublié de le déclarer, forcément cela n’a pas plu à la junte militaire qui m’a mis dans une cellule de prison à l’aéroport pendant une dizaine d’heures, c’est le directeur de l’école, assez influent, ne me voyant pas arriver, qui a réglé le problème.

Belle aventure ! Qu’est-ce qui vous a attiré en Asie ?

Je ne sais pas, leur culture m’intriguait, nourrie par les films, dont Indiana Jones, je voulais retrouver cet imaginaire,

Vous êtes parti sans rien

Juste avec un sac à dos,

Que disaient vos parents ?

Ils étaient inquiets à l’époque, mais par le téléphone je leur donnais des nouvelles. En Birmanie vu que le directeur parlait Français, j’ai pu rencontrer des gens.

À part l’Asie avez-vous bourlingué ailleurs ?

Je suis allé en Tanzanie, le continent américain sera ma prochaine destination, la Costa Rica entre autres.

Qu’irez-vous chercher ?

La verdure et les côtés éco-responsables du pays

Avez-vous le temps pour ainsi voyager

Non, cela fait plus de trois ans que je n’ai pas pris de vacances !

Pourquoi ?

Le festival à organiser !

On y arrive donc après tout ce petit voyage d’introspectif ! Alors quelle est l’idée de ce festival ? Cela vient de  vos aventures en Asie

C’est un peu cela, c’est depuis la Birmanie, l’idée était d’essayer de retrouver les sensations de mes voyages et que je ne retrouverai plus, ces rencontres avec des gens qui ont vécu plein de choses,

En Asie du sud-est vous avez rencontré des aventuriers ?

Bien sûr, des gens qui voyagent avec seulement un sac au dos, des backpackers, dans les auberges de jeunesse, des locaux, ces gens avaient le même état d’esprit que moi,

Faisiez-vous des périples avec eux ?

Cela m’est arrivé, on n’est jamais seul en fait, du coup je voulais retrouver ces espèces d’ambiances, cet état d’esprit.

Quel est l’état d’esprit des aventuriers ?

Ce sont des personnes ouvertes, qui n’ont pas peur des autres, qui sont ouverts sur le monde

Comment vous vous exprimiez ? En Asie ils ne parlent pas trop l’anglais non ?

C’est compliqué, ils baragouinent mais on arrive à se faire comprendre

Donc en rentrant à la maison cela vous a titillé et vous avez eu l’envie de retrouver cette atmosphère

Oui et c’est après mon séjour à Annecy, où j’étais responsable évènementiel dans une association de sport de pleine nature..

Vous aviez fait des études pour ?

J’ai fait des études en marketing / com donc cela convenait, j’avais commencé à Bézier, ensuite je suis parti à Poitier, Angoulême, et entre temps je suis passé en Irlande.

Et donc c’est grâce à ce bagage professionnel que vous avez pu monter ce festival comme vous l’entendiez

C’est tout à fait cela

Alors un matin en prenant votre petit déjeuner vous vous êtes dit, bon je vais faire un festival sur l’aventure !

C’était un peu cela, le déclic s’est passé sur un autre festival qui s’appelle le Grand Bivouac d’ Albertville, c’est un festival de films, de documentaires, de voyages d’aventures et en voyant l’état d’esprit de ce festival,  je me suis dit c’est comme cela qu’il faut organiser un festival à Montpellier ; depuis longtemps je voulais organiser un festival dans cette ville mais je ne savais pas comment ! Billes en tête j’ai commencé à travailler sur le projet

Comment monte-t-on un tel projet, vous allez voir des gens, chercher des sous je présume?

On met en place un modèle économique, que va-t-on proposer dans ce festival etc, etc

Mais Montpellier a déjà de nombreux festivals

Effectivement, l’idée c’était d’arriver à se démarquer avec un festival assez singulier et qui marque tous les aspects culturels liés aux voyages donc photos, vidéos, gastronomie qui a une place importante dans les voyages, littérature, et au côté rencontres,  je voulais ajouter le côté festif

Qu’entendez-vous par festif ?

Musique, je voulais mélanger tout cela dans ce festival ; donc ma première étape était de présenter le projet, bien ficelé, à la Métropole et à la Mairie. J’ai été reçu par le cabinet du Président de la Métropole et du Maire de la ville.

Les connaissiez-vous ?

Absolument pas, mais j’ai eu de la chance, car la stratégie de la Métropole était autour de la culture, du tourisme, de l’environnement et moi du coup je rentrais dans leur case.

Y-avait-il une notion écologique dans votre projet ?

Oui oui dès le départ  il fallait que cela soit un festival éco-responsable

Le tourisme ce n’est pas très écolo ?

Globalement ce n’est pas ce qui facilite les choses, sauf le tourisme de proximité, ou le slow tourisme

Alors comment était la première du festival de l’ aventure ? Un film sur l’Everest ? La gastronomie népalaise ? Au départ êtes-vous partis sur du documentaire ?

On voulait mettre en avant le territoire, l’aventure de proximité, on était précurseur ; dans le projet initial on avait trois jeunes aventuriers qui avaient fait le tour du monde en vélo pendant trois ans. Ils étaient du collectif solidream d’Aigues-Mortes et donc c’était ce type de film qu’on avait montré, ce qui a permis un peu d’illustrer ce qu’ était le concept. Après est venu se greffer Laurent Balesta, le grand océanographe qui était du coin, et on a eu TF1 qui nous a aidé.

C’était au départ un tout petit festival je suppose ?

Oui mais assez grand tout de même, on avait, vu ma formation, beaucoup de soutiens, de partenariats en échange, on avait fait un petit village sur l’esplanade Charles De Gaulle, c’était un bon début !

Combien de budget

La première année c’était de l’ordre de 50000 euros je pense, ce n’était pas énorme mais pas mal pour un début.

Résultat

Très positif avec 5000 visiteurs,

Tout était gratuit

Tout sauf les projections

Les films les aviez-vous eus gracieusement ?

Comme il y avait une compétition, on ne payait pas les droits, on défrayait uniquement

Vous vous souvenez du premier prix ?

Il y a eu quatre prix, prix du jury, coup de cœur du jury, prix du public, et prix Ushuaia télé. C’est Antoine Moineville guide de haute montagne qui a eu le Grand Prix

Le public était très divers

C’était entre trente-cinq /soixante ans, la programmation était sport nature, alpinisme

Il y a beaucoup de films sur l’alpinisme

Oui il y en a beaucoup

Aujourd’hui l’aventure existe-t-elle encore ?

Oui, pas plus tard qu’hier on intervenait dans un Epad avec le festival pour des rencontres intergénérationnelles, avec des jeunes d’un centre de vacances et il y avait un aventurier présent de 27 ans. Ils sont partis à la voile d’Amsterdam jusqu’à l’Antarctique ! C’est une sacrée aventure pour aller planter le drapeau de la planète le Earth Flag, ils sont revenus en longeant la Patagonie…

Est-ce que la croisière du Snark vous dit quelque chose ?

Pas du tout

C’est une des plus passionnante aventure que j’ai lu adolescent, Jack London ça vous parle ?

Oui bien sûr

En 1907, avec sa femme et un équipage d’amateurs ils sont partis de San Francisco à bord du Snark, un voilier de 17 mètres construit pour l’occasion et ont traversé le Pacifique, il a écrit un récit de voyage étonnant, il y a eu aussi Alain Gerbault en 37 je crois, qui sur sa coque de noix, sans GPS bien sûr, qui a été le premier navigateur à traverser l’Atlantique à la voile en solitaire d’Est en Ouest, il est le premier Français à avoir fait un tour du  monde en solitaire à la voile, je ne sais pas si aujourd’hui les skippers oseraient le faire

Là pour le coup c’était de vrais aventuriers, c’était assez dingue.

Pour moi l’aventure aujourd’hui c’est de traverser la rue et ne pas se faire écraser !

Les aventuriers d’aujourd’hui sont beaucoup plus prudents entre guillemets

Donc là quelle édition ce festival ?

La huitième

L’âge de raison. Est-ce difficile de se renouveler, de proposer autres choses ?

Non nous avons toujours plein d’idées

Vous avez aujourd’hui des collaborateurs je suppose

En 2017 j’étais tout seul puis petit à petit il y a eu des gens qui sont venus, vu le succès

Albertville existe toujours ? Étes-vous concurrent ?

Oui mais on n’est pas aux mêmes dates,  on s’entraide aussi, il y en a un à La Rochelle, à Dijon, à Paris, il y en a une dizaine en France ce n’est pas énorme, nous on se démarque parce que c’est le seul festival à avoir un côté festif

Vous parliez de cuisine

Oui on fait venir des restaurateurs, des foodtrucks du monde entier, malgache par exemple, on a eu des spécialités hongroises, africaines, d’amérique du sud, l’idée est de faire venir des grands chefs.

Alors qu’est-ce qui fait que je vais aller plus à Montpellier que dans les autres festivals

C’est de pouvoir rencontrer les aventuriers, les approcher sans problème pendant toute la durée du festival

Vous devez être aujourd’hui très sollicité

Beaucoup par les distributeurs de film, les maisons d’éditions. Dès la troisième édition on avait 40000 visiteurs ! Aujourd’hui on atteint 50000.

Les scolaires viennent-ils ?

On a une journée dédiée avec des projections réservées aux scolaires et aux jeunes issus des quartiers défavorisés.

Les questions avec les aventuriers doivent être assez étonnantes

Oui c’est assez drôle,  quel que soit la personne le genre de question qui revient souvent est  du style Est-ce que t’as pas eu peur ? Comment tu mangeais ? Les intervenants sont de temps en temps déstabilisés

Avez-vous un aventurier qui a disparu ?

Oui un qui était venu sur le festival la quatrième année, il avait fait parler de lui parce qu’il avait traversé l’Atlantique dans un tonneau, assez grand, tout aménagé, il avait 70 ans et qui est décédé il y a deux ou trois ans au large du Portugal, il voulait retraverser l’Atlantique dans un kayak , il y a eu une tempête, on a retrouvé le kayak retourné sans le corps !

Et celui qui a fait la traversé sans bras et sans jambe est-il venu à votre festival ?

Philippe Croizon sera là l’année prochaine. Il est super demandé, il fait maintenant des spectacles d’humour

Quelle est l’aventure qui vous a le plus marqué

Il y a un film qu’on avait programmé en 2019 ou 20 qui s’appelle Ascending Afghanistan rising women On suit la seule équipe féminine d’alpinismes d’Afghanistan qui a gravi le plus haut somment du pays outrepassant les règles des Talibans. Le film commence par une vraie scène de lapidation, il a marqué tout le monde.

Cette année quel est le clou du festival

Je suis mal placé pour en parler, nous avons plusieurs films mais je dois garder mon  objectivité.

Je comprends mais vous pouvez dire que vous avez réussi à avoir

On a le film avec Akenaton qui plonge au large de Marseille avec le champion triple médaillé en apnée, Morgan Bourc’his,

Donc le Festival va durer une semaine

Du 23 au 29 septembre

Il y aura de la musique

Oui des concerts en plein air, des musiques du monde dans l’air du temps, cette année on a Makoto San, un groupe marseillais avec des instruments en bambou, des percussions d’Asie, ils se sont formés à la musique japonaise, et ils ont décliné les sons dans des machines électroniques. On cherche des groupes pas trop loin par soucis d’écologie. On préfère faire de la visio avec des groupes du Canada, du Togo étant éco-responsable !

Vous avez donc parlé de concert, de rencontres, de documentaires mais pas de fiction, cela n’entre pas dans votre projet ?

On aimerait, ce sera une piste à développer, on a fait grossir le village du festival, il faut qu’on augmente les documentaires et s’intéresser aux fictions et films d’animation.

Y’a-t-il une célébrité qui est invitée chaque année en tant que Président ?

Pour l’instant c’est moi qui ouvre le Festival je n’aime pas trop ça mais bon

La star c’est donc vous et ce festival c’est votre aventure !

Et bien OUI !

Quel est le cœur de ce festival

Ce sont les bénévoles, ils sont 350 qui le font vivre chaque année, ce festival a une âme

Plus une âme qu’un cœur ?

Il a les deux, il est fait avec le cœur, les tripes, les personnes sont investies de leur mission, il y a des bénévoles qui me disent le bien que leur fait le what a trip

Pourquoi ce mot anglais ?

On a vraiment galéré pour trouver un nom à ce festival, on voulait l’appeler le what a travel, sauf qu’un monsieur pas bien intentionné à l’époque nous a menacé parce qu’il avait un blog du même nom mais il n’avait pas déposé le nom à l’IIMP,

Depuis il n’y a pas eu de mauvais trip ?

Pas très important, si j’ai failli perdre un œil ! J’ai pris un tendeur de bâche publicitaire dans l’œil  en remettant tout en place !

Heureusement qu’il y a un ophtalmo à la maison pour vous soigner !

Oui c’est clair mais j’ai eu chaud parce que l’œil aurait pu éclater et perdre la vue !

Y-a-t-il des séquelles ?

J’ai perdu de la vision et j’ai une cataracte chromatique qui évolue, je vois floue

Vous avez fait donc un very bad trip avec ce festival !

C’est exact !

Après ce terrible bad trip on arrête là ! Merci Romain, courage pour la suite et….

voici le programme de la 8ème édition

BON VOYAGE À MONTPELLIER !

Articles similaires

Laisser un commentaire