un film de Lucile Hadzihalilovic avec Marion Cotillard, Clara Pacini, August Dielhl
Sortie le 17 septembre 2025
L’HISTOIRE
Années 70. Jeanne, 15 ans, orpheline, fugue de sa montagne pour rejoindre la ville. Elle se réfugie dans un hangar — un studio de cinéma — où l’on tourne une adaptation du conte La Reine des Neiges. Cristina, star incarnant la Reine, exerce sur la jeune fille une fascination trouble, puissante, vulnérable. Jeanne devient sa protégée/confidente… sauf que le studio est un piège.
L’AVIS
Andersen n’en demandait pas tant. Avec La Tour de glace, Lucile Hadzihalilović a voulu faire son grand palais nordique : adaptation du conte, studio des années 70, mise en abyme, Marion Cotillard en reine fatale. Sur le papier, on frissonne déjà. Sur l’écran, on bâille dans son manteau. Le problème n’est pas la glace – Hadzihalilović sait filmer le froid, les surfaces givrées, les corps figés. Le problème, c’est qu’elle en fait un système. Tout est tellement maîtrisé, tellement esthétisé, que l’émotion finit congelée. La pauvre Jeanne, l’orpheline de 15 ans, est censée traverser un rite initiatique bouleversant. À l’arrivée, elle erre comme une figurine de vitrine, fascinée par une Cotillard hiératique. Plus qu’un conte, ça ressemble à une longue répétition de mode gothique. Marion Cotillard ? Belle, évidemment. majestueuse, oui. Mais sa Reine des neiges n’a pas de royaume. C’est une reine pour photogrammes, pas pour cinéma. Quand on enferme une actrice magnétique dans un scénario aussi raide qu’un glaçon oublié dans un bac à congélo, ça donne une performance en apnée. Quant à la relation avec Jeanne, elle reste une esquisse : une fascination vaguement trouble, jamais incarnée, toujours suggérée. L’érotisme glacé se dissout dans les courants d’air. Le studio des années 70, censé être un labyrinthe mental, devient un décor de musée. On voit l’intention : la mise en abyme, le cinéma qui se regarde, le conte qui se rejoue. Mais à force de symboliser, Hadzihalilović oublie de raconter. Bref, La Tour de glace est un film réussi qui ne vit jamais. On en sort ébloui par les images, mais aussi frigorifié, sans avoir senti le cœur battre. Andersen avait mis de la douleur, du sang et des larmes dans son conte. Ici, il ne reste que des vitres embuées et une actrice-star prisonnière de son piédestal. Un palais de glace, oui. Mais un palais sans clé, sans chaleur, sans âme.