Voici un nouvel album de musiques de chambre de Nicolas Bacri édité chez (Passavant (PAS124336),
Nicolas Bacri, né le 23 novembre 1961 à Paris, est un auteur prolifique avec sept symphonies, onze quatuors à cordes, huit cantates, deux opéras, quatre concertos pour violon, sept trios avec piano, quatre sonates pour violon et piano, deux sonates pour violoncelle et piano, et de nombreuses musiques de chambre. Avec Da Camera Élisabeth Balmas (violon/alto), Orlando Bass (piano) offre un magnifique album de musiques de chambre de ce compositeur en dehors de toute norme et courant de la musique actuelle sous la gouvernance de l’IRCAM. Il aime à se définir, comme « ni d’avant-garde, ni d’arrière-garde, mais sur-ses-gardes ». Bon alors qu’écoute-t-on sur ce disque :
Notturno ed Allegro, Op.151 (2019). On y retrouve Bacri dans toute sa maturité : lyrique, inquiet, obstiné. Dernier né, et ça s’entend. Un nocturne qui refuse le sommeil, suivi d’un allegro qui court comme s’il fuyait ses propres ombres. Balmas et Bass s’y donnent à fond, comme si c’était leur bis ultime. Le Bacri de maturité : inquiet, intransigeant, mais diablement vivant.. Sonata da Camera, Op.67 – œuvre de jeunesse (1977), retouchée à plusieurs reprises jusqu’en 2000. Initialement pensée pour l’alto, mais adaptable à d’autres instruments, elle garde une saveur un peu rugueuse, presque expérimentale. Balmas et Bass le prennent à bras-le-corps. Ça secoue, ça frictionne : enfin du contemporain qui ne fait pas la sieste.
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Tenebrae n°6, Op.139 (2016) – escale pour piano seul. Bacri écrit pour un concours (Clara Haskil), mais ne cède pas à la virtuosité tapageuse. Ici, Bass se retrouve face à une nuit intérieure, une méditation sobre, sans effet gratuit. De la profondeur sans pathos, chose rare. Sonate n°2, Op.75 (2002) – retour au violon et piano. Plus dense, plus charpentée, plus lyrique aussi. On y entend du Brahms filtré par la mélancolie française, un chant large et tendu qui s’épanche sans tomber dans le sirop. Balmas et Bass y trouvent un équilibre parfait : feu à l’archet, architecture au clavier.
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Sonata Variata, Op.70 (2000–2001) – ici, Balmas troque le violon pour l’alto solo. Une pièce en forme de défis, comme si Bacri avait voulu vérifier jusqu’où un seul archet pouvait tenir l’attention. Réponse : jusqu’au bout, grâce à une succession de climats qui rappellent les Partitas baroques autant que les incantations de Hindemith.
Ce Da Camera est tout sauf aimable. Bacri y apparaît brouillon, exigeant, lyrique, sombre, et terriblement humain. Balmas et Bass refusent l’emballage cadeau : ils servent Bacri sans fard, sans excès de politesse. Ils transforment sa musique en drame de chambre, sans concession. Beinh voilà un disque qui gratte, qui pique, qui secoue. Exactement ce qu’on demande à la musique d’aujourd’hui. Le label, Passavant, l’artisan du son, continue son travail d’orfèvre : prise de son nette, sans réverbe artificielle, comme si on était vraiment dans la pièce avec les artistes. C’est cela, la camera : proximité, vérité. Une musique qui ne cherche jamais à plaire, mais finit par convaincre. Vivement recommandé !