Du 19 au 22 avril 2019
Malgré Orban et son comportement fasciste digne du régime soviétique d’hier, passer un week-end Pascal à Budapest est toujours un moment assez intense, surtout y retourner avec son ex après y avoir vécu il y a pas mal d’années pour travailler sur le film de Robert Enrico « Au Nom de Tous les Miens ». Ce fut une expérience étrange, comme une sorte de pèlerinage sur un passé révolu mais paradoxalement toujours très présent.
Jó napot Budapest !
La ville a toujours son passé architectural austro-hongrois mais aujourd’hui elle est blessée par le capitalisme sauvage qui rapporte gros à son leader anti-européen. Fast-food à tous les étages dans l’ancien ghetto, tourisme de masse incommensurable sur les abords du Danube qui sentent l’huile chaude, commerces internationaux sans originalités, quartiers modernes sans charme, détruisent la grâce d’antan. Heureusement quelques endroits enchanteurs, principalement à Buda, résistent encore. La vue sur le Danube, de Pest, du haut de la colline où trône le château est toujours exceptionnelle. La culture, si présente autrefois, a encore son droit d’exister dans cette « Perle du Danube » et trois jours ne sont pas suffisants pour apprécier ce que cette ville peut offrir. Köszönöm Buda !
A peine arrivé le vendredi 19 au soir, nous assistons avec une amie hongroise à un magnifique récital au Mupa, à la salle de concert Béla Bartók.
Joseph CALLEJA chante des arias
Orchestre de l’Opéra National Hongrois
Pier Giorgio Morandi, direction
Ce ténor Maltais est devenu un des chanteurs les plus demandés sur les scènes internationales. Bardés de nombreux prix, ce grand ténor (par la taille) de 40 ans, a une voix d’une suavité et d’une douceur assez exceptionnelle. Il a été le plus jeune chanteur à signer avec une compagnie de disque à 25 ans, Pavarotti à 26 ans !
Son concert dans cette salle à l’acoustique impressionnante a montré la richesse de sa voix dont le timbre par moment rappelle celui de Jussi Björling. Calleja a interprété quelques « tubes » du répertoire, l’aria du duc de Rigoletto, les arias de Cavaradossi de Tosca, l’aria de Macduff de Macbeth, avec force, intelligence et émotion ; à côté de ces airs, il a interprété une romance de Tchaïkovski, deux airs de Francesco Tosti, popularisés par Caruso, dont « A vucchella » sur un poème de d’Annunzio et en bon Maltais – Joseph Calleja est ambassadeur culturel de Malte depuis 2012 – un air de Joseph Vella, compositeur maltais disparu l’année dernière et très connus sur l’île. Le concert s’est terminé avec Mattinata un passage obligé pour tout ténor qui se respecte. Leoncavallo l’avait écrit en 1904 pour Caruso. Entre chaque morceau l’orchestre, dirigé par Morandi, a interprété différents morceaux dont l’ouverture des Vêpres de Verdi avec fougue, le prélude d’Attila de Verdi, l’intermezzo de Manon Lescaut de Puccini, avec beaucoup d’élégance, celui de Cavalleria Rusticana un peu trop vite, et celui de Pagliacci de Leoncavallo. En bis et comme c’était Easter Day, le ténor offrit le grand air de ténor du Requiem de Verdi. Une belle soirée pour commencer le séjour.
Samedi 20, direction le Château Royal « Királyi Vár » pour découvrir une incroyable exposition sur des photos d’amateurs qui raconte le passé de la Hongrie de 1930 à 1990. Ces photos font partie du fond des archives de Fortepan, la marque de la pellicule argentique hongroise. Une exposition étonnante, surprenante, avec des photos d’une exceptionnelle qualité formelle et des sujets qui racontent la vie de la population. Photos émouvantes, fascinantes et la matinée n’était pas suffisante pour apprécier la diversité de ces instantanées. Le livre édité pour l’occasion est indispensable et offre un magnifique voyage dans le passé de ce pays.
Le soleil étant présent, en prenant l’avenue Andrássy út, les Champs Elysées hongrois, nous marchons jusqu’à la Place des Héros « Hósök Tere ». Là, au musée des Beaux Art est proposé une étonnante exposition des dessins de Lodovico Buonarroti Simoni alias Michel Ange. Inutile de dire combien la qualité de ses dessins dont certains sont des épures pour la Chapelle Sixtine est impressionnante. Après s’être nourri de culture, un passage indispensable devait se faire au plus fameux salon de thé de la ville, chez Gerbeaud. C’est le chocolatier suisse Emil Gerbeaud qui a fait la renommée de ce salon de thé aux accents baroques, ouvert depuis 1858. Il inventa de célèbres « tortâk » au chocolat et de nombreuses recettes de biscuits. Hélas Vörösmarty ter, cette superbe petite place, au centre de la ville, où se trouve ce café, sent aujourd’hui la frite, l’huile rance. Elle est totalement détruite par la présence de touristes affairés auprès des magasins de souvenirs hongrois plus laids les uns que les autres !
Dimanche 21, impossible de manquer la messe à Mátyás Templon – l’Eglise de Mathias – à Buda. Cette église du XIIIème siècle où le roi Mathias fit bénir ses deux unions a été totalement détruite, puis reconstruite au XIXème siècle dans un style néogothique. Quelque soit sa religion, on se doit d’assister à la messe de Pâques car durant l’office une messe chantée y est exécutée. Ce dimanche c’était une messe écrite par l’Autrichien Joseph Haydn (il en a composé 14 !). Le moment le plus émouvant fut lorsque le chœur entonna un hymne à la gloire de la Hongrie. Etant à Buda, à côté du Magyar Nemzet Galéria, impossible de ne pas la visiter. Là sont exposés une des collections les plus étourdissantes de l’art hongrois avec des retables du XV-XVIème siècle, des toiles des maîtres hongrois du XIXème et surtout les chefs d’œuvres de la peinture impressionniste hongroise, des peintres de plein air, dont Károly Ferenczy. Au détour d’une salle nous apprécions le mouvement d’avant garde nommé Les Huit, les fauves hongrois, dont Berény Róbert est un des plus talentueux représentants.
Lundi de Pâques 22! Pour réussir la fin de ce week-end, un des moments indispensables, est d’aller aux fameux bains. Il y a foule! Hongrois, Japonais, Français, Américains, Chinois en maillot de bains perdent leur nationalité. On est là pour apprécier l’eau à 28 degrés ! Les bâtiments sont immenses, on s’y perd ! Pour les Hongrois ils sont chers mais font partie de leur coutume. Nous y restons une bonne heure…Tout est fermé le lundi sauf les salons de thé ! Pour respecter là aussi la tradition, il faut faire la pause café ! Mon ex est gourmande ! Plusieurs lieux s’offrent à elle ; le plus près est le Muvész cukrászda une institution témoin de la belle époque. Touristes et Hongrois se mêlent dans l’immense salon tout d’or vêtu. Esterházy torta est le gâteau maison ! L’expresso est aussi à la hauteur de la réputation de la maison.
Oui nous avons revu les lieux de tournage, d’habitation, quelques amis ; mais à cause du nouveau régime ils n’osent plus dire ce qu’ils pensent, sauf en privé, comme à l’époque soviétique. La politique du pays est telle que beaucoup de gens quittent le pays, il manque du personnel dans toutes les branches de la société ! Il faudrait des émigrés pour les remplacer ! Cherchez un artisan, vous aurez du mal à en trouver un! Tel est le paradoxe de la politique d’Orbán, mais c’est le cadet des soucis des touristes et les nombreux hôtels cinq étoiles sont pleins ! Viszontlátásra Budapest !