M COMME …MIASKOVSKY
Nikolaï Iakovlevitch Miaskovsky est un compositeur russe, soviétique, né le 20 avril 1881 en Pologne et mort à Moscou le 9 août 1950. Comme on aime célébrer les anniversaires, alors ce sont les soixante dix ans de la mort de ce musicien! Sans lui faire offense sa musique ne fait pas partie des récitals des pianistes au même titre qu’un autre Russe, Rachmaninoff ou même Prokofiev. Il composa un nombre important d’œuvres dont 27 symphonies, un concerto pour violon et un concerto pour violoncelle. Ses œuvres restent relativement peu connues en dehors de la Russie. Considéré comme le père de la symphonie soviétique il a obtenu davantage de prix Staline que tous les autres compositeurs. Évidemment, cela suffit à en faire un suppôt du régime, d’autant qu’il a enseigné au conservatoire de Moscou pendant près de trente ans. On a oublié qu’il était très populaire aux États-Unis où plusieurs de ses œuvres ont été créées et où il était plus célèbre que bien d’autres compositeurs de renom. Anti-stalinien, il n’a jamais eu le courage de se lever contre le régime ou de le fuir, mais il n’a pas été harcelé comme Chostakovitch ou Prokofiev, ce dernier s’est retrouvé dans une prison dorée dès son retour en URSS. À la fin de sa vie cependant, il a été accusé, tout comme Chostakovitch, Prokofiev, Khatchaturian et d’autres de produire de la musique formaliste et antisoviétique et donc anti-prolétaire. Il refusera de se montrer devant l’Union des compositeurs pour y faire acte de repentance et son autocritique (ce que Chostakovitch et Prokofiev feront). Il sera donc déchargé de ses fonctions, évitant néanmoins le pire, et ne sera réhabilité qu’après sa mort.
©DR Miaskovsky avec Prokofiev
La superbe pianiste Lydia Jardon, propose dans un cd (volume 2) chez sa maison de production AR RE-SE AR2019-7 les Sonates pour piano nos 1, 5 et 9 de Nikolaï Miaskovsky. Avec sa structure indépendante elle exhume ainsi des partitions méconnues de compositeurs peu joués tels que Kœchlin, Medtner, Lekeu, Magnard et donc Miaskovsky. Les 9 Sonates forment un pan trop méconnu de la littérature de piano russe du XXème siècle. Lydia Jardon formidable découvreuse, s’est prise de passion pour ces compositions qu’elle décrit comme le journal de bord des états d’âme d’un artiste confronté aux vicissitudes de l’histoire de son pays et réfugié dans un exil intérieur.
Après les Sonates nos 2, 3 et 4 (enregistrées en 2009), respectivement datées de 1912, 1920 et 1924, qu’elle qualifiait de trilogie de la colère, Lydia Jardon aborde des œuvres de jeunesse d’un auteur encore élève du Conservatoire de Saint-Pétersbourg, la Sonate n° 1 op. 6 (1907-1909) et la Sonate n° 5 op. 64 n°1 (1907-1908) d’inspiration totale avec le romantisme. La première, dans la lignée de Rachmaninov, s’inscrit dans un post-romantisme exacerbé et hautement dramatique avec quelques fulgurances debussystes. La n°5 est emprunt de Debussy, Liszt, Schumann sans oublier son âme russe. En total contraste la Sonate n° 9 op. 84, écrite en 1949, un an avant la disparition du compositeur, est une sonate crépusculaire.
Lydia Jardon offre ici comme pour le précédent volume, une lecture simple, et en même temps très expressive et d’une maîtrise absolue impressionnante apportant à ces sonates des valeurs peut-être insoupçonnables. Lydia Jardon préserve autant la lisibilité de l’écriture qu’elle en montre la dimension narrative. Grâce à ses qualités pianistiques elle fait revivre un compositeur pétri d’humanité qui a vécu dans une sorte de carcan impossible à en échapper sauf par la musique. Quel beau et original cadeau à offrir avec bien sûr le premier volume des sonates interprétées par cet artiste engagée.
Le grand chef d’orchestre Svetlanov avait enregistré l’intégrale des symphonies (16cd), unique intégrale qui n’a d’intérêt surtout pour le chef.