G COMME…GODOWSKY
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C’est encore pour quelques jours le 150ème anniversaire de la naissance de Léopold Godowsky – le 13 février 1870 à Zasliai petite ville proche de Vilnius en Lituanie – Mūza Rubackytė, sa compatriote, immense artiste, s’en souvient avec un magnifique disque et la Sonate en mi mineur, sorte de grande improvisation de plus de 50 minutes. (Ligia 0103351-20).
Leopold Godwsky (1870-1935) est un pianiste et compositeur qui dès le début des années 1900, est le pianiste le plus recherché et rémunéré. Rachmaninoff écrit à propos de lui : il « est le seul musicien de son époque qui a apporté une contribution durable et réelle au développement de la musique pour piano. » . Interprète de premier plan, il est le professeur de générations de pianistes célèbres (Joge Bolet par exemple). Comme compositeur, il a laissé plus de 400 œuvres pour le piano ainsi que des transcriptions, notamment de Weber, Brahms, Strauss. Ces œuvres sont difficiles à interpréter (voir ses Études sur le 23 Études de Chopin) et demandent des prouesses physiques aux pianistes. Cette sonate est un véritable monument du répertoire pianistique, œuvre dédiée à son épouse bien-aimée (Meiner lieben Frau gewidmet).
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Cet anniversaire coïncide avec les célébrations en Lituanie des 300 ans de Eliyahou ben Shlomo Zalman le Gaon (génie) de Vilnius (1720-1797), personnalité importante de l’histoire du pays, rabbin, savant, éminent représentant de la communauté juive du pays. Au XXième siècle beaucoup de Litvak (juifs lituaniens dont Chagall, Soutine, Rothko, Golda Meir…) ont dû s’exiler aux USA comme la famille Godowsky.
Mūza Rubackyté est un enfant prodige née en Lituanie de parents musiciens, élève de Maître Y. Flier au conservatoire de Moscou, est lauréate de nombreux prix tant en URSS qu’en Europe. Engagée pour la restauration de l’indépendance de son pays (1990) elle en est aujourd’hui l’ambassadrice dans le monde entier.
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La sonate a une durée qui avoisine les 50 minutes. C’est une œuvre dans le courant nodal post-romantique qu’on peut retrouver chez Scriabine. Elle s’articule en 5 mouvements contrastés dont les volets extrêmes, les plus développés, résonnent en miroir. Le premier, allegro non troppo ma appassionato, est extrêmement dense une sorte de méditation grave. Le second, andante cantabile, est une élégie laissant percer l’amertume. Le troisième est un, Allegretto vivace e scherzando joyeux, ludique dans l’esprit lisztien. Le suivant, est une valse d’un lyrisme énigmatique. Arrive, un Retrospect (Lento mesto), qui reprend avec gravité le début de la Sonate avec ses principaux thèmes, il s’enchaîne avec un Larghetto lamentoso, comparable à certains préludes méditatifs de Bach. Après quelques passages dans un style d’improvisation pianistique, la dernière partie débouche dans un recueillement spiritualisé. Mūza Rubackyté maîtrise parfaitement sa Sonate avec la puissance de son jeu que l’on connaît et qu’on a apprécié dans ses précédent enregistrements – Les Études et les Années de Pèlerinage de Liszt, les Préludes et fugues de Shostakovitch – l’intelligence du texte et surtout l’affect qu’elle y ajoute. Elle y apporte tout le lyrisme qu’elle exige. On sent que la pianiste est très investie dans cette œuvre. On peut se demander pourquoi elle est si souvent absente des récitals? Elle n’est pas plus longue que les variations Goldberg ou Diabelli et sa difficulté est sûrement bien moindre que les concertos de Rachmaninov ou de Prokofiev. Peu enregistrée c’est une excellente occasion pour la (re)découvrir. Elle est accompagnée sur ce superbe disque par 9 préludes op.1 de Karol Szymanowsky, préludes tous empreints de mélancolie. Le compositeur n’a pas encore vingt ans et s’est largement inspiré de l’œuvre de Frédéric Chopin. Mūza Rubackytė publie en décembre 2020 aux Editions Ovadia un ouvrage autobiographique intitulé Née sous un Piano. Le 11 mars 2021 à 20 h 30, elle donnera Salle Gaveau à Paris, un récital consacré à Godowsky et Chopin. Courez-y avant que la covid vous rattrape !