CHINATOWN INTÉRIEUR
Un livre de Charles YU
Edition Aux Forges de Vulcain, 276 pages
Traduit de l ‘anglais (États-Unis) par Aurélie Thiria-Meulemans
Tribunal Intérieur/Jour
Grand Frère (Asiat’guest star) : On nous a parqués, maintenus à l’écart de tous les autres. Piégés à l’intérieur. Coupés de nos familles, de notre histoire. Alors, on s’est fabriqué en endroit : Chinatown. Un lieu de mémoire et d’autopréservation .
La première surprise en ouvrant la première page, après avoir apprécié la couverture dessinée par Éléna Vieillard – Aux Forges ils sont très sensibles à la présentation de leur livre, une de leurs nombreuses qualités – c’est la typographie et la mise en page du roman. Très vite on comprend que nous sommes dans un scénario pour un film et la présentation est celle des plus classiques, d’où le titre : Chinatown Intérieur et on ajoute en général Jour ou Nuit. L’histoire au départ est celle de Willis américain d’origine asiatique qui tente de percer à Hollywood. Á la lecture donc de ce roman / scénario on est plongé dans un pseudo feuilleton policier américain banal à pleurer que l’on nous sert tous les soirs sur nos chaînes nationales. Et comme aujourd’hui il faut distribuer les rôles à toutes les catégories de population et tous les genres, on doit avoir le blanc, le noir, le gros, le maigre etc etc…il y a un problème : c’est l’Asiat et comment le mettre à toutes les sauces. ??? Pourquoi un Asiat’ c’est si compliqué à intégrer dans une histoire, dans l’Histoire ?! Avec un humour grinçant, ubuesque même, Charles Yu nous en parle et il nous fait rire…jaune. Il explique qu’un Asiat’ ne peut qu’être serviteur dans un restaurant de Chinatown, qu’il est mis au fond de l’image, qu’il ne parle pas ou qu’avec un accent chintok, même s’il a fait des études, ou qu’il est le mort et que derrière ce meurtre y’a toujours des trucs pas clairs chez ces faces de citrons, un truc culturel bien évidement ! Eh oui le monde de la télé, du cinéma c’est un monde qu’en noir et blanc un affrontement entre les blancs et les noirs ! Alors on rêve à Bruce Lee, un bug dans l’industrie du cinéma (c’est David Caradine qui fait le rôle du chinois dans Kung Fu ). Un chinois rêve que de devenir Mister kung Fu. Au travers une écriture fluide, avec un certain détachement, Charles Yu parle de ces émigrés (il en fait partie) dont les droits pour devenir citoyen naturalisé date de 1943 et que les systèmes des quotas ont été abrogés en 1965 ! Avant, pendant deux cents ans, ils n’étaient qu ‘Asiat’ moins qu’un noir! Ainsi, on suit à travers cette histoire de flic super nulle, plusieurs générations, qui n’avaient qu’un rêve, qui n’ont qu’un rêve celui de devenir Américain ! Le livre se lit avec beaucoup de jubilation même si tout n’est pas drôle, mais c’est avec de l’humour qu’on peut faire passer des idées fortes et des convictions et Charles Yu, comme le cinéma américain de qualité, l’ont compris depuis longtemps. C’est un livre pour l’extérieur de Chinatown.