UA-159350346-1

[ENTRETIEN]: GEOFFROY JOURDAIN – IL VA CONDUIRE LA PÉNICHE OPÉRA …SANS PERMIS !

Sous un soleil printanier, en ce vendredi 13 mars 2015, jour de chance, j’ai remonté le Quai de Loire jusqu’au numéro 46. La Péniche Opéra était à quai mais c’est dans le café d’en face que Geoffroy Jourdain m’a donné rendez-vous…

Que vient faire l’ensemble Les Cris de Paris sur le Quai de Loire ?

Ce n’est pas Les Cris de Paris, mais l’histoire des Cris de Paris qui nous amène ici. A sa création c’était un groupe d’étudiants, une association non consciente qu’elle allait participer à la fondation d’un groupe qui se professionnaliserait à partir de 2005 avec l’aide de la Fondation Orange. C’est à ce moment là qu’Olivier Michel est arrivé comme administrateur.

Quelle est la formation d’Olivier Michel ?

Il a une formation dans le monde de l’entreprise et puis une appétence particulière pour tout ce qui est création contemporaine.

Cela fait donc dix ans que Les Cris de Paris est un ensemble professionnel ?

Oui et c’est cette expérience qui fait que nous venons à la Péniche Opéra avec une ligne éditoriale précise et un enthousiasme qui va nous permettre de faire des rencontres et inventer un projet dont on ne peut pas dire ce qu’il deviendra dans dix ans !

Vous avez donc postulé pour venir sur la Péniche ce qui va vous amener à avoir des responsabilités supplémentaires, dépendre d’un conseil d’administration, donc avoir peut-être moins de liberté qu’avec votre ensemble, non ?

Il y a eu un appel d’offre en juin 2014. On a postulé avec un projet qui va nous permettre de réinventer quelque chose et rééquilibrer nos relations. Depuis quelques temps on avait envie de diriger un lieu. Les Cris de Paris existe, continue à vivre leur vie. Le projet proposé, en plus de mutualiser les réseaux, les connaissances, et de mobiliser des enthousiasmes, permettra avec la Péniche Opéra de mieux s’organiser, de prendre du recul par rapport à ce qu’on a fait, de faire évoluer nos publics. On veut aussi faire profiter de notre expérience acquise avec Les Cris de Paris.

Vous connaissiez bien ce lieu ?

Je suis venu travailler avec Mireille Larroche, pas souvent, certes, mais j’ai vu beaucoup de productions hors les murs. Depuis sa création, il y a une trentaine d’année, la Péniche Opéra met en œuvre un projet artistique très en lien avec le répertoire du théâtre musical, avec des petites formations lyriques, et la création contemporaine, par des commandes auprès d’artistes. Je me sens tout à fait en phase avec l’univers auquel s’est consacré la Péniche et Mireille Larroche.

Qu’est ce qui fait que vous avez été choisi ?

Peut-être que nous sommes un ensemble plus récent que d’autres et qu’on a su évoluer avec un modèle économique différent, avec du mécénat privé, de sociétés privées, et qui conduit à moins compter sur l’État. Il faut apprendre à l’État à mieux se responsabiliser par l’utilisation de l’argent publique pour la culture comme il le fait pour l’éducation musicale. Aujourd’hui Les Cris de Paris est soutenu par la Fondation Béthencourt, la Société Générale, reçoit une aide de la DRAC et un peu de la Mairie de Paris. Comme beaucoup d’ensembles on est accueilli à la Fondation Polignac. On commence une résidence à Levallois ainsi qu’en Région Champagne Ardennes via l’Opéra de Reims.

Comment ont réagi les membres de votre ensemble ?

Je les ai prévenus. J’ai eu des réactions enthousiastes, et pas mal de gens, même si je n’en avais jamais parlé, trouvaient cela évident en fait. En raison de ce que nous avons développé ces dernières années, en modifiant un peu les protocoles du concert, en montant des projets avec d’autres disciplines artistiques, comme les arts plastiques, la danse, le théâtre. Toute la curiosité qu’on a pu avoir pour ne pas nécessairement faire des concerts de façon frontale, nous d’un côté, avec des pupitres et des costumes, et le public de l’autre côté, pour beaucoup de gens c’était dans la logique du projet artistique. Il fallait qu’il y ait un espace, j’entends virtuel – je ne parle pas nécessairement de la Péniche – mais un espace de productions et d’inventions. La signature de ce projet c’est aussi l’idée de laboratoire.

Et vous envisagez la venue de votre ensemble ?

Cela arrivera dans le sens où nous commençons en 2016, et si on veut favoriser des créations de dispositifs de spectacles, de l’écriture qui s’inscrit dans la durée, pour 2016 il fallait que nous ayons des choses en magasin. Donc effectivement la première saison il va y avoir une production des Cris de Paris et durant la deuxième aussi. Mais pour l’instant c’est tout ce qui est envisagé. L’idée n’est pas du tout que la Péniche soit un lieu pour l’ensemble.

Alors quelle est votre actualité avec la Péniche Opéra ?

Pour simplifier, elle n’est pas à quai pendant l’été, la saison se termine en mai. Ensuite le lieu Péniche, pour la rentrée, va être exploité pour des répétitions des conception. Notre saison 2015-2016 ne va en réalité commencer qu’en 2016. Il faut qu’on se donne un petit peu de temps pour être sûr de notre programmation. On vient juste d’arriver, on a été nommé il n’y a que quelques jours. Au début, on va faire essentiellement de l’accueil avec des groupes, avec des spectacles qui existent déjà, pour rester en contact avec le public de la Péniche. Ce qui est mis en écriture demande du temps. Il faut bien une saison pour avoir des créations originales. A part Système D des Cris de Paris, les autres spectacles existent déjà. J’espère que le public de la Péniche se reconnaîtra, même si nos programmes seront différents. Il y aura le public des Cris de Paris et aussi, j’espère, un public qui sera intéressé par la nouveauté. Le danger à Paris est de savoir le garder. Ensuite, mais c’est peut-être un peu tôt pour en parler, on va expérimenter d’autres horaires, on fera des spectacles à 19H. Être en lien avec un public, notamment de celui des gens de quarante ans qui ont des baby-sitters ou qui veulent aller au resto après le spectacle et qui bossent le lendemain matin. On fera d’autres horaires l’après midi pour des représentations avec le jeune public et aussi pour des spectacles familiaux, le dimanche après midi par exemple.

Et au sujet de l’artistique ?

On avait proposé à l’appel d’offre un projet qui s’intéresse au mode d’écriture « pluridisciplinaire », « transversal ». Même si je n’aime pas ce mot à la mode, qui mélange de nombreuses formes artistiques. Mettre dans la même temporalité des gens qui travaillent dans des domaines différents c’est ce qui nous intéresse dans le processus d’écriture de ce genre de spectacle. C’est à dire prendre par exemple le compositeur et au lieu de le laisser à sa table de travail, le mettre dans le dispositif. Cela va durer plus de temps, et il faudra le faire aussi avec les chanteurs, les danseurs. Cela ne veux pas dire qu’on va faire de l’art total en permanence, mais les disciplines qui se croisent, on les met au plateau ensemble. Il faut être convaincant dans la création de formes nouvelles. Je rêve de prendre le compositeur à sa table d’écriture et de le mettre dans ce dispositif. L’idée qu’il y ait un librettiste d’un côté, un compositeur de l’autre, des gens qui travaillent en scène au piano, comme à l’Opéra pendant tant de temps et puis qui font des italiennes et des scènes orchestre, pour moi cela me semble absurde. Les schémas dans lesquels on peut faire de la musique patrimoniale ne peuvent pas être ceux dans lesquels on fait de la création. Cela paraît évident quand on le dit mais cela n’empêche que dans les maisons d’Opéra, par exemple, ça n’existe pas vraiment. Cela existe dans des lieux un plus laboratoire, là où les mentalités sont différentes. C’est vrai plutôt en Europe du Nord où il y a des schémas dont on peut s’inspirer. Je pense à la Belgique ou à la Hollande où effectivement ces questionnements des écritures et comment une écriture peut influer sur l’autre, sont des choses qui sont en jeu depuis longtemps parce que le poids de la tradition est aussi moins important.

La Péniche Opéra est un incubateur de spectacles. Mais il y aura aussi la Péniche plateforme entre les professionnels et les jeunes compagnies, les jeunes ensembles. Tous les ans il y aura des présentations de maquettes de spectacles de jeunes compagnies, d’ensembles, à des professionnels, des diffuseurs etc… qui en voyant ces maquettes s’engageront à accompagner les projets montés sur la Péniche. L’identité c’est le spectacle musical. Il y aura peut-être aussi des chanteurs de pop avec une narration, une dramaturgie, de la même façon qu’il y aura des projets d’installations avec une narration sonore avec des voix. Si quelqu’un veut raconter une histoire en musique il faut qu’il sache qu’on existe. On a un projet très décloisonné.

Il va falloir alors que vous soyez attentif à tout ce qui vous entoure au niveau de la création ?

C’est pourquoi, on est très heureux d’avoir un lieu comme la Péniche. Avec Olivier, depuis dix ans, on passe notre temps à aller voir des spectacles, visiter des galeries, lire beaucoup. On s’était dit, si on avait un lieu pour favoriser les rencontres on serait ravi ! C’est ce qui vient de nous arriver !

Vous devez être très sollicité ?

Il y a beaucoup de gens qui veulent devenir nos amis ! Mais il y a en beaucoup aussi que nous voulons contacter parce qu’on aime leur travail. On pourrait programmer pendant dix ans tant il y a des gens qui nous intéressent. Avec Les Cris de Paris on avait des prestations à proposer, maintenant on va devenir coproducteur de spectacles musicaux et on espère inspirer, susciter, des projets.

En conclusion ?

On est les héritiers d’une belle histoire et il faut qu’on puisse continuer à l’écrire. On aimerait aussi que la Péniche Opéra puisse continuer à se déplacer à travers les canaux, cela fait partie de sa mission : la faire circuler en Ile de France et rencontrer des publics différents.

Il n’y a plus pour Geoffroy Jourdain qu’à passer son permis bateau pour faire naviguer la Péniche et avancer ses projets !

 

Articles similaires

Laisser un commentaire