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[ENTRETIEN] : LORIS HANTZIS

Journaliste à la Septième Obsession depuis les débuts de cette revue, j’ai eu le plaisir de connaître Loris Hantzis (son pseudonyme) avant que sa carrière ne se dessine sérieusement et c’est ainsi que nos chemins de traverse se sont rencontrés. Bien sûr chaque fois qu’on se voit, nous parlons d’un cinéma que nous apprécions. Il est jeune, passionné, passionnant, talentueux. Il est entré en cinéma comme en religion, il a accepté de se parler sans tabou ! J’ai au cours de cet entretien, mis des extraits de son livre Le Venin, hallucinant, dans la veine de Hubert Selby Jr.

« …Je regardais les hommes autour d’elle. Dans cette rame de métro qui suintait le désir. Je voyais le venin. Dans leurs yeux. Le poignard. Entre leurs cuisses. Obnubilés. Fascinés. Obsédés. Par elle. Par elles. Il y avait une raison. Une raison qui expliquait pourquoi leur chair devait rester cachée. Les voiles sur leurs visages. Les coiffes qui dissimulaient les cheveux des nonnes. La raison. Les viols. Les pleurs de ma mère. La raison. La violence, dans leurs regards. Dans le mien. Nuit et jour. À les vouloir…. »

 Est-ce que l’on rencontre encore des bonnes sœurs en cornette dans le métro,  la rue ?

Non, on croise beaucoup moins de bonnes sœurs, franchement ça devient compliqué et puis elles sont très sobres aujourd’hui.

Elles ne sont plus très érotiques non ?

Elles sont vieilles ! Déjà parce que ça ne se renouvelle pas, la vocation très peu, après les vieilles nonnes ont leur charme aussi, je pense que l’habit en fait, met en valeur leur visage, c’est pour cela qu’au cinéma on prend toujours des actrices magnifiques pour les interpréter, et souvent l’aspect prude de l’habit qui couche, qui couvre tout leur forme, leur visage…

Bien le lapsus !…couche pour couvre…intéressant (rires), je ne suis pas là pour vous psychanalyser cher Loris !

Ouais (rires)

Bon on se connaît depuis pas mal de temps et je sais qu’il y a deux ou trois films qui ont un rapport avec ses femmes, que vous adorez et j’en suis aussi un fana…, mais avant on va faire un retour en arrière… avez-vous fait des études…

Oui histoire de l’art. Dès le lycée, parce que je ne savais pas comment faire du cinéma, mais j’étais déjà intéressé par la peinture,

Le cadre, l’image c’était déjà votre passion

J’appréciais surtout l’expressionisme,

Votre milieu n’avait rien à voir avec ce qui vous passionnait

Tout le contraire, je suis fils d’un père routier qui ensuite a travaillé dans le bâtiment, et d’une mère aide-soignante, mais mes parents avaient une petite culture cinéma, mon père aimait les westerns, les films de Sergio Leone, les James Bond, ma mère regardait des films sentimentalistes comme disait mon père,

Vous êtes né près d’Angoulême, la BD ce n’était pas votre truc ?

C’est venu plus tard, je suis né à côté de la Roche-Foucault, dans un tout tout petit village, qui se nomme Agri, Angoulême c’était la grande ville pour moi, dans mon village il n’y avait pas de cinéma, y’a rien !

Alors le cinéma comment l’avez-vous découvert ?

La télé surtout, en fait ma famille était, mine de rien, assez conservatrice sur pas mal d’aspects et ma mère m’interdisait de regarder certains films, souvent c’était des films pas forcément violents. J’ai un vague souvenir d’avoir voulu voir un film de Chabrol et ma mère me disait que ce n’était pas pour moi ! Ce n’est pas de ton âge disait-elle ! Bon c’est vrai j’étais jeune et cela m’a tout de suite déclenché l’envie de voir ces films là ; je commençais à regarder ceux qui passaient à 22h, et de voir ainsi des films interdits au moins de douze ans, de seize ans, cela m’excitait énormément. Il m’est arrivé de me lever dans la nuit, en cachette, pour voir des films et là je tombais sur des films un peu plus classe ; je pense que mon intérêt pour le cinéma vient de l’interdit, d’un truc un peu sexuel aussi et de transgression

Quel est le film qui vous a le plus impressionné, peut-être dans la transgression, lorsque vous étiez jeune ?

En fait jeune, cela m’a pris du temps pour faire ma culture, c’était un problème parce que je n’avais pas accès aux DVD, je ne voyais que la télé ; j’ai eu accès au téléchargement qu’à l’adolescence, ce qui m’a permis de voir beaucoup de films, très jeune c’était très limité ; j’ai beaucoup utilisé le cinéma et l’image comme premier vecteur de sexualité, j’ai un souvenir au collège de courir jusqu’au bus et jusque chez moi pour ne pas rater la série Charmed une série sur M6, complétement moisie, très très mauvaise, mais dedans il y avait Rose McGowan qui était mon phantasme absolu,

Elle est super féministe aujourd’hui !

C’était à l’époque une rousse absolument magnifique qui avait dit dans une interview qu’elle ferait le pari de s’habiller de plus en plus court de saison en saison ! J’avais cette excitation dans mes années collège de me ruer sur cette série de sorcières qui m’a beaucoup marqué et mon goût, ma passion, des sorcières aujourd’hui ; ce n’est donc pas passé par des œuvres transgressives ; je me souviens que les James Bond mine de rien et je m’en suis rendu compte récemment en revoyant des anciens, à quel point, pour notre époque transgressive sur le plan sexuel, il utilisait toutes sortes de stratagèmes pour coucher avec les filles et surtout du chantage, ce qui m’excitait énormément ; à l’époque je les regardais gêné à côté de mes parents, alors que ce sont des films assez prudes au demeurant…

Il y avait quand même un second degré

Oui mais c’était sous-entendu, il y avait des espèces de jeux qui seraient aujourd’hui totalement interdit, je t’ai sauvé la vie..

Je te saute !

Voilà ! Je pense que ce sont ces sortes de petites pointes de transgression qui m’excitaient. C’est vraiment à l’adolescence que j’ai découvert le téléchargement et là j’ai pu me ruer sur tout le cinéma d’exploitation, le cinéma d’horreur, et regarder les choses les plus extrêmes dans une vraie quête de rébellion adolescente, contre mon milieu, contre tout et pouvoir accéder à tous les films que mes parents m’interdisaient de voir.

Ce qui est intéressant dans ce que vous dites c’est qu’à travers des films dit de genre on peut exprimer des idées qu’on ne filmera pas au premier degré, donc inattaquable parce que l’on est dans le film de genre

Oui c’est cela, parce que dans ce cinéma il y a une liberté, aujourd’hui encore plus qu’à l’époque, réjouissante, je me souviens des premiers Rape and Revenge et ça m’a complétement impressionné ; Abel Ferrara m’a complétement changé ma vision du monde, Breaking the Waves de Lars von Trier, pour l’ado que j’étais, était d’une transgression absolue, voir une femme qui se laisse violer par amour pour son mari c’était pour moi un des sommets de la transgression, mais comme dit Pasolini, la transgression ce n’est pas une offense c’est un plaisir, c’est un plaisir absolu d’être offenser, de toucher à ma morale et de questionner mon milieu de cette façon, le cinéma est un moyen pour se libérer de là d’où on vient, de ce qu’on nous a appris de ce qu’on nous a dit, de ce qui est bien ou mal..

D’où votre admiration pour Pasolini

Totalement

Alors aujourd’hui y a-t-il beaucoup de Pasolini   ?

Lars von Trier en est un je pense, même si c’est un cinéaste très controversé, il est moins calculateur qu’il le laisse entendre, Abel Ferrara c’est l’Ange de la Vengeance, c’est le graal, la découverte de Shin’ya Tsukamoto a été pour moi une énorme influence.

Chez les japonais la transgression est courante

Surtout pour nous, parce qu’il y a certaines choses qui pour eux ne le sont pas. C’est surtout lié aux questions d’âge, ils ont un truc avec les filles jeunes auxquelles on peut faire tout ce qu’on veut, alors que chez nous la jeunesse c’est quelque chose à laquelle on ne doit pas toucher, clairement il y a un choc culturel à ce niveau-là ; mais en fait il y a toujours eu une liberté créative au Japon qui était phénoménale.

Oui mais aux USA, les teenager movies, les Hallowen, les Vendredi 13, et la symbolique du couteau, vous en avez parlé dans La Septième Obsession dernièrement,  il existe aussi tout un cinéma de l’interdit, du transgressif, dans un pays dit puritain

J’adore parce que la religion me passionne ; alors leur cinéma est souvent pris au milieu d’une pensée étriquée, moralisatrice et les slashers le sont souvent, c’est-à-dire il faut punir les gens qui couchent avant le mariage, il faut punir les gens qui fument, et j’ai une partie de moi qui est très rigide dans sa pensée, mais d’une autre manière aller planter un couteau plutôt dans une femme c’est la pénétrer et pour les gens comme moi qui n’ont jamais eu une sexualité facile, libérée ou simple cela a toujours été libérateur de pouvoir voir pénétrer des femmes comme cela en pensée.

« …On se dirigea ensemble dans la pénombre du bois. Une fois qu’on fût assez loin du chemin blanc, il se rua sur moi. Par derrière. Et me plaqua au sol. Il fit remonter ma jupe et descendre ma culotte. Et il me viola. Et je l’acceptais. Je l’acceptais en moi. Son poignard. Sa violence. Je l’acceptais en moi. Mon père. Je le pardonnais. Et sur ma joue. Coulaient les larmes de ma mère. Je la pardonnais aussi…. Il ne restait rien. Rien de tout ce que j’avais vécu, rien de toutes les mauvaises choses que j’avais faites dans ma vie. Ne restait que ma chair. Les coups de reins. Faisaient vibrer mon corps. À ce moment-là. Je relevais les yeux au ciel. Et dans la nuit. C’était comme si les étoiles formaient un sourire. Celui de Dieu. Dieu qui me disait :  Le voilà, ton grand dessein.  Je souriais. Le sexe. La mort. Quelle différence. Parce qu’à ce moment-là. Alors que son venin. Éclatait en moi. Je savais. Que j’étais pardonné. Pour ce que j’avais fait à cette fille. Il y a bien longtemps. »

Êtes-vous catholique au départ ?

J’ai été baptisé,  élevé dans la tradition, mais mes parents n’étaient pas du tout intéressés par la religion…

Quand vous avez fait vos études, y-a-t-il des peintres qui a travers leur côté christique qui vous ont marqués?

Oui, ce qui est amusant, mais je ne me rendais pas compte, c’était le mysticisme qui me m’envoutait à l’époque. Ces peintures, ces églises, un Caravage, même un Velasquez, un Goya, et puis la découverte de Francis Bacon qui a été une entrée dans la peinture plus moderne, me fascinaient, j’étais déjà dans l’étude de la religion d’un point de vue picturale, architecturale, mais je ne l’attachais pas à un sentiment religieux, c’est venu plus tard, c’est amusant mais cela fait partie de ma vie depuis mes études.

Alors vous avez fait la fac, puis vous avez eu l’envie de passer à la réalisation

J’ai quand même mis dix ans à casser ce truc de classe..

Le cinéma est-ce bourgeois pour vous ?

Oui il était pour les autres ; mes parents avaient une phrase toute faite qu’ils m’ont répété toutes mon enfance et adolescence, à chaque fois que j’ai osé dire plus tard j’aimerai bien faire du cinéma …Ils me répondaient c’est une passion pas un métier ! Cette phrase malheureusement quand on la met dans la tête d’un enfant, il faut une énorme force mentale pour casser ce cadenas là ; ce n’est qu’à vingt-huit ans que j’ai osé faire mon court-métrage, alors qu’il y a des réalisateurs qui ont fait leur premier court à vingt ans !

Est-ce parce que vous n’aviez pas de sujet ou vraiment la peur de transgresser cet interdit ?

Je n’étais pas capable de transgresser mon cadenas familial, alors que ce n’est pas compliqué, il suffit d’avoir des amis, une caméra et on fait un film en fait.

Lorsque vous avez tourné avez- vous trouvé cela tout à fait naturel ?

Tout à fait naturel et la révélation. Le premier jour sur mon plateau, je mets ce mot entre guillemet, cela a été une expérience incroyable ; d’avoir une équipe et de diriger, d’avoir une peinture de Velasquez pendant tout le film, de faire la connections entre mes études d’histoire de l’art et de cinéma c’était la révélation parce que j’avais rêvé de cela pendant des années sans me l’avouer.

Comment s’appelle-t-il ?

Intacte

« Je n’ai pas eu peur lorsque je l’ai violée. Pur instinct. Comme si c’était écrit. Comme si j’étais totalement dévoué à un réalisateur invisible qui dictait mes gestes horschamp. Comme si j’étais totalement dévoué à un Dieu pervers qui dirigeait ma violence. Elle a dit non. Deux fois. Et je n’ai rien dit en retour. Parce qu’elle n’existait pas. Pas vraiment. Elle était là, sans être là. Tout ce qu’elle était au fond, dans ses tripes, dans son sang, avait disparu. Il ne restait que sa bouche. Ses seins. Son cul. Sa chatte. Il ne restait rien »

Ce sujet le portiez-vous en vous depuis longtemps ?!

En fait il se trouve que j’ai des projets avec des femmes dans des rôles principaux, mon univers créatif est essentiellement féminin, et m’a énormément interrogé…

Bergman cela ne l’a pas gêné

Beaucoup de réalisateurs non plus, aujourd’hui c’est devenu un problème, mais pendant très longtemps cela ne l’était pas, cela m’interrogeait quand même.

C’est un beau sujet la femme non ? 

Moi je trouve et je pense qu’il y a beaucoup à dire, après c’est un autre débat du style est-que les femmes doivent faire des films sur les femmes, c’est une vision qui me déplait énormément mais qui est très moderne..

Les ouvriers faire des films sur les ouvriers, les aveugles, les assassins sur les aveugles et les assassins et les cons…

Exactement comme ça tout le monde reste à sa place, c’est une vision que je n’aime pas du tout, une femme peut très bien faire un film sur des hommes, Démineurs de Kathryn Bigelow est un des meilleurs films de guerre et personne ne lui a reproché en tant que femme d’avoir réalisé un film sur des hommes ! Tout ça pour dire oui Intacte est venu tout naturellement. Tous les types de violences sexuelles me passionnent parce que, comment le dire, j’ai un historique familiale compliqué qui implique ces questions-là, forcément c’est dans ma tête et dans mon âme je dirais, et ce film traite de ça , mais c’est aussi un film qui a eu des retours très compliqués dans les festivals parce que c’est un film qui mêle aussi  l’imagerie religieuse, qui dans une thématique de violence sexuelle d’un personnage qui trouve la lumière est une des plus belles idées au monde, mais effectivement ce sont des sujets que l’on ne traite pas de cette façon aujourd’hui ; j’ai eu des retours magnifiques de gens qui ont adoré et d’autres qui ont trouvé le film retord..

C’est intéressant d’avoir ainsi plusieurs points de vue, cela veut dire qu’il a touché

C’est sain d’avoir ce genre de réactions si diverses. On m’a même dit que mon film était dégueulasse, j’aime bien

Avez-vous vu Benedetta de Verhoeven, sorti bien après votre court

Je sais qu’il faut que je le voie, parce que sur le papier c’est un film qui doit m’intéresser. Mais n’ayant pas apprécié ses derniers films, le Verhoeven de La Chair et le Sang, de Spetters pour moi n’existe plus, parce qu’il a vieilli et c’est normal, j’ai peur d’être déçu.

Quand même dans Elle il y’a des scènes qui ont dû vous interpeller  non ?

Si le film avait été sur cette scène incroyable du diner où Isabelle Huppert dit hier soir je me suis violer, cette scène est inouïe, c’est peut-être une des meilleures scènes du cinéma de Verhoeven et des plus transgressives, le film a plein d’autres thèmes, la critique de la bourgeoisie mais qui ne m’intéresse moins.

Le Christ et le sexe c’est quand même une constante chez lui

Spetters est peut-être le film de lui qui me fascine le plus avec cette façon de faire du cinéma populaire complétement transgressif.

Excusez-moi de vous interrompre, il y a un cinéaste dont vous n’avez pas encore parlé et je sais qui est dans votre panthéon, un cinéaste par très clair non plus dans sa tête, c’est  Russell

Là on en vient où j’en suis dans ma carrière de journaliste et mon objectif aujourd’hui ce serait d’écrire une livre sur lui ; ce serait un accomplissement parce que c’est quelqu’un qui me fascine, il a ce côté fou mais aussi dans l’énergie, il fait des films animés par une fureur et perd peut-être cette dimension calculatrice de quelqu’un qui voudrait transgresser en sachant là où il tape, chez lui il y a quelque chose où tout part en même temps, c’est ce que j’adore dans Les Diables, China Blue. Les Diables je l’ai découvert vers quinze, seize ans et je ne m’en suis jamais remis ! L’image où elle a cette espèce d’orgasme dans un souterrain où elle le voit arriver, ou cette image où elle branle un cierge, ce sont des images qui ne m’ont jamais quittées, mais c’est comme Bad Lieutenant, c’est un film qui m’a complétement orienté soit mon rapport à la religion, soit sur plein de rapport à ma vie

Alors vous venez de nous dire que vous êtes aussi journaliste, comment passe-t-on de l’écriture de cinéma à celle pour une revue ?

Je n’étais pas très bon à l’école, il fallait que je travaille beaucoup pour que j’ai au moins 12! J’étais poussif, j’ai fait une licence de l’histoire de l’art et un master d’études cinématographiques, c’est pendant ce master que j’ai commencé à être critique ; l’écriture universitaire c’est quelque chose de très spécifique, on peut la retrouver dans la critique de cinéma, dans les Cahiers ou Positif, il y a beaucoup d’écritures universitaires que je peux trouver intéressantes au demeurant, mais cela m’intéresse si c’est écrit par quelqu’un qui a le triple de ma culture cinématographique, si c’est quelqu’un qui a vu moins de films que moi, cela m’énerve au bout de deux lignes, j’ai toujours voulu plus de lyrisme en fait, ce qui est inacceptable à l’université, on ne peut pas écrire avec lyrisme dans un master, dans un mémoire. Mon premier sujet de mémoire a été refusé, alors que j’avais beaucoup travaillé dessus, c’était sur la vision italo-américaine du Christ,  donc de parler d’Abel Ferrara, de Martin Scorsese, et je faisais un pont jusqu’à Terence Malik, Mel Gibson et parler de ce que Scorsese appelait le Christ dans la rue. Son premier projet de film c’était faire un film sur le Christ qui habitait à New York se terminait avec la crucifixion sur les docks de New York !

Parliez-vous aussi de Nazarin?

Je ne l’avais pas vu à l’époque, mais on m’a tout de suite reproché que mon projet était trop lyrique, pas assez universitaire, c’était déjà le problème auquel je me confrontais, c’est à ce moment-là que j’ai commencé à écrire pour la presse.

J’ai eu la chance de lire votre livre, peut-on en parler ?

hum hum

On a du mal à s’en remettre, on se pose la question si on est dans une autobiographie ou dans un délire à la Kinski

hum hum

Allez-vous dire joker ?

Non non j’ai écrit ce livre en 2017, peut-être, sous inspiration de John Fante, qui est un auteur qui m’a bouleversé pendant mon adolescence,

Grand auteur et aussi scénariste à Hollywood

Grand auteur, j’en suis tombé amoureux,

Il y a eu des adaptations au cinéma, Bandini, Full of Life, pas très bien réussies

Dont un avec Colin Farrell en John Fante, ce qui est un peu compliqué pour moi ?

Demande à la Poussière

Donc ce roman, très influencé par John Fante, très autofiction, en fait je l’ai écrit dans la période la plus sombre de ma vie, celle de mon arrivé à Paris ; ceux qui habitent à Paris ne connaissent pas cette expression monter à Paris pour un petit provincial.

Vous employez cette expression, même à votre âge ?

Oui oui, c’était le moment où je coupais les ponts avec les amis que je pouvais avoir en Charente, ma famille, et là j’entrais dans une solitude dans une grande ville où on n’est personne, et une plongé dans tous les vices et les extrêmes…

L’Enfer et le Paradis

Complétement, parce qu’il y avait aussi un début de sentiment religieux chez moi, je pense qu’il y avait un sentiment de fluidité d’identité et de complexité entre masculin et féminin, tout cela mêlé à une auto destruction. C’était tout ce que m’offrait Paris à cette époque

« J’avais trouvé le cinéma. Pour leur survivre. J’avais trouvé le cinéma. Pour m’élever. Comme ma mère et sa croix autour du cou. Chaque film, une prière. Trois, quatre fois le jour. Deux fois la nuit. Deux cent trente, deux cent quarante fois par mois. Pas qu’une fuite ou une échappatoire. Une ascension. Un peu comme dans Une question de vie ou de mort  de Powell et Pressburger avec ce grand escalier entre la terre et Dieu. Chaque film m’élevait. Au-dessus de ce monde. Où j’étais ce que j’étais. Au-dessus de ce monde. Où j’avais fait ce que j’avais fait. Il y a longtemps, je lui avais dit : Dieu, c’est le cinéma et ma mère s’était mise à pleurer. Pas des larmes de déception, pas des larmes de colère mais des larmes qui disaient :  Tu es perdu.  Et peut-être que je l’étais. Mais quel autre choix s’offrait à un homme ? Que celui de lutter contre ce désir si destructeur. Que celui de fuir la mort entre ses cuisses. J’avais trouvé le cinéma. Pour me survivre. J’avais trouvé le cinéma. Et j’avais besoin de lui. Vraiment besoin de lui. »

Et le cinéma dans tout cela ?

Le cinéma à ce moment là était nocif aussi pour moi, c’est-à-dire que j’ai développé une addiction, j’ai du mal à le dire parce que le cinéma c’est aussi ce qui a de plus beau dans ma vie et à cette époque je me suis enfermé complétement dans ce monde jusqu’à ce que cela devienne une prison, vraiment

Comme une drogue ?

Une drogue et puis, je vivais dans un monde intérieur, ce roman parle beaucoup de phantasme avec des actrices ; j’avais décidé pendant l’écriture que je ne regarderai aucun film après 1960 ! Donc je regardais des films majoritairement des années trente, quarante, cinquante et je n’avais aucun contact avec le monde extérieur, je pouvais passer mon temps à regarder huit films par jour, chez moi ; j’ai eu une période où je regardais tous les films avec Sylvia Sidney et où  je m’endormais le soir en forçant mon subconscient à avoir une relation avec ces femmes !

« Dans J’ai le droit de vivre, lorsque Sylvia Sidney souriait si grand que ses yeux disparaissaient. Comme si sa bouche heureuse devait prendre le pas sur le reste. Elle avait un col à dentelles serré à son cou par une ficelle. C’était si beau. Si magique. J’enlevais le lacet de ma chaussure. Je le passais autour du col de ma chemise. Puis j’essayais de sourire comme elle. …. Dans  Scène de la rue , Sylvia disait : J’adorerais aller en Italie. Je suppose que ça n’arrivera jamais… . Bien sûr que ça arrivera, tu épouseras un homme riche qui t’emmènera partout ! Ma pauvreté. Ma nullité. Mon insignifiance. Qu’est-ce que j’avais à offrir à Sylvia. Rien ! Puis elle disait : Je ne pense pas que je pourrais être avec un homme riche si je ne l’aimais pas au moins un peu . Alors je me sentais mieux. Parce qu’elles s’en foutaient. Des choses matérielles. De mon appartement minable. De mon pantalon trop grand et ma cravate froissée. Elles disaient des choses comme : Tout ce que je veux c’est toi !. Mes anges. Sylvia était la reine de la tragédie. Grâce à ses yeux immenses. Ses larmes de cinéma. Grosses gouttes. Sur sa joue. Grosses gouttes. Au creux de ma main qui s’agitait sur mon sexe. »

Qui connait Sylvia Sydney aujourd’hui ?

Complétement oui, c’est une actrice complétement oubliée, comme Jennifer Jones, c’étaient les plus grandes actrices du monde

Un film avec elle qui vous a bouleversé ?

Sylvia Sydney elle est connue pour ses yeux, elle avait un visage de piéta en fait elle avait la compassion sur le visage, elle a fait plusieurs films avec Fritz Lang,  Fury par exemple, elle est bouleversante dedans il y a aussi un film de King Vidor Street Scene, elle y est magnifique.

Depuis quelques années vous écrivez régulièrement dans une revue

J’ai commencé avec l’Écran Fantastique, et dès son deuxième numéro j’ai participé à la Septième Obsession et j’ai depuis quasiment écrit dans tous les numéros, c’est une revue qui m’a laissé m’épanouir dans mon écriture

Quand on lit votre prose, on sent ce qui vous intéresse dans le cinéma

Oui j’ai des obsessions comme les femmes, la sexualité, la religion, mes articles parlent de cela et surtout, ils ont ce lyrisme qui m’était interdit avant, j’écris comme il me plait

Il n’y a pas de censure dans la revue ?

Il peut y en avoir, j’en ai déjà eu, il m’est arrivé d’avoir une censure sur des images, dans le numéro slasher j’avais fait un article pornographie du couteau qui faisait un lien sur comment filmer la pénétration dans le cinéma porno et la pénétration du couteau dans les slashers

Le couteau il frappe souvent juste en dessous du nombril non ?

Bien sûr parce qu’on ne peut pas aller directement en-dessous, c’est le coup de couteau de la fin de  l’Ange de la Vengeance où avec le couteau entre les jambes pour poignarder Thana , le couteau c’est un coup de sexe !

Vous m’avez fait lire le scénario de votre prochain film, l’histoire d’une femme qui offre son corps comme Jésus avec l’hostie, je ne sais pas si j’ai bien résumé votre film ? où en êtes-vous ?

Oui, complétement Extase c’est mon projet de passion, d’une vie,  avec cent ou un million d’euros je le ferai ! Il faudra que cela sorte de moi, j’ai commencé à l’écrire pendant La Covid en faisant beaucoup d’interviewes de prostitués, d’escortes, j’ai aussi des filles incroyables qui m’ont inspiré pour cette histoire-là,  elle fait converger toutes mes obsessions en une, j’ai été aussi influencé par Grisélidis Real qui est une écrivaine qui me fascine, il existe un film passionnant qui s’appelle Prostitution, documentaire bizarre des années soixante-dix dans lequel elle apparaît à la fin et cela avait été un choc parce qu’il y a un moment où elle dit qu’elle voit tous ces hommes marcher dans la rue, faire des allers retours avec leur bite timide, c’est une expression qui me passionne et elle a cette espèce de compassion où elle dit si je pouvais je ferai la passe gratuitement mais malheureusement j’ai des enfants, et cette façon de voir la prostitution comme un acte de charité et un don de soi, c’est vraiment bouleversant ; le film parle de ça et parle de la révolte des prostitués à Saint Dizier qui est un évènement fascinant, c’est un film qui se veut la critique de l’État français envers les prostitués, notre état est coupable depuis cinquante ans envers cette communauté.

Ce qui est intéressant dans votre scénario c’est la vision féministe, le client n’est pas si  important que cela

Je pense que c’est discutable parce que certains penseraient que je montre les clients sous un bon jour, il y a des clients horribles dans le scénario, mais on est à une époque où le client doit être forcément montré comme un monstre sexiste et le mouvement abolitioniste va en ce sens, j’ai une vision autre sur les clients, ce n’est pas un film sur eux, mais j’adorerais faire un film sur les clients, mon père était un client de prostitués. Extase est un film sur elle, comme vous le disiez, là c’est une mystique qui se prostitue, c’est encore différent. Il n’existe pas de films sur les clients , c’est transgressif…

On ne pourrait plus faire Irma La Douce aujourd’hui, le sujet est assez étonnant non ?

Tant qu’on peut glisser un second degré quelque part c’est possible, j’ai découvert par obligation Jeanne Dielman, j’avais la flemme de le voir, c’est une prostitué normale, je déteste la fin du film qui vient ruiner toute l’idée d’avant, on était dans son quotidien et pour nous dire à la fin qu’il était horrible, qu’elle l’intériorisait et qu’elle ne le montrait pas, je trouve cela très dommage

Je trouve moi aussi que cette fin fout en l’air le film

Moi aussi alors que j’ai beaucoup apprécié toute cette quotidienneté sexuelle, l’homme arrive, bonjour, on couche, l’homme s’en va, pour m’être entretenu avec une centaine de prostitués, elles m’ont fait plutôt ce récit là plutôt que la souffrance répétée, et encore une fois les gens comprennent pas qu’il y a une différence entre prostitution et esclavage, entre celles qui font par choix et celles à qui on prend 80% de ce qu’elles gagnent sinon plus, qu’on roue de coup et qu’on met sur le bord de la route.

Vous nous avez dit que vous vous étiez plongé dans les films des années soixante, lors de votre montée à Paris,  depuis vous avez regardé bien sûr le cinéma contemporain, est-ce que le cinéma d’aujourd’hui vous fascine autant que le cinéma d’hier ?

C’est dur parce que j’ai arrêté de faire cette mode des critiques de faire des top dix, et je pense que depuis pas mal d’années je suis incapable d’en faire un, je ne vois pas dix films qui me plaise assez pour les mettre ainsi dans un top ; je déteste cette idée que c’était mieux avant, c’est sûrement moi qui ne vois pas assez de films et qui ne sais pas où chercher, en tout cas dans les films plébiscités je dirai que je ne trouve plus mon compte. Par contre il y a encore des auteurs qui me passionnent, ce sont des auteurs âgés, Terence Malik par exemple, des auteurs jeunes j’ai quand même des difficultés, mes derniers chocs The Nightingale Jennifer Kent, le cinéma australien en général, comme le cinéma coréen, ça étaient des vents de fraîcheur pour tous les cinéphiles dans les année 2010, The Nightingale ça était un des plus grands films de ces dix dernières années,

il y a un réalisateur très peu connu en France, Lucky McKee que je considère comme l’un des plus grands cinéastes de sa génération,  il a fait la plus grande trilogie horrifique de tous les temps, May, The Wood, Woman, chefs-d’œuvres, Mel Gibson est un cinéaste qui me passionne, j’aime aussi Nicolas Winding Refn, tout cela est un peu épars, j’aime aussi Gaspard Noé, Lars Von Trier, j’aime les cinéastes pulsionnels qui s’emportent qui pleurent, qui crient, qui vomissent, qui baisent, qui saignent quoi ! Les Haneke, les gens très intelligents, très froids, calculateurs, ce n’est pas pour moi quoi.

A-t-on le droit de dire votre vrai nom ?

(rires) Hantzis c’est un pseudonyme, mais ce n’est pas très compliqué de trouver mon vrai nom !

Alors pour vous découvrir un peu plus il faut vous lire dans la Septième Obsession et comprendre ainsi votre obsession : LE CINÉMA!

« Tu dois avoir la Foi. Oui, Carl. Il existe un grand dessein qui nous échappe mais quelqu’un au ciel l’a conçu. Oui, Carl. Il veillera sur toi. Si seulement. Si seulement. Si seulement il pouvait me dire. Comment revenir parmi les vivants. Si seulement il pouvait me dire. Comment rire avec eux. Et pas devant l’écran. Comment parler avec eux. Et pas en répliques de films. Comment ressentir d’autres émotions. Que la honte. Et la haine. Si seulement il pouvait me dire Comment survivre…. Chaque film : une main tendue. Directement venue du ciel pour se poser sur mon épaule. Ces acteurs, mes amis. Ces actrices, mes femmes. Et toutes ces couleurs, ces dialogues, ces décors, tout ce monde devenait ma réalité. Mon rempart. Contre eux. Contre elles. Contre moi. Le cinéma n’était pas un art, c’était une matière. Une matière de vie, mais la vie plus belle, rejouée jusqu’à ce qu’elle soit parfaite, montée, éclairée, sonorisée pour qu’elle ait un véritable sens. Cette matière-là n’avait pas à être critiquée. Parce qu’elle était plus importante que nous. Plus importante que nos opinions et nos idées. Et il fallait seulement traverser les portails que les films contenaient. Ressentir l’amour. Dans chacun de leurs sourires. Et dans leurs gestes pleins de grâce. Cette matière-là, je l’avais toujours appréhendée plus aisément que la vie réelle. Et dans les cent cinquante films que je voyais et revoyais chaque mois, il n’y avait aucune situation qui m’échappait… C’est pourquoi j’essayais de faire déborder la réalité filmique sur la mienne »

 

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