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[ENTRETIEN] : PIP CHODOROV – RE:VOIR et LE CINÉMA EXPERIMENTAL

RE:VOIR et LE CINÉMA EXPERIMENTAL

©DR

RE:VOIR sort en DVD des films de Robert Kramer . Le premier de la collection est sur leur site depuis le 25 mai 2021 : IN THE COUNTRY – THE EDGE  / ICE

Pour l’occasion vieillecarne.com a fait un entretien avec Pip Chodorov, réalisateur, producteur, fondateur de la société de distribution RE:VOIR et de la Film Gallery, 43 rue du Faubourg Saint Martin dans le dixième arrondissement de Paris.

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« Le cinéma d’Hollywood est un cinéma d’exclusion, de raccourci et de rejet, un cinéma de refoulement. Il y a toujours autre chose derrière ce qui nous est montré, qui n’est pas représenté. Et c’est précisément cela qui est le plus intéressant à prendre en compte. » Martin Arnold, cinéaste

Extrait d’une interview avec Scott Mac Donald, publiée dans sa traduction française dans Bref n°40 (printemps 1999).

« Adolfas Mekas disait qu’il est important de faire de bons films et de les aimer car l’enfer est une pièce où l’on est forcé de regarder tous ses films en boucle pour l’éternité ! Nous imaginons qu’il s’y amuse bien. » (Pip Chodorov) 

RE:VOIR est une société d’édition fondée par Pip Chodorov, qui fait connaître le cinéma expérimental en support vidéo. La collection comprend actuellement plus de 130 titres. Elle présente aussi bien des films des mouvements dada, surréaliste, lettriste, des films conceptuels ou de l’avant-garde américaine, que des journaux filmés, des longs-métrages d’auteurs, des œuvres d’animation et de la peinture sur pellicule. « À travers les titres que nous éditons, nous souhaitons montrer par des œuvres de grande qualité combien l’expérimentation cinématographique est une recherche artistique profonde et audacieuse. La vocation de RE:VOIR Vidéo est de rendre accessible au plus grand nombre un cinéma incroyablement riche et divers bien que mal connu, et d’éditer en support vidéo les œuvres majeures de l’expérimentation cinématographique dans les meilleures conditions techniques possibles. Chaque édition est le support d’une attention particulière afin qu’il soit un objet de collection, de découverte et de réflexion. Les films sont donc systématiquement accompagnés d’un livret de textes explicatifs sur les œuvres ou de textes inédits des auteurs sur leur propre travail, ou encore d’un livre quand l’œuvre et l’auteur l’appellent »

ENTRETIEN avec Pip Chodorov par vidéo conférence depuis Séoul le 17 mai 2021 à 10h (heure de Paris) .

© Wei Gao.

Pip officiellement s’appelle Samuel mais sa mère appréciait Tolkien et lui a donné le surnom du Hobbit Peregrin Touque qui est Pippin voire Pip. Il a toujours cru que ce surnom était son vrai nom et depuis il se prénomme Pip !

Comment va le cinéma expérimental aujourd’hui ?

Il est très vivant, il est partout, il y a des festivals et surtout des laboratoires. Il existe un réseau important, une cinquantaine, de laboratoires associatifs pour le développement et tirage de film en super huit, en 16mm.

Le numérique est-il un moyen important pour l’évolution du cinéma expérimental ?

Le numérique donne beaucoup de possibilités, d’où un réalisation de beaucoup d’œuvres mais peu intéressantes ; ce que je remarque c’est que les grands cinéastes qui continuent comme Ken Jacobs, ou Jonas Mekas qui est mort il y a peu, après avoir fait des films en 16 millimètres, ont commencé en numérique , en faisant des réalisations nouvelles avec ce médium, et cela m’intéresse beaucoup ; en fait le numérique aide ceux qui ont déjà de l’expérience avec l’argentique, par exemple Martin Arnold qui a fait des film de found footage a tourné vers le numérique et fait des films extraordinaires parce qu’il a des idées, des concepts avec ce matériel, or les jeunes qui débutent ont des difficultés pour comprendre parce que la matière, le support, est inspirant en argentique et en numérique il n’y a pas de support. On peut avec le numérique, en déréglant les logiciels, inventer des moments intéressants, formidables, comme le fait Jacques Perconte, mais l’argentique est toujours très présent.

Est-ce que Re:Voir, qui existe depuis 27 ans, permet de les visionner ?

On a commencé en 1994, mais cela a pris une petite année pour sortir les premiers VHS,

Est-ce que ce support existe toujours ? On sait que le report sur DVD n’est pas toujours idéal.

Le problème du DVD c’est qu’il n’y a pas 24 images par seconde. En 1998, le report était très pauvre, à cause d’une compression très forte et des artéfacts très présents alors j’avais décidé de ne pas faire de DVD et faire des Blu-Ray directement ; mais il fallait attendre huit ans le Blu-Ray, et en 2006, c’était trop cher. On a fait finalement des DVD en choisissant des titres pour lesquels il y avait moins de problèmes de compression (Deren, Garrel), en évitant des films fait image par image comme ceux de Brakhage, Sharits, Mekas. Depuis dix ans l’algorithme de compression est accéléré et on peut faire des DVD acceptables.

Vous venez de sortir un coffret Kramer, quel travail avez-vous fait pour retrouver au plus près l’original ?

On est parti du négatif ou de l’inter, nous avons refait un scan numérique donc on a remasterisé le film et on a travaillé sur le rendu de l’image pour enlever au maximum les problèmes numériques, les rayures d’origine, et on a donc recréé un nouveau master et un authoring pour avoir le meilleur rendu de l’image. Les premiers films de Robert Kramer, ce sont des plans longs, des tournages assez classiques, il n’y a pas trop de problèmes, on peut faire des DVD très corrects ; avec des films expérimentaux plus radicaux, on se trouve face à plus de problèmes pour faire des reports DVD parce qu’on peut avoir 24 images par secondes différentes les uns des autres, comme chez Robert Breer ou Rose Lowder.

Mais tout cela coûte beaucoup d’argent ? Vous arrivez à vous en sortir au niveau financier ?

On ne fait pas de bénéfice, mais grâce aux subventions du CNC et des ventes on ne perd pas d’argent. On a commencé à faire de la VOD qui marche très bien et on va lancer une application mobile pour des gens qui veulent s’abonner à notre catalogue en ligne. On essaye de se diversifier pour survivre, de plus on a commencé à vendre des caméras et de la pellicule super huit et seize, on fait aussi un travail associatif pour faire des expositions.

La prochaine a lieu quand ?

Elle est en ce moment, jusqu’au 16 juin 2021, à la Film Gallery. Elle est consacrée à Peter Emanuel Goldman. Il est connu pour ses films Echoes of Silence et Wheel of Ashes. L’exposition est sur ses photos inédites des années soixante faites à Paris et à New York.

Continuez-vous à être cinéaste, producteur ?

Je tourne toujours en super huit et en seize, je fais aussi quelques installations ici à Séoul, je suis commissaire pour un festival de courts-métrages et je travaille sur un certain nombre de rétrospectives dont plusieurs sur Jonas Mekas qui va avoir lieu pour le centenaire de sa naissance en 2022. Je suis aussi professeur de cinéma dans une université à Séoul.

Pourquoi êtes-vous installé à Séoul ?

J’avais montré mon documentaire à Séoul en 2013 et par la suite j’ai été invité à donner de cours à mi-temps pendant quatre mois, tous les six mois, et je faisais des allers-retours pendant sept ans avec Paris, je passais les hivers et les étés à Paris, depuis un an, depuis la pandémie, je reste à Séoul, mais je pense revenir à Paris quand même !

Est-ce que le cinéma expérimental asiatique est très vivant ?

Les asiatiques l’aiment mais ils ne le connaissent pas bien sauf au Japon où il existe depuis les années 1920. Mais en Chine, en Corée, dans l’Asie du sud-est il n’est pas très connu. Pour vous répondre il faut élargir la question à tout ce qui est marginal et d’avant-garde. Ce qui est marginal d’une manière plus large, il n’y en a pas ; par exemple lorsque l’on se promène dans la ville, il n’y a pas de graffiti, ici les gens qui font de l’art, aimeraient être dans les musées, pas en dehors. L’avant-garde occidentale est un facteur politique alors que l’avant-garde asiatique est de faire autre chose. Cela n’a pas le même sens qu’en Occident : ce n’est pas une contre-culture, ce n’est qu’une culture en soi. Et donc les gens qui font du cinéma expérimental en Corée créent un laboratoire, créent un festival, font des expériences avec des danseurs, du théâtre avec du cinéma, mais c’est tout petit, ils font cela entre eux. Il y a bien sûr un public mais il est très limité. Je fais des programmations de films dans les musées, dans les festivals, il existe un public qui s’y intéresse mais il ne le connait pas bien.

Dans les grands festivals, comme ceux de la Biennale de Venise par exemple, on ne s’intéressent pas tellement à cette contre-culture qui devrait avoir sa place non ? Est-ce une volonté politique ou est-ce une méconnaissance ?

J’ai pu montrer en 2002, un film expérimental au Festival de Venise dans la section Nouveaux Horizons, mais ce n’était pas dans la Biennale de l’Art. En 2005 Jonas Mekas a animé le pavillon lithuanien et là il y avait beaucoup de ses films ; cela dépend des commissaires et des artistes. Joachim Koester, cinéaste seize millimètres qui est dans l’art contemporain, a montré un film plutôt blanc et abîmé en expliquant que c’était un film trouvé dans la glace laissé par des explorateurs, une œuvre conceptuelle donc. En fait il y a une frontière entre cinéma expérimental et art contemporain, il y a une grande faille entre ces deux domaines. Il faut admettre que la Biennale de Venise n’est pas le lieu pour y voir du cinéma expérimental ; le documentaire s’y approche un peu plus, mais c’est très différent. Le cinéma expérimental n’est toujours pas entré dans l’art contemporain, mais quelque part ça lui fait garder aussi son indépendance et sa marginalité.

Vous pensez qu’il doit toujours être marginal ? C’est son concept même ?

Je pense que la nature même du cinéma expérimental est d’aller plus loin et de chercher de nouvelles approches à faire des images ; il va toujours garder sa définition d’extériorité quelque part, il est centrifuge, alors que le mainstream veut être centripète, il veut ressembler à tous les autres, l’expérimental est un cinéma différent, par sa nature même, et cela entraîne qu’on le comprend mal ou jamais, et qu’on l’exclu à force, mais je ne pense pas que ce cinéma ait besoin d’être marginal, être exclu, c’est comme la poésie, c’est quelque chose qui ne touche pas tout le monde, tout de suite, c’est dans son concept et c’est ce qui fait sa force.

Dès la naissance de l’image argentique on a mis en scène le sexe, dès la naissance du cinéma on a réalisé du porno, lorsque Brakhage a filmé l’accouchement de sa femme, son film a fait scandale, aujourd’hui filmer un accouchement est devenu un acte poétique, banal, est-ce que ce film marginal, expérimental, est devenu un film classique ?

Je montre toujours ce film dans mon cours, parfois les étudiants sont réticents. Á la fin du semestre je demande aux étudiants de raconter un film qui les a touchés et souvent ce film est cité, certains disent que c’était très beau et d’autres horrible de le regarder, le film laisse une trace, il est très fort, c’est une expérience humaine que tout le monde a subi et on ne peut pas dire que c’est un tabou ; il faut se poser la question qu’est ce qu’on peut faire en 2021 qu’on a jamais fait ? Ce genre de film était choquant à l’époque et il l’est toujours, c’est avec ce sorte de film que je fais questionner mes étudiants, d’aller plus loin dans le support, d’aller plus loin dans la perception…

Dans ce cinéma on parle souvent plus de la forme que du fond, est-ce une attitude contradictoire ?

Je pense qu’un cinéma formellement radical peut être intéressant et le fond importe peu, par contre c’est toujours plus facile de prendre un fond qui est déjà un message politique, un sujet fort. Brakhage avait fait un film sur son cendrier en filmant des gros plans pendant quarante-cinq minutes et cela a donné un film formidable, mais on ne savait pas que c’était un cendrier ; la question c’est le voyage, l’aventure, la perception, la structure, le travail sur le support. Après on est très libre, on peut faire de l’abstraction, travailler sur des images préexistantes, comme le fait Bill Morrison, avec found footage, faire des choses très personnelles et toutes les nouvelles technologies peuvent permettre de nouvelles expériences perceptuelles intéressantes.

Aujourd’hui, la publicité a récupéré de nombreux trucs formels du cinéma expérimental, une forme de récupération de cette contre-culture, qu’en pensez-vous ?

Je pense que certains effets sont devenus des codes ; il existe des filtres dans les logiciels de montage qui vous permettent de les utiliser. Mais ça ne reprend pas le cinéma expérimental, ça reprend le support film argentique qu’on n’utilise plus. Je donne des cours de cinéma argentique, mes étudiants font du super huit avec moi, le développe à la main, et ils voient ce qu’est un support, ce n’est plus un fétiche, c’est un support organique ; maintenant que la pub reprenne ces effets, ces codes, pour moi ce n’est qu’un sens sémiologique de marquer le film par le code, pour faire plus intime, ou plus authentique quelque part, même si tout est faux ; c’est approcher le spectateur d’un support désuet. C’est comme la mode du vinyle ; ils pourraient très bien tourner en argentique, mais ils ne le font même pas, ils tournent en numérique en ajoutant des rayures, des trucs numériques, ce n’est vraiment pas intéressant, ça me laisse totalement indifférent.

Les photographes reviennent à l’argentique, est-ce aussi une mode selon vous ?

Les photographes ne reviennent pas seulement à l’argentique mais aux grands formats, au 5×7, 8×10, parce qu’ils se rendent compte que l’on peut faire des agrandissements bien meilleurs que le numérique, cette spécificité du support permet une palette plus large.

Lorsque l’on voit les derniers films de Godard, pensez-vous qu’il tente de faire du cinéma expérimental ou bien il prend le train en marche…

Je pense qu’aujourd’hui Godard est plus un théoricien qu’un cinéaste ; lorsqu’il travaille l’image il veut exprimer quelque chose sur la nature même de l’image et son expression filmique et peu importe ce qu’il montre, ou ce qu’il fait, c’est une expression d’écriture théorique. C’est très intéressant mais cela n’a rien d’expérimental, sinon cela pourrait être encore plus précurseur quelque part ! C’est plus l’exemple d’une pensée qui pourrait être simplement écrite mais là elle est filmée …

Lorsque vous faites votre premier cours à Séoul, quel est votre premier acte, votre première parole à vos premiers étudiants ?

Je montre l’image d’un marteau à l’écran, et je leur demande ce que c’est. Ils disent : un marteau. Je dis : Ah bon vous pouvez utiliser cette chose pour accrocher un tableau ? Je secoue l’écran et je dis : non vous ne pouvez pas l’utiliser, c’est une image ! Il faut se souvenir qu’une image, c’est un objet en soi, et c’est différent de ce qu’il y a dedans, il faut être critique aujourd’hui, il ne faut pas croire tout de suite à ce que l’on voit ! Il faut avoir une certaine distance, tout ce que l’on voit à l’écran ce n’est qu’un reflet, c’est une ombre ; où est l’image ? Dans le projecteur ? Est-elle sur l’écran, dans l’air, dans vos yeux, ou dans votre cerveau ? J’essaye d’aller assez loin avec cette idée, de réfléchir à ce qu’est une image, après on voit plus loin, ensuite je donne des éléments plus pratiques, sur les caméras, comment cela marche, mais au tout début c’est assez conceptuel.

Une simple image n’est-elle pas politique ?

Je montre aussi le tableau de Magritte Ceci n’est pas une pipe et je leur demande s’ils croient plus à l’image qu’au texte parce que ni l’image ni le texte ne sont une pipe ! C’est une blague assez forte sur l’autorité de l’image par rapport au langage, à ce qu’on nous dit ; comme ils sont en première année, ils ne sont pas habitués à ce genre de réflexion que j’ai appris à la Sorbonne avec les sémiologues français afin de comprendre, de réfléchir à la sémiologie de l’image et et que je n’avais pas appris aux États Unis, je pense que c’est un exercice très intéressant. Politique oui, il faut deux lectures en même temps, une première banale et une critique.

Vous êtes d’origine américaine, les grands cinéastes expérimentaux, à part les surréalistes, sont tous nés dans votre pays qui avait de grands problèmes économiques, politiques, confus, compliqués et ils ont proposé cette sorte de contre-culture à un certain ordre établi non ?

Je dirais que les premiers cinéastes expérimentaux étaient en Europe dans les années 20 et 30 et ils ont dû partir pendant la deuxième guerre mondiale aux États Unis où ils ont rencontré des cinéastes américains qui ont appris des leçons de ces cinéastes et ils sont allés plus loin qu’eux. Il n’y avait pas la guerre aux États Unis. Fischinger qui était très populaire en Allemagne en faisant des films abstraits, lorsque les Nazis sont arrivés et ont déclaré que l’art abstrait était de l’art de dégénéré, et toute son activité est devenu illégal. Fischinger a été arrêté trois fois et donc il s’est enfui aux États Unis où ce qu’ils concevaient n’était pas interdit. Pour les cinéastes américains c’était une autre manière de s’exprimer, au-delà de ce qu’on faisait à Hollywood. On ne racontait pas des histoires, il existait une énergie très forte, motorisée entre autres par Warhol et toute une communauté motivée pour être avant-garde, avec des gens comme John Cage, avec Fluxus…Dans les années 40 ce avec la contre-culture n’était pas politique alors que dans les années 60, en Angleterre, les manifs aux Etats Unis, c’est devenu politique. Oui il y avait un mouvement contre le narratif. Dans les années 50 réaliser de l’abstraction c’était être contre la culture courante ; or en 1960 dans les collèges de l’art, tout le monde faisait de l’abstraction et il était interdit de faire du figuratif, on le faisait en secret, ensuite c’est revenu, il y a eu des contre contre cultures….

Et aujourd’hui qu’est-ce que c’est que de faire de l’art expérimental après tous ces mouvements cycliques ?

Aujourd’hui, comme il n’y a plus de tabou, et qu’il n’y a pas trop de mouvement politique (même s’il y a des endroits où on est opprimé, mais il n’y a pas de cinéaste dans ces lieux), il est difficile de savoir ce qu’il faut faire qui est nouveau, différent, qui interroge le support, qu’est-ce qu’il faut faire pour être dans cette communauté et trouver une place. Mais cela a toujours était le cas : dans les années 80 on s’est dit que tout a déjà était fait, on se disait cela aussi dans les années 60, on peut toujours trouver quelque chose qui soit à la fois contre-culture et nouvelle culture et l’histoire continuera …

Je veux bien vous croire, avez-vous des exemples de jeunes qui vous étonnent et qui apportent de nouvelle création atypique dans le monde expérimental ?

Oui il y a toujours de nouvelles approches, dans mon cours de film expérimental j’ai demandé aux étudiants de faire un film de fin d’année, il y en a un qui est arrivé avec une paire de sneakers, de baskets, et je lui ai demandé où était son film et il m’a répondu que c’était sa paire de sneakers ! Á partir de ses baskets il y a mis une certaine peinture invisible qui protégeait contre les taches, et qu’il a fait un certain motif dessus avec cette peinture puis il s’est forcé de porter ces baskets pendant quelques mois, l’image aller apparaître, donc son film c’était les baskets ! Le temps que ça a pris, c’était le temps du film ! C’est une idée formidable !

L’a-t-il filmé ?

Il a fait un documentaire sur la production de ses baskets.

Une sorte de making-of d’un film qui n’a jamais existé !

Oui car le film c’est les baskets, c’est ce qu’il faut retenir ! C’est une conception, il y a toujours une attitude à avoir qui rend compte de la culture d’aujourd’hui. Qu’est-ce que c’est qu’un film, qu’est-ce que c’est que le temps, l’image, le mouvement ; avec la culture du Kebab et de YouTube, une attitude saine vers la culture d’aujourd’hui pourquoi ne pas dire que ses baskets sont un film ? Si on réalise un film classique cela peut être très bon ! Il y a toujours mille choses à inventer tous les jours, même si c’est personnel, touchant, je n’ai pas peur pour l’avenir …

L’imaginaire est donc toujours au pouvoir ?

Oui Oui Oui, avec les nouvelles technologies, où tout est programmé, avec le glitch (sorte de défaillance électronique) Patrick Bokanowski invente avec une image figurative, manipulée, une œuvre abstraite sans que l’on sache ce que c’est, on voit une image mystérieuse entre figuratif et abstraction c’est un entre deux, le figuratif est devenu abstrait. Dans les vidéos de Jacques Perconte, par exemple, on voit une image figurative qui est rendue abstraite par la manière dont les erreurs sont induites à la lecture ; donc c’est un espace entre, où on film et on manipule ; je pense que c’est devenu un peu plus difficile avec les logiciels de la nouvelle technologie, mais on peut toujours trouver une manière de travailler sur le support et de découvrir un espace personnalisé, autre que celui du prémâché.

Á bientôt à Paris et au RE:VOIR !

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