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« GEORGES BORIAS » : L’ÉLÉGANCE DE L’OUBLI

©DR

Bon, le 3 août 2023 nous avions découvert le passionnant musée de la ville d’Uzès. Il  se trouve place de l’Evêché, juste à côté d’un lieu où sont organisées des expositions temporaires – on parlera rapidement de celle qui y est en ce moment – Ce musée porte le nom de Georges Borias. On ne s’était pas penché sur celui qui en est le fondateur. Aujourd’hui nous réparons cet oubli !

Il y a des vies qui claquent comme des manifestes. Et puis il y a celles, plus feutrées, plus lentes, qui tracent des sillons profonds sans jamais faire de bruit. Georges Borias était de celles-là.

Un type rare. Un homme et un artiste, à l’ancienne, au regard doux, au pas discret, qui a donné quarante ans de sa vie à un petit musée d’Uzès, comme on cultive un jardin secret.

L’homme et la matière

Georges Borias ne fut pas seulement un professeur de dessin.

Il fut aussi peintre, graveur, sculpteur, poète. Créateur d’une œuvre secrète. Comme son auteur. Toujours en retrait, comme si sa main n’était qu’un passage, un relais entre le monde et la forme.

Son art n’éclate jamais en couleurs vaines ou gestes outrés. Il nait d’un recueillement. Ses dessins, ses encres, ses vers même, respirent une douceur grave, une mélancolie sans plainte. Lorsque la mort prit sa femme, il écrivit une Esquisse pour un tombeau — poème d’amour, d’absence : « Pour la première fois, il a plu sur elle… »

Ce seul vers dit tout de l’homme : retenue, pudeur, émotion nue.

Un musée dans un coin de mairie… et un miracle

Uzès, 1945. La guerre est finie, Georges Borias fouille la mairie comme on fouille une mémoire trouée. Il tombe sur un musée fantôme, oublié de tous. Trois salles, des caisses, de la poussière comme s’il en pleuvait. Une tombe d’objets. Ce capharnaüm poussiéreux, il en fera sa mission. Il deviendra le conservateur bénévole du musée d’Uzès pendant plus de quarante ans, incarnant une figure rare de dévouement silencieux au service de l’art, de la culture et de la transmission.

Sans budget, sans moyens, Georges Borias mobilise ses élèves : chaque samedi, ils viennent nettoyer, trier, classer, étiqueter. Ensemble, ils réinventent le musée. Ce n’est pas un musée universel qu’il veut bâtir – il en connaît les limites – mais un musée du terroir, témoin du quotidien, miroir du passé local. Dans un article publié en 1980, il écrit : « Il n’était pas souhaitable de recréer un musée “à l’ancienne” (…), mais plus modestement le musée du terroir, où chacun retrouve son passé et peut mesurer l’effort de ses ancêtres pour maîtriser un environnement hostile ».

Sa muséologie portait en germe une pensée profondément moderne : celle d’un musée proche des gens, fait pour eux et avec eux. Quand l’administration a décidé en 1988 que le diplôme de l’École du Louvre ne suffisait plus, il a souri. Et tendu les clés à une jeune passionnée, Martine Peyroche d’Arnaud, avec une phrase désarmante :

« Il est très bien, ce musée. Il n’y a rien à changer. ». Et puis Borias est mort. Comme ça. Le 20 août 1988. En vacances. Pas un mot dans les journaux ou si peu. Pas de grande messe. On l’a enterré près de sa femme, dans un silence de velours. Martine Peyroche d’Arnaud exposa ses dessins, ses toiles, ses poèmes. Alors seulement, on le découvrit pleinement.

Georges Borias n’a pas seulement vécu à Uzès. Il l’a rêvée, recréée, ressuscitée. Et ce rêve-là, ancré dans la poussière et l’argile, vaut tous les manifestes.

Si vous passez à Uzès, poussez la porte du musée. Marchez dans ses salles. Laissez vos yeux se poser. Et écoutez ce silence-là. Il parle de lui.

Beinh toutes ces illustrations sont donc de lui ? Et oui il avait aussi ce talent !

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