Forum des images, 2 rue du cinéma 75001 Paris
Du 11 au 12 septembre 2015
Adilkan Yerzhanov est comme chez lui à l’Étrange Festival et c’est grâce à Frédéric Temps et son équipe qu’on l’a découvert – comme d’autres réalisateurs depuis trente ans –. Lui avoir offert une carte blanche voilà une super idée. D’ailleurs les films qu’il a choisi ont tous de l’intérêt : Le Pont de Bernard Wicki (1959) est insupportable à regarder sur la bêtise humaine, un film qui dénonce, fait peu courant, la guerre mais vu du côté allemand ! Des adolescents sacrifiés, pour défendre un pont sans aucun intérêt, un film de terreur absolu. Un autre film sur la deuxième guerre mondiale offert aux spectateurs est celui de André De Toth, Enfants de Salauds (1969), Pour Yerzhanov avec ce film De Toth, réalisateur de westerns et autres films d’action, transgresse le genre avec cynisme, il aurait dû avoir autant de succès que Les Douze Salopards à l’époque, à voir ou revoir avec un Michael Caine, hallucinant ! Dans le style étrange, fantastique il proposa deux films Fatal Games de Michael Lehmann (1989), un teen movie horrifique avec pseudos suicides à la clef qui sont en réalité des meurtres perpétrés par Christian Slater, accompagné par la toute jeune Winona Ryder qui avait fait Beetlejuice de Tim Burton juste avant. Cette comédie noire immorale, nihiliste, typique des année 80 est devenue culte.
Six-String Samurai de Lance Mungia (1998) est une comédie fantastique psychédélique dans le désert du Névada, les États -Unis sont aux mains des Russes (ils n’ont plus de munitions depuis 57 !) et un clone de Buddy Holly avec un enfant sur les bras, doit se battre avec la mort à coup de guitare et de sabre pour atteindre enfin las Vegas, devenir le rocker à la Elvis ! C’est un film déjanté où tous les genres sont mélangés. C’est un film trash insouciant qui vaut son pesant d’or pour Yerzanov ! La musique est bien sûr très importante et c’est le fameux guitariste Brian Tyler qui l’a composée, sa première composition, sa carrière s’est ensuite énormément développée ( Fast and Furiuous, Expandables, Scream, Abigail…).
Roy Boulding est plus connu par ses comédies satiriques avec Sous l’Emprise du Démon,(1968) c’est un drame sanglant qu’il a réalisé sérieusement, mais on s’en souvient aujourd’hui grâce à la musique de Bernard Herrmann constituée d’un enchaînement de sifflements que Tarantino a repris dans Kill Bill.
À propos de ce film, on voit d’où est venue l’héroïne de Tarantino en regardant la série culte Lady Yakusa que l’étrange a eu la riche idée de projeter. On a quand même eu droit, comme chaque année, aux dernières réalisations de ce phénomène prolifique qu’est Adilkan Yerzhanov.
Avec Moor on est dans un thriller très classique dans le scénario et toujours inventif dans la forme. Une ville corrompue, un tueur silencieux, la femme et l’enfant de son frère disparu en danger de mort, alors seul contre tous cet anti-héros part à la chasse et cela va faire mal ! Ce genre d’histoire il aime la raconter, mais fini les grands espaces de son pays, ici c’est dans une ville immonde que ce western se passe; ces influences sont flagrandes et on aime.
Un autre de ses films, un sérieux concurrent pour le prix du public est le terrifiant Cadet avec un quatuor d’acteurs hallucinants : une mère et un fils vraiment très bizarre, un flic qui cite Descartes et un officier aux méthodes expéditives et tout cela dans une école militaire avec des suicides, des hallucinations, de la violence comme sait la montrer avec maestria Yerzhanov.
Un autre réalisateur qui est très apprécié à l’Étrange c’est Kirill Serebrennikov. On a donc pu voir l’adaptation du livre d’Olivier Guez sur la vie après Auschwitz de Joseph Mengele. Avec un mise en scène plus sobre mais avec toujours quelques scènes impressionnantes, Kirill Serebrennikov raconte à sa manière La Disparition de Joseph Mengele. August Diehl est impressionnant dans ce rôle du mal absolu. On se souvient de Gregory Peck formidable dans ce même rôle pour The Boys From Brazil de Schaffner (1978). On regarde ce film comme une superbe fiction, un biopic à la sauce Serebrennikov comme il l’avait fait sur Antonina Milioukova dans La Femme de Tchaïkovski – quels documents sont des faits réels ? Ceux avec son fils sont sûrement exactes – Il a dû vivre ainsi, la scène du camps d’Auschwitz, en couleur comme si c’était un document réel, est du Serebrennikov tout craché, il ne peut pas s’empêcher d’avoir ce maniérisme qu’on retrouve dans ces précédents films. Bon avec vingt minutes de moins, le film serait un excellant drame sur l’horreur absolu. Voilà un film pour les fervents de Serebrennikov qui se perd petit à petit avec cette trop grande admiration qu’on lui accorde aujourd’hui en Occident. Le cinéma français trash était présent, on l’a raté, on parlera de Flush de Grégory Morin – il a été très apprécié – pour sa sortie le 28 septembre ainsi que de Gibier d’Abel Ferry dont la date de sortie est encore inconnue.
Heureusement on a assisté à la première d’Animal Totem un bon film de Benoît Délépine avec Salir Guesmi, Olivier Rabourdin. Un scénario simple, comme toujours décalé, c’est un film écologique assez sage, même romantique avec une fin délirante. Délépine un poète sur ses vieux jours ? Voilà il reste deux jours pour aller se délecter du cinéma étrange d’étrangers! Alors bonnes projos avec Je suis Frankelda, La Disparition de Joseph Mengele, Kazan Scary Tales, Le Pont, I Live Here Now et pourquoi pas Gérald Le Conquérant de Fabrice Éboué!
Pour toutes autres informations : https://www.etrangefestival.com