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« PRÉSENCE DE LA RENAISSANCE AUJOURD’HUI » :  DESPREZ – SOTELO

La Renaissance fait toujours rêver et sa musique, ses idées, sont toujours présentes. Voici deux exemples en cette fin d’avril 2021 avec JOSQUIN DESPREZ  et MAURICIO SOTELO 

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Josquin Desprez (Josquin des Près ) est un des plus célèbres compositeurs de la Renaissance dans toute l’Europe, entre Guillaume Dufay et Palestrina.  Il a été au service des Sforza, Borgia, Gonzague, Ferrare, de Louis XII… Il est un des grands maîtres de la polyphonie. Il était tellement connu qu’on lui a attribué des œuvres anonymes, il en aurait composées plus de 350. On doute encore qu’il soit le compositeur de certaines messes.

Le disque qui vient d’être produit Josquin & Bruxelles, avec les messes Faysant Regretz et Sine Nomine constitue le neuvième et avant-dernier de l’intégrale Josquin l’Européen. C’est une première mondiale avec l’ensemble Métamorphoses sous la direction de Juliette de Massy. Le cd porte ce sous-titre car Josquin Desprez avait des affinités avec le poète Jean Lemaire de Belges à la cour de Malines, près de Bruxelles, un centre musical très actif, sous la régence de Marguerite d’Autriche. Plonger dans l’univers de Josquin Desprez c’est découvrir un monde de polyphonies lumineuses, et souvent accompagnées de surprises musicales.

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Ici les artistes vocaux (à quatre, six voix) nous font apprécier tout le raffinement de cette musique avec une parfaite qualité sonore. Il y a du plaisir à écouter ces messes même si l’on ne se sent pas concerné par ce qu’elles expriment ; il en va de même lorsque l’on regarde une scène religieuse peinte par des artistes de la même époque et qui se nomment Bellini, Raphaël ou Botticelli. Cette musique seule nous enchante et c’est le principal intérêt pour écouter ce cd (AR RE -SE 2021- 1)

Mais quel rapport avec la Renaissance et le compositeur Mauricio Sotelo né en 1961.

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Le rapport est Giordano Bruno, un frère dominicain, philosophe et poète qui a été brulé par l’Église à Rome en 1600, pour avoir adhéré aux idées métaphysiques de la Renaissance, celles entre autres de Copernic. Ce martyr proclamait que Jésus Christ n’était pas fils de Dieu mais un simple mage habile et que la Terre n’était pas le centre de l’univers et qu’il existait une infinité de mondes qui nous ressemblent et qui nous entourent. Ce moine défroqué est un modèle pour Sotelo. Il est un modèle pour déconstruire les apparences pour révéler les rapports qui unissent la sensibilité cherchant à deviner le réel et le langage qui permet la représentation des phénomènes. Giordano Bruno sera le sujet du prochain opéra de Sotelo.  Le quatuor n°1, Degli Eroici Furori est en rapport direct avec l’œuvre de Bruno. Alors qui est Mauricio Sotelo ? C’est un compositeur d’origine espagnole d’une soixantaine d’années qui après une époque viennoise, une rencontre décisive avec Luigi Nono, s’en est retourné chez lui, en Espagne, et s’est intéressé au Flamenco. Il a écrit quatre quatuors avec des influences de cet art et bien sûr de Nono.

C’est cette intégrale que propose le Quatuor Diotima (Naïve V7361). Bon, un petit rappel pour ceux qui ne connaissent pas le Diotima. C’est un quatuor qui existe depuis plus de vingt ans, composé aujourd’hui par le violoniste, Yun-Peng Zhao reconnaissable à sa coiffure et à sa manière de s’habiller, de la violoniste Constance Ronzatti, toujours d’un calme olympien, de Franck Chevalier à l’alto membre de l’ONF et qui a fait une belle prestation du concerto de Nigel Keay (voir papier sur le site) et de Pierre Morlet violoncelle qui est le seul membre de la formation originelle.

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Ce quatuor est peut-être celui qui interprète, crée, enregistre, le plus de musiques d’aujourd’hui et contemporaines. Depuis des années on le retrouve sur les scènes du monde entier et souvent sur celles de Radio France, pendant, entre autres, le festival Présences (voir papier sur le site). En 2021 il y interpréta superbement le 3ème quatuor de Sotelo. Cela ne l’empêche pas de jouer le répertoire et d’avoir une vision plus contemporaine sur les œuvres du passé. Diapason d’Or, Choc de l’année Classica, ffff Télérama, Editor Choice de Grammophone, Séléction de Strad, les critiques l’encensent soit après ses concerts, soit après ses enregistrements. Le premier quatuor Degli Eroici Furori définit un état d’exaltation (physique ou mental) qui ne peut qu’être d’inspiration divine, le second Artémis – créé par le quatuor Artémis comme le précédent – fait allusion à la déesse vierge, celle de la nature sauvage, là ce ne sont que des incantations à la vierge, brèves, stupéfiantes, qui vont jusqu’à la transe. Le troisième La Mémoire Incendiée est une œuvre dédiée au Diotima qu’il créa en 2009. Il nous entraîne dans les rythmes entêtants de la buleria, chant traditionnel flamenco accompagné des claquements de mains. Le quatrième Quasals vb-131 (créé par le quatuor Casals), fait bien sûr penser au 131 de Beethoven ; c’est une composition assez courte, dans l’univers des quasars, des trous noirs, dans des vertiges galactiques en somme et avec des références métaphysiques. Diotima offre une musique incendiaire, leurs cordes brûlent sous les notes écrites par Sotelo, au tempérament bien trempé. Loin des intellectualismes froids des compositeurs du Nord ou bien ceux du côté du Musée Pompidou, sa musique est viscérale et porte un souffle qui emporte tout sur son passage.  Si Nono était parvenu à la tragédie de l’écoute, à la frontière du silence, Mauricio Sotelo lui compose une musique bien vivante que l’on doit écouter et surtout entendre.

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