STUDIO 104
116 avenue du Président Kennedy, 75016 Paris
samedi 2 octobre 2021, 19h30
Deux concerts pour le prix d’un, un petit bonheur à apprécier. C’était donc Sophie Alour avec ses six éléments et Steve Coleman avec ses cinq. Deux univers que tout oppose. Sophie Alour participe activement depuis 20 ans sur les scènes de jazz et s’approche dans son dernier album à la musique du monde sans pour cela abandonner l’improvisation. En ce samedi c’est son désir d’Orient qu’elle a mis en avant avec sa chanteuse, Raphaël Brochet et surtout avec Abdallah Abozekry joueur de saz, une sorte de luth à manche long, d’origine persane.
La dextérité de ce musicien était assez impressionnante. Il a beaucoup improvisé, accompagné par Donald Kontomanou à la batterie, Philippe Aert à la basse et Damien Argentieri au piano. Ces musiciens ainsi que Sophie ont eu quelques moments pour s’exprimer, surtout le batteur qui a eu la part belle – ses baguettes étaient un peu lourdes à mon goût – Damien Argentieri a pu un peu improviser, très bien, mais Philippe Aert n’a eu droit qu’à un seul solo, dommage car c’est un excellent artiste.
Sophie Alour a joué des morceaux de son album Joy, sagement, sans grande imagination dans ses solos.
Elle sonne bien, sans une véritable personnalité dans sa manière de souffler dans son saxo, une importance majeure dans le jazz, mais à force de vouloir être partout, ce qu’on nomme astucieusement faire des ponts avec d’autres cultures, d’autres musiques traditionnelles, elle est nulle part. C’est toujours la même question du jazz européen actuel. Cette première partie a été tout de même très agréable à entendre. La joie était au rendez-vous, on n’allait pas s’en plaindre.
Avec Steve Coleman c’est un tout autre univers. Avec ses comparses depuis plus de vingt ans ce n’est que de l’improvisation totale. Tout n’est que liberté mélodique, harmonique et rythmique. Steve Coleman n’utilise pas le terme de jazz, il préfère une approche plus organique de sa musique, avec des compositions spontanées. Á partir d’une cellule métrique, les musiciens improvisent, se lâchent. On a pu découvrir ce soir un jeune et très doué trompettiste, Jonathan Finlayson, qui au cours d’une impro s’est mis à jouer stardust après que Coleman ait fait une intro de quelques mesures de Jitterbug Waltz le fameux morceau de Fats Waller qu’avait remis au goût du jour Eric Dolphy un autre célèbre altiste !
Outre la voix exceptionnelle du rappeur Kokayi c’est le jeux intelligent, fin, de Sean Rickman à la batterie qui nous a impressionné. Sans perdre son énergie il a accompagné avec beaucoup d’attention, pas exactement, a joué avec les musiciens, pendant leurs très très longues improvisations. Cette deuxième partie était magique. Ce samedi pluvieux le jazz – appelez cette musique comme vous l’entendez – a fait vibrer le public du 104, hé oui il n’était pas apathique ce samedi ! On peut aller écouter Steve Coleman Five Eléments ce dimanche 3 octobre au New Morning. Vivement les prochains concerts de jazz au 104 !