MARIE-JEANNE SERERO, Compositrice de Musiques de Film
©DR
Mai 2013
C’est salle 233 du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris. (CNSMDP), porte de Pantin, dans le 19ème arrondissement de Paris, que j’ai rencontré Marie-Jeanne Serero, une des rares femmes qui travaillent la musique pour l’image en France. C’est une belle jeune femme assez réservée, qui a passé trente cinq ans de sa vie au Conservatoire. Toute jeune elle a donc fréquenté cette maison en commençant par le piano avec différents professeurs, et, entre autres, le grand pianiste Pierre Sancan. Très tôt, elle s’est intéressée à la voix, à l’orchestration, à l’arrangement. Elle s’est passionnée pour le chant et a été chef de chant à l’Opéra. Elle a eu ainsi un cursus assez large, et s’est vouée à l’enseignement pour l’orchestration, d’une part, pour les ingénieurs du son formés au Conservatoire, qui à l’origine devenaient des ingénieurs hautement qualifiés à la Maison de la Radio pour enregistrer des concerts, d’autre part, pour les futurs compositeurs de musique de films. L’orchestration, elle en a fait de toutes sortes : dans la variété, le jazz, le cinéma (L’Arnacoeur , Enfin Veuve…..). Elle a travaillé pendant huit ans pour les productions de Luc Besson ( Taxi4 , Fanfan La Tulipe…). Au cinéma, elle a eu quelques expériences en tant que compositeur : Nannerl, la Sœur de Mozart de René Féret, en 2010, deux documentaires d’Eric Bergkraut Lettre à Anna sur Anna Politkovskaïa, assassinée en 2009 à Moscou, et Coca la Colombe de Tchétchénie , en 2006.
Et tout dernièrement, en 2012, pour le film de Guillaume Gallienne, Les Garçons et Guillaume, à Table, où elle dit avoir beaucoup souffert tant le metteur en scène, outre ses exigences, n’avait pas d’idée bien formulée, et passait son temps à faire et refaire… Mais, dit-elle c’était passionnant de travailler avec lui. C’est au théâtre qu’elle a eu les plus grandes satisfactions et qu’elle peut exercer ses talents en composant pour le metteur en scène Alain Françon. Au Conservatoire, en collaboration depuis le début de l’année avec le compositeur et chef d’orchestre Laurent Petitgirard (plus de 160 partitions de musique de films dont celle, célèbre, de Maigret pour la télévision), et avec une douceur extrême et une grande attention, Marie-Jeanne suit les compositions de ces jeunes compositeurs en herbe, et tente de faire éclore l’originalité de leur talent, écrasé par le formatage du Conservatoire. Elle les met en contact avec de futurs réalisateurs des écoles de cinéma pour qu’ils puissent créer ensemble. Ces metteurs en scène sont en dernière année d’études et doivent faire un court-métrage. Ces contacts sont très enrichissants pour ces artistes. Avec beaucoup d’attention, Marie-Jeanne écoute le travail des compositeurs et leur donne des conseils en écoutant leur musique et en interprétant au piano des passages qui lui semblent devoir être améliorés. Il y a là plus de psychologie que de technique. Dans sa classe, elles ne sont que deux filles pour huit garçons qui suivent ses cours ! J’ai pu entendre une musique d’un jeune compositeur, Julien Giraudet, qui se présente au concours de composition musicale au Festival d’Animation d’Annecy. Sur un court-métrage il doit écrire une musique qui corresponde à l’atmosphère, aux événements de l’histoire. Rien qu’à l’écoute on visionnait les images. Giraudet a à sa disposition un quatuor à cordes et trois bois ! Bonjour l’originalité de la formation. Nous sommes loin de Danny Elfman pour les premières animations de Tim Burton ! La composition écoutée est une musique « à la française », mais c’est un bon présage, et Marie-Jeanne Serero peut être fière du travail qu’elle accomplit avec beaucoup d’humilité. Paradoxalement, elle n’aime pas écouter la musique détachée du support image. Elle fait quand même une exception pour ce qu’écrit Gabriel Yared. ( 37°2 , Le Patient Anglais, L’Amant, Camille Claudel…). Elle vient de terminer de composer pour les deux derniers films de René Ferret, et pour un long métrage d’Eric Bergkraut. Cette femme discrète est en train de former la relève des Desplat, Rombi et autre Coulais. Espérons qu’ils trouveront leur Audiard, Ozon ou Jacquot. C’est tout le mal qu’on leur souhaite !