Un livre de Wendell Pierce & Rod Dreher. James L. Stanfield /National Geographic/ Getty Images.
L’ouragan c’est Katrina, la pièce de Beckett c’est « En Attendant Godot », la ville c’est la Nouvelle-Orléans.
Le 29 aout 2005 la tempête Katrina frappe la Nouvelle-Orléans et dévaste tout sur son passage, privant des milliers d’Américains de leurs foyers. Plus de 1500 personnes perdent la vie. Quelques temps après s’élève une voix des décombres : celle de Samuel Beckett au travers de Wendell Pierce interprétant un Vladimir prophétique.
Vladimir (entend un bruit): J’ai cru que c’était lui.
Estragon : Qui ?
Vladimir : Godot.
Estragon : Pah ! Le vent dans les roseaux.
Wendell Pierce joue cette pièce au milieu d’un paysage apocalyptique, parmi des spectateurs effondrés à qui il veut offrir une catharsis, un répit. Une pièce sur la résistance
Wendell Pierce est connu pour ses rôles d’inspecteur Bunk dans « The Wire » la série culte qui se passe à Baltimore et du tromboniste Antoine Batiste dans la série « Treme », un quartier de la Nouvelle-Orléans après la tempête, quartier qui essaye de revivre.
On sait moins qu’il est également un artiste et un homme engagé, qui a grandi à Ponchartrain Park, première banlieue afro-américaine de la Nouvelle-Orléans, construite après la seconde guerre mondiale.
Dans « Du vent dans les roseaux », Pierce livre un récit poignant et passionnant sur la Nouvelle-Orléans, en nous plongeant dans son histoire familiale. Des champs de cannes à sucre aux lois ségrégationnistes de Jim Crow, il dépeint l’élévation sociale qui a été la sienne et dessine en creux le portrait de la lutte des noirs américains contre la discrimination, passée et présente. Il prend prétexte de la représentation et de la métaphore de la pièce de Beckett pour dire combien « ces ancêtres n’ont jamais cessé de croire que des jours meilleurs viendraient pour les Afro-Américains, mais ils ne sont jamais restés assis à se tourner le pouces, en attendant que Godot vole à leur secours. Il était hors de question pour eux de se laisser vaincre par l’esclavage, ou les lois ségrégationnistes, ou le Klux Klux Klan. Ils refusaient de succomber à l ’ignorance, au laisser-aller, ou à la lassitude morale. »
Le livre se termine avec la victoire d’Obama avec de très belles pages sur ses parents reçus à la Maison Blanche. C’est ça l’Amérique pour Pierce. « Mon père s’était battu pour son pays et sa liberté, alors qu’on lui interdisait d’en jouir totalement. Et maintenant, il venait de rencontrer l’homme qui réalisait tout ce pourquoi il avait toujours lutté, au nom de quoi il avait tant souffert, dont il avait si longtemps rêvé. Mes deux parents avaient contribué à faire de l’Amérique un endroit meilleur. »
Aidé pour l’écriture par le journaliste Rod Dreher, Wendell Pierce offre un magnifique hommage à ses parents et une foi inébranlable en son pays. Espérons que les nouvelles élections ne lui donnent pas tord ! C’est un livre qu’on devrait faire lire en France à cette génération qui n’arrive pas à trouver sa place et qui attend que Godot vienne la lui offrir sans qu’elle ne fasse aucun effort. Une belle leçon d’humanité !