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[VINCENT DOERR]: CANNES SOUNDTRACK 2017

Cannes Soundtrack existe depuis 2010 et remet un « Coup de cœur » de la Meilleure Musique de Film Originale issue de la sélection officielle du Festival International du Film de Cannes !

En 2012, Mark Snow avec  Vous n’Avez Encore Rien Vu  d’Alain Resnais, en 2013 Josepf Van Wissem avec Only Lovers Left Alive de Jim Jarmusch, en 2014 Howard Shore avec « Maps To The Stars » de David Cronenberg, en 2015 Lim Giong avec The Assassin  de Hou Hsiao-Hsien, et en 2016 Cliff Martinez avec  The Neon Demon  de Nicolas Winding Refn, ont reçu un « Coup de cœur » de la part d’un jury de journalistes spécialisés dans la critique de films.

De nombreuses Palmes d’Or ont des musiques aussi célèbres qu’elles, mais n’ont jamais été récompensées ! Une honte ! Les films sont peut-être oubliés, mais leurs musiques sont toujours jouées, ou sont à jamais dans toutes les oreilles :  Le Troisième Homme  et la cithare lancinante d’Anton Karas, Le hautbois de  Mission , musique de Morricone,  La Loi du Seigneur  avec un super thème de Tiomkin chanté par Pat Boone,  Orféo Négro  qui a fait découvrir la musique brésilienne et Carlos Jobin, La Dolce Vita ,  Le Guépard et Nino Rota, Michel Legrand et  Les Parapluies de Cherbourg , ou  Le Messager , le chabadaba de Francis Lai pour Un Homme et Une femme ,  Blow Up ou  MASH  avec le jazz de Hancock et de Mandel,  Taxi Driver  avec la musique envoûtante de Bernard Herrmann,  Paris Texas  et la musique de Ry Coder devenue un tube, La Leçon de Piano » avec son célèbre concerto de Nyman, la découverte de Goran Bregovic avec Underground , le succès des BO de  Pulp Fiction ,  Sailor et Lula , d’ Apocalypse Now  . D’autres films présentés au Festival ont eu des musiques qui sont devenues très célèbres ! Cannes a dansé sur la musique de  Never on Sunday  de Hadjidakis (Mercouri, prix de la meilleure actrice en 1960). La musique de  Mondo Cane (1962) de Riz Ortolani a connu un succès international fulgurant, etc… Alors pourquoi les ignorer, ne pas les honorer dans ce Festival ?

Toutes les initiatives pour que la musique et ses auteurs soient récompensés dans ce festival au même titre que les scénarios sont les bienvenues. Au cours du lancement de la nouvelle édition de Cannes Soundtrack, Vincent Doerr, le fondateur de cette manifestation avait accepté un court entretien.

Il faut avoir un grain pour s’intéresser intensément comme vous le faites à la musique de film ?
Faut juste être simplement à l’écoute…

Pensez-vous que les spectateurs sont attentifs à la musique ?
S’ils l’écoutent trop, c’est qu’elle est réussie mais ce n’est pas bon pour le film. S’ils ne l’entendent pas, c’est qu’elle se marrie totalement bien.

Cela vous est déjà arrivé de ne pas entendre la musique, vous le fana !
Oui, il y a des musiques qui se mêlent cent pour cent avec le film. Il y a deux œuvres dans un film : celle du compositeur et celle du cinéaste. Quand c’est réussi il y a une symbiose, elle est complétement en harmonie avec le film. Vladimir Cosma a fait des musiques incroyables pour des films très nuls, et du coup on en garde par nostalgie ses compositions. Dans mon enfance, j’ai vu des navets que j’aime mais c’est la musique qui m’a ensorcelé.

Cosma est un de vos premiers souvenirs ?
Non il fait partie des films populaires que j’ai aimés gamin et pour lesquels aujourd’hui je ne pense qu’à leur musique. Ce sont des comédies qui ne font pas forcément partie de l’histoire du cinéma. Si on compare  Taxi Driver avec Bernard Herrmann, et  La Chèvre  avec Vladimir Cosma, par exemple, la musique décalée, le saxo qui flotte avec ce personnage totalement lugubre de De Niro et la flûte de La Chèvre , même si on fait le grand écart sur la qualité de ces films, la musique y tient un rôle majeur.

Alors d’où vous vient cette lubie de vouloir créer un prix pour la musique de film ?
Nuance, je n’ai pas créé de prix. Il n’existe pas de prix officiel pour la musique de film. J’ai fait des études de cinéma, je suis musicien, mais ce n’est pas mon métier principal. Je vais depuis 25 ans au Festival de Cannes. J’y suis allé la première fois en tant que rien du tout, j’ai vu des tonnes de réalisateurs, jeunes et géniaux. Et un jour, avec un regard assez naïf, je me suis dit : mais on ne fait rien pour la musique dans ce Festival ! Alors j’ai eu envie de faire quelque chose. J’ai une agence de communication qui travaille beaucoup avec la musique et beaucoup avec le cinéma, et je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose de concret. L’UCMF a longtemps essayé de faire bouger les choses. On oublie qu’à la naissance du Festival, il y avait le prix de la SACEM pour la musique de film ! Mon idée est assez simple : c’était de trouver une solution de communication. C’est ce que je fais aujourd’hui : créer un moment entre ces deux industries, image et musique. Elles se connaissent mal en fait. C’est un petit monde artistique mais il n’y a pas de rapport direct. Cannes est un moment professionnel énorme et cette idée de récompense m’est venue assez vite : ne pas faire de concurrence mais être complémentaire. Et pourquoi pas faire intéresser le Festival et qu’il crée un vrai prix, cela serait une pierre de plus.

Voilà sept ans que vous faites cela. Comment réagit Thierry Frémaux ?
On se connaît, il sait ce que je fais. Il a une attitude très paradoxale. Je pense qu’il trouve qu’il y a un intérêt de faire cela, mais il voudrait que cela ne soit pas trop envahissant pour le Festival.

Il y a quand même d’autres manifestations qui marchent très bien et où le Festival va découvrir de prochains sélectionnés. Il n’y a pas que la sélection officielle du Festival qui séduit les amoureux du cinéma !
De toute façon pour faire un grand In il faut un grand Off ! Quand un événement arrive à faire naître d’autres événements, c’est que le Festival officiel est quelque chose d’énorme ! Moi, très modestement, avec Cannes Soundtrack c’est plus créer un coup de cœur qu’un prix. Ce qui est intéressant c’est que cela soit fait par des journalistes. On met en lumière des compositeurs et on est centré sur la compétition officielle. Le jury est composé de journalistes de cinéma qui sont accrédités. On est très ouvert : on va de Télérama jusqu’à des jeunes qui écrivent pour des blogs. On a une vingtaine de journalistes. Collégialement, à la fin, on a un coup de cœur qui met en lumière un compositeur.

Comment font-ils pour voter, c’est très compliqué de les mettre tous d’accord ?
C’est très simple, avec internet on met un tableau en ligne. Ils voient les films, ils mettent des étoiles et on les comptabilise.

Vous entamez votre septième année. Dès le départ vous avez mis en place cette manière de fonctionner…
Cela fait cinq ans qu’on a créé ce coup de cœur. On essaye de faire des rencontres avec les compositeurs. Il faut trouver de l’argent, c’est compliqué. Je le fais par passion, ce n’est pas mon métier principal, ça me plait, je suis content d’aller à Cannes pour quelque chose. Et les journalistes le font gracieusement.

Avez-vous vu une évolution en cinq ans ?
Cannes Soundtrack a pris de l’ampleur. Au début, on n’avait pas autant de journalistes. La victoire c’est qu’on est reconnu dans le milieu. Dans le festival off on existe. On sait qu’il y à la quinzaine, la semaine de la critique, la caméra d’or, le Queer Palm. Il y a maintenant Cannes Soundtrack !

Les sponsors vous suivent-ils ?
Pas encore. La semaine de la critique a 40 ans. On n’est pas pressé, l’essentiel c’est de faire en sorte que l’événement se déroule normalement. Si on avait plus d’argent, on ferait plus de choses. J’aimerais créer un vrai rendez-vous institutionnel entre la musique et le cinéma. Ce serait une vraie fierté. Les journalistes viennent sans problème. Ce qui serait intéressant c’est que tous les compositeurs en compétition puissent venir à Cannes, créer des plateformes de rencontre. C’est aussi d’avoir des aides pour les faire venir. Là il y aurait un vrai travail de mise en lumière.

Et d’avoir aussi les réalisateurs qui viennent parler de leur compositeur ?
Les réalisateurs sont tous très disponibles. Bien sûr, ils sont tellement absorbés pendant la compétition avec les 5000 journalistes qui veulent une interview. Avec plus de moyens les producteurs seraient plus attentifs.

Avez-vous toujours un lieu ?
On se débrouille toujours pour avoir un espace. On avait le marché du film qui nous accueillait, mais cela coûte de l’argent, même s’il nous faisait des remises…

Quel moyen financier faut-il pour une telle opération?
C’est très variable. Il y a eu des années maigres où avec 5 à 10.000 euros j’arrivais à faire l’évènement, et des années fortes où j’ai eu des budgets de 200.000 euros ! Au début on a eu la SACEM, mais elle attendait plus de choses. Elle n’est plus notre sponsor. Elle reviendra, on l’espère…

Vous avez une agence de communication, m’avez-vous dit. Pourriez-vous en dire un peu plus?
Oui, elle s’appelle Ciné Pub. Je l’ai créée il y a quinze ans. Elle travaille beaucoup avec des acteurs culturels. On fait beaucoup de promotions, notamment au cinéma.

Vous disiez être musicien…
Je joue de la guitare, du piano, je fais du chant, mais pas professionnellement. J’ai fait des études de cinéma à la Sorbonne mais j’étais à Aix en Provence. J’aimerais faire un Paris Soundtrack avec une compétition sur un an sur la musique de film avec différentes catégories : musique orchestrée, synchronisée, électronique, jeux vidéo… Il y a aujourd’hui de nombreux genres de musique pour l’image. C’est peut être un événement de geek mais je pense que cela a sa place au niveau international !

On espère que Monsieur Frémaux ne restera pas sourd encore longtemps !

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