Solo Musica propose deux albums de lyrique, un opéra très connu et un album de lieder assez original
Richard Strauss: Elektra SM484
Avec Barbara Krieger, Sanja Anastasia, Astrid Weber, Jochen Kupfer, Sotiris Charalampous, Orchestre Experience, Julien Salemkour, direction
Cette version d’ Elektra sous la direction de Julien Salemkour, avec l’Orchestre Experience impose une tension permanente, presque suffocante. Est-ce une fragilité… ou une volonté assumée de traduire le chaos intérieur d’Elektra ? Barbara Krieger, dans le rôle-titre, déjoue les attentes. Moins flamboyante que certaines de ses devancières, elle creuse un sillon obscur, intime. Sanja Anastasia et Astrid Weber offrent des contrastes bienvenus. L’ensemble garde une couleur noire, volontairement austère. Un parti pris qui déstabilise. Les textures orchestrales sont exposées sans artifice, ce qui donne au drame une crudité impressionnante. Rien n’est embelli. Tout est là, nu, à vif. Ce n’est peut-être pas l’Elektra qu’on pouvait attendre, mais c’est une version qui la rend difficile à oublier.
Songs of the Clown SM 480
Verena Tönjes, mezzo-soprano, Daria Tudor, pianiste
Œuvres de Max Kowalski, Margaret Ruthven Lang, Eduard Künneke, Alexander Steinbrecher, Etel Smyth, Robert Schumann, Franz Schubert, Stephen Sondheim
À mi-chemin entre théâtre et lied, ce disque signé Verena Tönjes (mezzo-soprano) et Daria Tudor (piano) surprend autant qu’il intrigue. Avec Songs of the Clown les deux artistes plongent dans un répertoire à la marge, où le grotesque flirte avec le tragique, et où le masque du clown cache bien plus que des larmes ou des rires attendus. Le programme, audacieux, joue avec les frontières du genre. Le cabaret frôle l’opéra de chambre, la satire s’imbrique dans la mélancolie, et le piano devient un acrobate. Daria Tudor se distingue par un jeu précis, tout en finesse de texture, qui parvient à suggérer autant la légèreté d’un pas de clowne blanche. Verena Tönjes, quant à elle, incarne tour à tour la dérision et la tendresse avec une voix malléable, souvent touchante, parfois volontairement déstabilisante. Si certaines couleurs vocales peuvent paraître forcées , ce parti pris s’inscrit dans une esthétique du déséquilibre assumée, presque brechtienne. C’est un disque qui ne cherche pas à plaire immédiatement. Il amuse, mais qu’y a-t-il derrière le fard? L’ensemble provoque, mais sans cynisme. Il y a là une réelle sincérité artistique, même si l’on peut rester à distance. Songs of the Clown est un album qui mérite plusieurs écoutes pour en découvrir toutes les strates. Un disque de niche, certes, mais qui trouve une voix propre dans un monde classique souvent trop sérieux.
Bon anniversaire Hubert Haas et Solo Musica. pour les vingt ans d’existence!