Après cinq mois de silence sur Roads Magazine, la rubrique « A Touch of Music » reprend sur ce site. Il faut dire que peu de très bonnes Bandes Originales avaient attiré notre attention.
S’il y avait une Palme d’Or de la musique de film – un fantasme ! – ce serait pour la BO de Dolor y Gloria d’Alberto Iglesias – Quartet Record QR-376 -. C’est le 11ème film qu’il fait avec Pedro Almodóvar depuis la Fleur de Mon Secret (1995). Alberto Iglesias a écrit une musique intense, très à fleur de peau, avec des moments impressionnistes, mélancoliques. Le violoniste solo Thomas Bowes est excellent. Dès le générique elle nous entraîne dans cette introspection que fait Almodóvar avec son double Antonio Banderas. Rarement musique et image se sont rencontrées avec autant de subtilité. Une réussite totale, un CD à écouter et écouter encore et encore. On peut entendre sur le disque, Mina, la très grande interprète italienne, qui chante « Come Sinfonia » (victoire à San Remo 1961) le tube de Pino Donaggio ; à l’époque il n’était que chanteur et il deviendra le compositeur de Brian de Palma par la suite. Une BO incontournable.
Le CD n’est plus à la mode, c’est la musique dématérialisée qui a la cote et les sociétés de production, de distribution, se rabattent sur les vinyles (très appréciés des collectionneurs). Le succès en salle de quelques films fait que certaines BO se comportent bien. Par exemple Green Book Milan -731383701528. Le film dirigé par Peter Farrelly est la biographie du pianiste Don Shirley (1927-2013), pendant une tournée aux USA dans le sud raciste des années soixante et ses rapports avec son chauffeur italo-américain, pas très clair sur ses opinions raciales. Le Green Book est le livre qui permet aux voyageurs noirs de trouver des lieux qui ne discriminaient pas les Afro-Américains à cause des lois ségrégationnistes en vigueur jusqu’en 1964. Sur le CD on trouve quelques compositions originales de Kris Bowers, des standards joués par The Don Shirley Trio et un morceau interprété par Don Shirley lui-même. Musique très agréable qui accompagne bien ce film bourré de bons sentiments. Agréable sans plus.
Une autre BO qui marche bien, est celle du film : Les Crevettes Pailletées – Milan-3299039819722. La musique a été composée par Thomas Couzinier & Frédéric Kooshmanian ( Zone Blanche , Guyane, on trouve les BO) . Ce binôme à quatre mains se complète très bien, chacun ayant sa spécialité – un, plus classique, l’autre, plus électro pop – mais difficile de savoir qui a fait quoi. Musique assez électro-rock où la synchro a une importance à l’image vu le sujet. Un tube de REM dans le CD. Sympathique à écouter.
Les séries « cartonnent », surtout auprès des jeunes spectateurs. Les distributeurs sortent donc les musiques de ces séries, et l’on a ainsi la CD de la saison, 1, 2 etc etc. Pas sûr que cela se vende. Il y a des musiques qui sont très bonnes, (Outlander saison 4, musique de Bear McCreary, Sony – 0190759388020) agréables à l’écoute seule, mais se souvenir à quel moment dans une nième saison on l’a entendue, compliqué. Souvent ce sont les génériques qui fonctionnent. A l’opposé de ce style très classique, Cliff Martinez pour son alter ego Nicolas Winding Refn a écrit une musique pour la série Too Old To Die Young Milan 398 202-2/ LP 398 216-2 dans la même veine que celles qu’il compose pour ce réalisateur. C’est une histoire comme d’hab’ d’un flic mais dans l’ambiance très spéciale de Refn. C’est une série Amazon, faut être sur Prime Video ! Musique qui nous entraîne dans un univers très spécial ; quelques chansons sont éditées sur le double CD. On aime les ambiances à la Martinez même s’il est coincé dans un genre.
Sur Netflix, John Lee Hancock réalise The Highwaymen, la traque de Bonnie Parker et Clyde Barrow par les deux enquêteurs qui sont entrés dans l’histoire : Frank Hamer et Maney Gault. Le contraire du film d’Arthur Penn. Le compositeur est le prolixe Thomas Newman (Skyfall, Tolkien, 12 fois nommés aux Oscars). Le CD Sony -0190759440025 propose des musiques jazzy pour faire époque; le compositeur a mélangé des orchestrations country (banjo, violon électro) avec des thèmes orchestraux dramatiques, un rien nostalgiques, avec accompagnement guitare, piano, violon acoustique, pour donner une ambiance assez mortifère. Une bien belle et efficace bande son. Faut être sur Netflix pour voir ce film.
A propos de Thomas Newman le film Tolkien, un biopic fantasmé – voir l’article sur le site – réalisé par Dome Karukoski sur cet écrivain légendaire, père de Bilbo le Hobitt doit beaucoup aussi à la musique Sony-190759419823. Piano/orchestre avec des airs, des voix celtiques donnent une ambiance héroïque fantaisie. Le climat de Road To Perdition par l’arrangement des cordes, vient à l’esprit à l’écoute de cette musique. Un beau disque aussi à se procurer. Decca Records 440 017 167-2
Dans le genre biopic, une petite merveille Buñuel Après l’Âge d’Or, l’histoire de la naissance d’un des plus grands réalisateurs : Luis Buñuel. Suite au scandale de la projection de L’Âge d’Or à Paris en 1930, Luis Buñuel se retrouve totalement déprimé et désargenté. Un ticket gagnant de loterie, acheté par son ami le sculpteur Ramón Acin (fusillé par les milices franquistes ainsi que sa femme pendant la guerre civile !), va changer la vie de Buñuel. Avec l’argent gagné il va réaliser Terre Sans Pain (Las Hurdes ), un documentaire sur la région la plus déshéritée d’Espagne et retrouvera foi en son incroyable talent. Le film est en animation, réalisé par Salvador Simo. Il est construit comme une sorte making-of avec des extraits du vrai film. Des allusions sont faites sur l’enfance de Buñuel, ses terreurs, ses rapports conflictuels avec Dalí, à propos du surréalisme, de son père. La musique est de Arturo Cardelús. Elle a gagné le prix de la meilleure musique au Festival de Malaga et celui d’Annecy- Bien le bonjour le festival de Cannes !– Cardelús a fait ses études classique à Salamanque puis est allé étudier la composition de film à Berklee College of Music. Arturo Cardelús est devenu célèbre grâce à la musique qu’il a composée pour le premier court-métrage d’animation romantique homosexuel, In a Heartbeat. La BO de la musique de Buñuel Milan Music – 398 204-2, est sur le concept thème et variations. Le thème « Luis Buñuel » est une jolie mélodie arrangée différemment selon les moments. Elle passe par des phases tonales à atonales, orchestrales à quartet (piano, violoncelle, guitare, clarinette). Certains passages sont agrémentés de chœur (« Calanda »). « Salvador Dalí » est un thème atonal avec piano et chœur à la Ligeti, tandis que « Cabras » par exemple est très fellinien avec bandonéon. Le thème de « Ramón » est très mélancolique, magnifique avec voix et orchestre. C’est une BO très classique dans sa conception mais qui apporte énormément au film. C’est un film que doivent voir ceux qui aiment le cinéma, les cinéphiles, mais les autres aussi. Quant à la BO elle s’écoute avec beaucoup de plaisir même si on n’a pas vu le film (elle donne envie de le voir !). Les compositions de Arturo Cardelús en dehors de ses compositions pour les films sont quand même du niveau de Clayderman…
Benjamin Wallfisch a été à l’affiche le mois dernier pour deux films en même temps et dans des univers totalement différents. On a du mal à reconnaître le compositeur. Milan -3299039811429 est le CD de King of Thieves un film réalisé par James Marsh. Dans cette comédie Michael Caine incarne un sénior qui se lance dans l’organisation d’un braquage avec d’autres bandits retraités. Benjamin Wallfisch, compositeur anglais est connu pour la BO de Ça, et pour ses collaborations avec Hans Zimmer (Blade Runner 2049, Hidden Figures). Autant la musique de King of Thieves est intéressante avec un coté année 70, jazzy, le thème principal rappelle (un hommage ?) la musique de John Barry pour The Icpress File, film avec aussi Michael Caine, autant la musique du remake Hellboy réalisé par Neil Marshall est du hard rock assez lourdingue comme le film Sony -0190759429228. Ce jeune compositeur (39 ans) n’a pas encore trouvé sa patte, il est plus dans « à la manière de » que dans un style original. Il y avait de bonnes idées musicales dans le mauvais film de Verbinski A Cure For Wellness Milan-36812.
On peut rappeler la musique d’un succès cinématographique étonnant, Le Chant du Loup Milan – 3299039817629 – le premier film d’Antonin Baudry, avec Omar Sy, Reda Kated et François Civil… Il nous amène à bord d’un sous-marin nucléaire français pour une aventure humaine bouleversante. Tomandandy est un groupe américain de musique électronique crée en 1989. Il est constitué par le Texan Andy Milburn, et du Canadien Thomas Hajdu. On lui doit la BO de La Colline a des Yeux, Mean Creek et de deux Résident Evil. (Afterlife,Retribution). Une BO à écouter, il y a de bonnes idées qui secondent bien l’univers claustrophobe du sous-marin.
Music Box Records ne fait pas que dans la redécouverte de BO mais distribue aussi des musiques de films récents comme celui de François Ozon, Grâce à Dieu MBR -153. Elle n’a pas été composée par Philippe Rombi, le compositeur, en principe, attitré du réalisateur. Le film porte sur un sujet d’actualité très sensible, la pédophilie au sein de l’Eglise Catholique. La musique est signée du duo Evgueni et Sacha Galperine, compositeur entre autres de Faute d’Amour (Loveless) qui a remporté le prix du Meilleur compositeur aux European Film Academy en 2017. La partition de reflète à la fois le combat d’Alexandre avec un thème lancinant et hypnotique, mais aussi un thème très pur et lumineux pour souligner la recherche de la vérité par les protagonistes de l’histoire, avec notamment l’utilisation de chœurs de garçons.
Le premier film Minuscule : La Vallée des fourmis perdues (César du meilleur film d’animation) avait réuni plus d’1,2 millions de spectateurs en 2014. La musique avait été composée par Hervé Lavandier. Pour ce deuxième opus, Minuscule : Les Mandibules du Bout du Monde d’ Hélène Giraud et Thomas Szabo, Mathieu Lamboley a composé une partition lyrique et aérienne, inspirée de Ravel, de Prokofiev mais aussi de John Williams. Chaque insecte est doté de son propre thème musical : un thème romanesque pour la coccinelle où harpe, flûtes et violons s’accordent avec douceur, un thème comique pour la fourmi avec un leitmotiv très scandé à base de basson et de hautbois, un thème exotique pour la mante religieuse dominé par l’emploi du thérémine, dans l’esprit du Mars Attacks! de Danny Elfman, un thème loufoque pour l’araignée sur un air de tango où résonnent un accordéon et un clavecin surgis d’un autre temps. Interprétée par l’Orchestre National d’Île-de-France (ONDIF) et le jeune chœur de Francis Bardot, la musique du film a été enregistrée dans le studio de l’Orchestre spécialisé dans les enregistrements de musique de films. Minuscule a eu la chance d’être le premier film à en bénéficier. La partition symphonique, ambitieuse et mélodique, traversée par le souffle des grandes aventures, ne peut que nous réjouir. Mathieu Lamboley a vraiment du talent. Music Box MBR-154.
LA BO de Swoon elle aussi est distribuée par Music Box MBR-161. Co-réalisé par le duo Måns Mårlind et Björn Stein (Underworld Awakening), Swoon raconte une histoire d’amour à la Roméo et Juliette qui se déroule dans l’univers de deux camps de forains rivaux à Stockholm en 1940. John (Albin Grenholm) et Ninni (le top-model Frida Gustavsson) ont grandi immergés dans l’amère rivalité qui existe entre leurs familles respectives. Nathaniel Méchaly (Taken, Angélique) signe ici une partition romanesque, baroque et lumineuse avec de riches couleurs orchestrales. Sous la direction de Laurent Couson, la musique est interprétée par l’Orchestre Philharmonique de Budapest.
Alan Silvestri est le compositeur attitré des Avengers depuis 2012 et il s’est lâché avec beaucoup de talent et d’humour dans cette aventure, une nouvelle fois. Sa musique est toujours aussi riche, inventive. Nostalgie, lyrisme ampleur, sa palette orchestrale est immense. On cite toujours William comme le grand compositeur d’Hollywood, c’est oublier que Silvestri l’est tout autant ! Sa patte est reconnaissable entre toute. Avengers : Endgame un grand cru ! Hollywood Records HWR-050087414993.
BOriginal sort ses BO en digital. Ni Une ni Deux n’échappe pas à la règle. Jean-Michel Bernard est le compositeur de Anne Giafferie, la réalisatrice de cette comédie. Ils se connaissent bien et elle travaille directement au studio avec lui pour le choix des musiques et leur place. Musique efficace, toujours rythmée, Bernard est un musicien de jazz avant tout, la comédie est ce qu’elle est et la musique est à l’unisson. On aime bien Jean-Michel Bernard.
A Suivre TOUCH OF MUSIC N°9.
