Actes du colloque au CEVIPOF du 23 et 24 novembre 2023 Sous la direction de Janine Mossuz-Lavau et Cristina Solé Castells Présence d’André Malraux, Cahiers de l’association Amitiés Internationales André Malraux N°21 – 2025 AIAM éditions, 214 pages
Voici un document fort intéressant pour tous ceux qui apprécient Malraux, mais aussi tous ceux qui aiment la littérature bien sûr et la politique d’une manière générale. Sommaire :
Préface par Jean-René Bourrel Introduction par Janine Mossuz-Lavau La quête du sacré : les raisons d’une conversion d’André Malraux au gaullisme par Marie Geffray Malraux et Trotsky par Janine Mossuz-Lavau
André Malraux et l’Algérie par Janine Mossuz-Lavau Malraux en Indochine, naissance d’une conscience politique par Raoul-Marc Jennar La mémoire de Malraux au Bangladesh 50 ans après par Michaël de Saint-Cheron Le rôle de la communion dans la politique chez André Malraux par Peter Tame Malraux a-t-il une place dans la diplomatie culturelle ? par Marie-Christine Kessler Malraux et la fraternité : « Le droit de choisir ses frères » par Sylvie Howlett Howlett La politique entre le monde de Malraux et le nôtre par Jean Viard Un homme-orchestre des nations par Gil Delannoi Malraux et l’antifascisme dans les années 1930 par Alberto Toscano Malraux et l’antifascisme : l’Espagne par Cristina Solé Castells Malraux, Fautrier : L’écrivain-ministre et le poète pictural… par Nazim Kadri Malraux et les musées russes. Dialoguer par-delà le rideau de fer (1959-1969) par Guillaume Frantzwa André Malraux, ministre du rayonnement français par Charles-Louis Foulon Postface par Pierre Coureux et Cristina Solé Castells Index des principaux noms de personnes et de lieux Deux comptes rendus de lectures par Peter Tame et Myriam Sunnen La revue Présence d’André Malraux
André Malraux et l’Algérie par Janine Mossuz-Lavau : 1959, Plusieurs mois qu’André Malraux est devenu (au printemps 1959) ministre des affaires culturelles, rien n’a changé pour ce qui concerne La Question. Henri Alleg demeure en prison…André Malraux se tait ce qui suscite l’indignation des intellectuels de gauche…À Rio de Janeiro, dans une conférence de presse, il déclare : J’ai été ministre de l’information pendant quatre mois, il n’y a pas eu de torture… Elle a réapparu depuis, c’est parfaitement vrai… Malraux en Indochine, naissance d’une conscience politique par Raoul-Marc Jennar : Malraux continue de croire que la France est capable d’exporter ses valeurs et que les colonies peuvent se développer sur le modèle républicain La mémoire de Malraux au Bangladesh 50 ans après par Michaël de Saint-Cheron : En novembre 1971, le célèbre correspondant du New York Times à Paris, Cyrus Sulzberger, invita à déjeuner André Malraux et Régis Debray. Ce dernier l’interrogea : Quelles sont les raisons qui vous poussent à choisir le Bangladesh ? Réponse de Malraux à son auditoire médusé : On m’a demandé d’adopter le Bangladesh. Leur cause est désespérée. Aucune cause ne peut survivre sans un chef qui ait un nom. Ils ont besoin d’un de Gaulle. Il leur faut un de Gaulle. Il faut un de Gaulle à tout le monde. Pensait-il à lui-même ou à Mujibur Rahman ? L’histoire ne le dit pas mais ma conviction est qu’il se serait bien vu comme le de Gaulle du Bangladesh. Le rôle de la communion dans la politique chez André Malraux par Peter Tame : Le sens de la communion que montrait Malraux dans le domaine de la politique n’était religieux ou spirituel que dans une mesure restreinte . Regis Debray le résume assez bien …cet agnostique fut le dernier religieux dans un monde d’incrédules – religieux étant celui qui sait parfois sacrifier ses différences à une communion… etc etc Page 135 : Malraux, Fautrier : L’écrivain-ministre et le poète pictural… par Nazim Kadri est un des plus passionnants passages de ces actes ! Ce n’est pas la politique qui m’intéresse, c’est l’Histoire, disait Malraux. Il fallait bien deux jours, une brochette d’universitaires pointus, quelques passionnés de la geste gaullienne, pour ausculter le paradoxe Malraux : écrivain lyrique, ministre républicain, mythe vivant. Aux manettes de cette rencontre sérieuse, Janine Mossuz-Lavau, politologue, familière du CEVIPOF, admiratrice sans borne de Malraux (elle avait fait sa thèse sur celui qui demeure pour elle l’un des plus grands écrivains du XXème siècle !) et Cristina Solé Castells professeure de littérature française à l’Université de Lleida (Espagne), ont rassemblé un aréopage de chercheurs et chercheuses qui ne badinent pas avec le verbe de cet homme. On lit et des mots raisonnent comme métaphysique de l’action, conversion gaullienne, incarnation du tragique. La politique est un art dramatique disait Malraux le prophète tragique, le compagnon du général, le théoricien des métamorphoses. Les actes du colloque, désormais publiés, rendent hommage à cette parole polyphonique. On y entend des voix qui tentent d’arracher Malraux au mausolée républicain où l’a placé la Cinquième. Malraux n’était pas un homme politique, mais il en a incarné la posture avec un brio qui confine à la mystique. Malraux pense-t-il la politique ou l’habite-t-il comme un rôle ? On lira ces actes comme on lirait un recueil de scènes tragiques, cocasses, toujours théâtrales. L’homme Malraux s’y déplie dans ses errances, ses aveux déguisés, ses silences. Pas de panthéonisation, mais une analyse fine d’une machine à séduire. Un volume salutaire, à l’heure où la culture se débat dans un monde sans style. Malraux, lui, en avait peut-être trop ? Malraux ressuscité mais on n’a pas vu le général !