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C’est dans son studio entouré d’affiches, de récompenses, qu’il m’a reçu. Peut-être son nom ne vous dit rien ? Alors écoutez ce qui suit !
Vous faites partie de ces compositeurs de télévision, entre autres, qu’on associe tout de suite à une musique, à un tube : Lalo Schifrin avec « Mission Impossible », Petitgirard avec « Maigret », Mancini et les dessins animés « Pink Panther ». Qu’est ce que cela vous fait d’être connu pour le célèbre générique d’ « Ushuaïa » ?
C’est génial, si on fait de la musique c’est aussi pour communiquer. S’il y a un tube, entre guillemets, c’est une alchimie. Lorsqu’on analyse ensuite le pourquoi, il y a une mélodie qui est mémorisable, et puis il y a le fait que cette musique a été jouée très longtemps, rabâchée. Aujourd’hui, si une émission ne fait pas l’audimat requis, elle dure deux épisodes et disparaît. « Ushuaïa » a duré 10 ans…
Mais ce générique est devenu culte rapidement…
Non, ce qui est inquiétant c’est lorsque ça ne marche pas !
Vous avez aussi écrit de la musique pour « Navarro », autre grand succès…
Oui je l’ai écrite avec mon ami Jannick Top. Il y a eu une musique récurrente sur 108 films ! La musique a eu le temps de s’installer, les génériques étaient communs, il y a eu des mélodies faciles à retenir. Il arrive un moment où on ne peut plus dissocier l’image de la musique, on entend un thème de Navarro, on voit Roger Hanin avec un pistolet, on entend la musique, c’est une vraie alchimie.
Vous avez énormément composé pour la télévision
Oui parce que dans les années 80 beaucoup de choses se faisaient à la télévision et lorsque vous faite un succès, on vous redemande. Avec Jannick Top, on était des outsiders parce qu’on avait fait du cinéma, et puis un des réalisateurs de la série Navarro voulait des jeunes. Au début de TF1 de Le Lay, ils en avaient marre d’acheter des séries américaines, style Colombo, qui marchaient quand même très bien. Ils voulaient un héros récurent français ou pied noir. Ils voulaient innover même au niveau de la musique. Le réalisateur avait vu un film de Pierre Jolivet qui s’appelle Force Majeure avec Cluzet et Bruel. La musique lui avait plu. Il s’est souvenu de mon nom et m’a donné rendez-vous pour faire un thème rapidement pour la série. Il l’a aimé, puis il y a eu deux films à faire. Ils pensaient en faire six et en définitif il y en a eu 108 ! On a mis en place une méthodologie, un travail très spécial pour l’époque.
C’est l’époque de toutes ces grandes séries d’été de TF1
On a fait la série Le Proc , Le Négociateur , une série d’été qui s’appelle Le Bleu de l’Océan , cinq, six films. Cosma a fait le premier. On a fait Zodiac , et une superbe série avec Alain Delon, Fabio Montale , d’après les roman d’Izo, réalisée par José Pinhéiro
On sait qu’il vérifie tout. A-t-il été exigeant au niveau de la musique ?
Il a écouté les thèmes. Il fallait son aval pour tout . Il a été très professionnel, il a fait une réflexion sur un ou deux thèmes, tout à fait justifiée. José Pinhéiro avait réalisé des Navarro. Il nous a présenté à Delon, c’était une très belle réalisation. On a composé des musiques de jazz style année soixante, style jazz messengers, très moderne.
Revenons à vos débuts…
J’ai une formation de pianiste classique, j’ai eu un professeur de piano à Troyes, extraordinaire, Madame Jacques Dupont, qui m’a amené jusqu’au Conservatoire à Paris. Cela a été une grande chance. Mon père voulait que je sois concertiste, moi je ne voulais rien. Je me suis retrouvé musicien parce que mon père, mes oncles étaient musiciens, tout le monde dans la famille était musicien. Notre famille vient d’italiens émigrés, du sud Tyrol, la région de Cortina d’Ampezzo. Ils sont venus dans les années 20, ont tous joués des instruments différents pour constituer un orchestre de bal. J’ai moi aussi joué dans des bals, très jeune. J’ai donc appris toutes sortes de musiques. Vers 18 ans, le classique me gavait et devenir concertiste ne me plaisait pas du tout. J’aimais le rock, le Rythm et Blues, et je suis parti au Club Med comme musicien ! C’était formidable ! Il y avait du soleil, des filles, c’était pour moi la vraie vie ! Après trois saisons, j’ai fait le service militaire. Je me suis retrouvé dans la musique à Versailles et j’ai pu continuer mes études au conservatoire pour faire les classes d’harmonie et de contrepoint et ne pas rester cantonné à la caserne ! A Paris, j’ai joué dans plein de cabarets pendant mon service, ce qui m’a fait connaître d’autres musiciens, et rencontrer Yves Simon avec qui j’ai fait des disques, des Olympia. Et c’est ainsi que je suis rentré dans le métier.
Yves Simon n’était qu’un chanteur ?
C’était surtout un auteur. A l’époque, j’ai monté un groupe de jazz rock,Transit Express, et on jouait en première partie d’Yves Simon. Puis on l’a accompagné sur scène. J’ai donc été en contact avec beaucoup de musiciens pour des studios, des artistes…
Avez-vous travaillé sur « Diabolo Menthe » ?
J’étais proche d’Yves. Je faisais des arrangements pour ses disques. Diane Kurys connaissait Yves et elle voulait pour le générique de fin de son premier film, Diabolo Menthe, une chanson écrite par lui. Il a donc composé la chanson Diabolo Menthe et j’ai fait les arrangements. Puis il m’a proposé de faire la musique du film. Il y avait beaucoup d’achats de droits musicaux pour les chansons de l’époque et quelques thèmes à écrire que nous avons fait ensemble. J’avais 23 ans et moi qui rêvait d’écrire de la musique de film, j’étais comblé. Je rêvais aussi de faire de la plongée bouteille !
Heureusement que vous n’avez pas fait comme votre confrère De Roubaix !
J’ai fait les deux ! C’est vrai que j’y pense de temps en temps en plongée ! Lorsque le film est sorti, Yves m’a appelé pour me dire que ce serait un énorme succès. Il a eu le prix Louis Delluc. C’était extraordinaire pour ma première expérience cinématographique !
Vous me dites que vous aimiez la musique de film. Certaines vous ont-elles impressionné?
Je me souviens que j‘avais vu un reportage à le télé en noir et blanc – il n’y avait qu’une chaîne à l’époque – sur un musicien qui composait et qui expliquait comment il composait de la musique, c’était Claude Bolling ! Je devais avoir dix, onze ans, j’étais déjà musicien. On le voyait en studio avec des orchestres, et je trouvais cela formidable. C’était un musicien d’une richesse extraordinaire, qui composait de tout, brillamment doué, un très grand musicien ! Cela m’avait marqué et lorsqu’un type m’a demandé d’écrire pour son court-métrage, j’ai dit oui et je me suis démerdé ! C’était ma première musique en tant que compositeur ! Je composais des musiques, je bidouillais les synthés. C’étaient les premiers, ça me plaisait.
Sur les murs de votre studio où nous sommes, il y a de nombreux disques d’or, d’argent, de platine, d’artistes de variétés dont certains sont des stars. Comment êtes-vous entré dans ce monde-là ?
C’est à dire en tant que pianiste, synthé etc. J’étais bien reconnu tout en cultivant ma propre carrière de compositeur à travers les groupes de jazz rock. J’ai fait des albums, j’ai rencontré des musiciens excellents, j’ai enregistré à New York avec le violoniste américain David Rose et le groupe Blue Rose. Je faisais ma carrière de jazz fusion et parallèlement je travaillais avec plein de chanteurs, de chanteuses…
Mais comment vous connaissaient-t-ils?
C’est le bouche à oreille, cela se fait de cooptation en cooptation.
Vous avez eu beaucoup de chance !
Oui il y a le facteur chance. J’ai commencé très jeune, j’avais 20 ans et j’avais pas mal d’années de musique classique, et de musicien de bal. J’avais 13 ans quand j’ai commencé dans les bals. J’avais donc sept ans de métier avec une formation complète. J’écrivais les orchestrations pour les cuivres, le rythme and blues. Tout allait assez vite et puis, à un moment, j’ai rencontré Michel Berger…
Comment l’avez-vous connu ?
Il était précurseur dans les arrangements dans les débuts des années 80. C’était la mode des synthés. A un moment donné il avait voulu changer la formule des orchestres qui l’accompagnaient et il a dit à un de ses musiciens qu’il avait besoin de deux jeunes claviers qui soient très bons. Mon nom est venu, et celui de mon frère qui a le même cursus. Cela s’est très bien passé et on a fait les Zénith à Paris avec France Gall. Après, Michel m’a fait venir pour ses albums et j’ai eu un parcours avec lui jusqu’à ce que le pauvre s’en aille. Je suis devenu l’arrangeur de « Starmania ». Puis avec Plamondon j’ai fait l’album de Céline Dion comme arrangeur et musicien. Parallèlement, je continuais les pubs en tant que compositeur, les courts-métrages et les longs-métrages. J’ai fait un album de piano solo, pour mon père qui voulait que je sois concertiste : sur une face du Satie et sur l’autre mes propres compositions. J’avais rempli le contrat ! Sur cet album il y avait un thème qu’a adoré un jeune réalisateur, qui a voulu que cela soit le thème de son film. C’était Didier Haudepin qui faisait son premier film « Paco L’Infaillible » avec Patrick Dewaere. J’avais 26 ans et c’était mon premier long-métrage !
Et avec Pierre Jolivet, comment s’est formé votre couple ?
On a fait huit films ensemble ! Pour ses derniers, c’est son fils qui compose. Pierre avait un duo avec son frère Marc. J’avais fait des disques comme musicien avec eux. On était de la même génération avec le même humour et les mêmes conneries. Puis on s’est perdu de vue. Pierre, en écrivant le scénario de son premier film, écoutait en boucle des copies cassettes de disques que lui avait faites un copain. Il a voulu savoir ce qu’était un disque. C’était un Epic Sony américain. Et il voit mon nom comme compositeur, avec mon copain violoniste chanteur New Yorkais ! Et c’est ainsi que j’ai fait la musique de son film Strictement Personnel avec Pierre Arditi ! C’était en 1985. D’autres films ont suivi, tous dans des styles différents. C’est arrivé parce que je laisse toujours des traces ! Pierre m’a appelé parce qu’il avait entendu cet album de jazz fusion. Mais mes musiques n’ont rien à voir avec celles que j’ai composé pour lui !
Comment était votre collaboration ?
C’était génial ! C’était toujours différent : soit j’avais le scénario avant, soit il fallait composer sur film fini. Le pire qu’il m’ait fait, c’était pour Fred , avec Vincent Lindon : on va au studio de mixage chez SIS pour une projection et il me dit qu’il n’y aura pas de musique ! Il me dit que si j’ai une idée de musique, il veut bien l’écouter, mais que, pour lui, le film marche sans ! Là il mettait la barre très haut ! Avec mon pote Jannick, on lui en a proposé. Et il y a bien 15 minutes de musique dans le film ! Pour Frère du Guerrier je suis allé chercher des instruments moyenâgeux en mélangeant des timbres bizarres. Ce qui était bien avec Pierre c’est qu’il faisait des films de genres différents. Moi ça m’éclatait cette diversité. Avec En Plein Coeur on a fait de la musique techno…
Vous êtes assez éclectique dans vos compositions, mais il y a toujours une thématique.
Dans la forme oui. Mais dans la composition pure, c’est vrai qu’on trouve souvent de la mélodie. Il y a des films où il n’en faut pas non plus. Mais j’aime bien qu’il y ait une mélodie de base. Lorsque l’on joue mes thèmes au piano, il y a une vraie continuité. Il y a un style, j’espère.
Aujourd’hui tout a changé, non ?
Dans la télé on n’est plus dans cet esprit.Takis Candilis, qui avait démarré chez Grimblat, chez Hamster sur Navarro, et qui est passé à TF1, à la fiction, a mis en place de belles séries télés de qualité et des musiques superbes. Tout cela se tenait bien, mais avec l’arrivée des séries américaines de 52 minutes, il y a eu une révolution et toutes les musiques que l’on écrivait avaient pris un coup de vieux ! Réunion de chantier : on ne copie pas mais on s’inspire fortement, il n’y a pas de thématique ou très peu. J’ai fait une série à l’américaine sans les moyens. Pour la musique il fallait faire du sous produit et j’ai compris que c’était la fin. Pourquoi aller demander à Perathoner alors qu’il y a 15 compositeurs qui sont capables d’écrire ce genre de musique en copiant un peu, avec du goût, un peu de talent, et surtout peu d’argent. Moi j’ai toujours voulu être respecté, avoir un certain budget. Je suis de l’ancienne génération…
Et à part le cinéma et la télè vous avez d’autres cordes à votre arc…
Je travaille toujours sur commande. Cela m’a amusé aussi de faire des spectacles, avec Liane Foly. J’ai même été acteur. J’étais un musicien qui participait à la mise en scène, c’était amusant. Je l’ai fait pendant deux ans en alternance avec d’autres choses évidemment. J’ai composé pour Roland Petit. C’était extraordinaire parce qu’on a écrit librement de la musique pour ses ballets à Marseille et il a inventé une chorégraphie à partir de la musique. C’était passionnant, il connaissait Jannick à cause de Magma ; moi à cause de mes musiques. On lui a écrit une musique de 20 minutes ! Là c’est sur notre musique que se sont créées des images !
On n’a pas parlé de Jannick Top qui est votre alter ego
Oui, Jannick, il est le bassiste à l’origine de Magma avec Christian Vander. Il travaillait avec Michel Berger. C’est là qu’on s’est rencontré.
Comment avez-vous travaillé avec lui ?
On ne s’était jamais dit qu’on travaillerait ensemble. C’est parti de l’époque des années 80 sur les spectacles de Berger, de France Gall. Parallèlement, il y avait des pubs qui offraient plein de boulot. On était débordé. Je lui ai proposé de travailler avec moi et lui aussi. On a donc travaillé l’un pour l’autre, puis sur les films de Jolivet. On a travaillé ensemble si bien qu’on ne savait plus qui avait composé quoi. Avec l’informatique tout le monde se retrouvait seul devant son ordinateur et avait le phantasme de jouer tous les instruments avec le plugin qu’on avait. Avec Jannick, quand on se présentait un travail, on était le meilleur juge face à l’autre. Cela nous donnait une force. Et lorsque l’on présentait le projet aux réalisateurs, on était sûr de notre boulot !
Vous écrivez tout tout seul ?
On aime bien tout faire. Mais quand on a fait la série dont on a parlé précédemment, pour TF1, on a récupéré le coup parce qu’ils avaient une musique qui ne leur plaisait pas du tout. Takis nous a appelé pour sauver le coup. On a pris un orchestrateur parce qu’il a fallait livrer très vite. Takis ne connaissait que les thèmes au piano et on était un peu angoissé lorsqu’il est venu écouter l’orchestration. Mais il avait le sourire en entendant le résultat. Donc, oui de temps en temps on prend un grand orchestrateur. Là c’était Hubert Bougis.
Vous acceptez de travailler avec de jeunes réalisateurs
Je fais pas mal de courts-métrages pour de jeunes réalisateurs qui n’ont pas de budget ! Cela me touche. Je suis moi aussi intimidé, car ils seront peut-être de grands réalisateurs. Et puis à chaque fois on se retrouve face à la page blanche !
Avez-vous senti cette méfiance qu’ont certains réalisateurs face au compositeur ?
Je l’ai vu au fur et à mesure de ma carrière. Certains réalisateurs ont peur de la musique parce qu’ils ne la maîtrisent pas. Autant avec Pierre Jolivet il y avait une entente parfaite, il y avait l’auteur du film et l’auteur de la musique. On est les deux auteurs du film, la musique est quelque chose d’immatérielle, c’est dans l’air, on ne peut pas la décrire avec des mots, on peut la faire et l’écouter, et la poser sur des images. Autant il y a des réalisateur pour qui leur film est leur bébé, c’est l’oeuvre de leur vie à chaque fois ; ce que je respecte. Mais ils ont peur que la musique bouffe leurs images. Quelquefois elle aide des séquences mal foutues, mais quelquefois il ne vaut mieux ne pas en mettre parce que c’est tellement beau sans. Il faut aussi avoir cette modestie. Mais il y a des musiques qui peuvent donner des émotions, qui sont trop fortes par rapport à ce que racontent les images. Nous, compositeurs, nous devons rassurer le réalisateur. Mais c’est lui le patron. Après on va retrouver les problèmes au mixage. Il faut que la musique soit mixée correctement. Je parle en amont, pour pas que le mixeur mette les petits oiseaux, le chien qui aboie, la voiture qui passe, au-dessus de la musique. Si ces bruits racontent une histoire, c’est bien. Sinon, on met la musique seule ! Là il faut se battre avec les techniciens. Si on a un mixeur artiste, on peut discuter. Mais il faut que le réalisateur soit avec vous. Ce sont des conflits qu’il faut régler. J’ai eu la chance de travailler souvent avec de très bons mixeurs, Gérard Lamps ou William Flageollet par exemple. En télé, c’était plus Rock and Roll ! Avec un film on est plus exigeant !
Y-a-t-il une musique que vous avez composée pour laquelle vous avez une affection particulière ?
Il y a une musique d’un film de Pierre qui est très intéressante parce qu’elle a été faite avant le film. C’était une musique qui existait sans film. Pierre m’avait raconté l’histoire et c’est tout. Il y a des moments dans la vie où on a envie de faire une certaine sorte de musique et je me disais que j’aimerais bien placer la musique que je suis en train d’écrire. C’était un peu présomptueux ? C’est bien de faire de la commande, pour que cela soit ciselé. Mais j’avais envie d’écrire une musique et de la proposer pour un film. Pour Le Frère du Guerrier , j’ai collé cette musique et il y a eu des rencontres, des synchronismes, c’était magique. J’ai fait cette expérience en direct ici dans le studio. J’avais plusieurs thèmes et je lançais une musique en direct et il y avait des mariages assez troublants. Tout n’était pas calé. On a affiné. Pierre était là. On était bluffé de cette rencontre.
Vous êtes au départ un compositeur de musique pure, vous avez un bagage musical propre. Lorsqu’une musique est bien composée et que le montage du film l’est aussi, on a des rencontres extraordinaires…
Il y a un rythme inné au montage et la musique a un souffle également, et les deux vont forcément se rencontrer. Je viens du jazz, c’est une musique qui est compliquée et ma démarche est dans l’improvisation. J’écris actuellement pour une pièce de théâtre et j’ai une liberté totale, plus que dans le cinéma. Il y aura un piano et un quatuor à cordes. Je pense qu’il faut que je me fasse aider par quelqu’un qui est champion dans l’écriture du quatuor. J’aimerais qu’on la joue en direct. C’est une pièce sur Rodin qui va être créée à la fondation à Meudon.
Est-ce que vous êtes un partisan des musiques seules, en disque, sans le support des images ?
C’est une sorte de carte de visite, ça servait de promotion. Il y avait un marché de la musique de film. On a fait quelques compiles. C’est un témoignage.
Vous pensez qu’on peut les écouter sans voir le film ?
Sur les CD on met les thématiques, c’est tout à fait écoutable. Avec Delon on avait fait pour la télévision Le Lion de Kessel Il y avait de la musique de grands espaces, dans le style Out Of Africa . Comme j’avais fait beaucoup de musiques pour la série Ushuaïa, dans le style aventure, ethnique, pour Le Lion je savais bien écrire ce genre de musique. Elle s’écoute avec plaisir.
Que pensez-vous des écoles de compositions de musique de film ?
C’est bien mais rien ne vaut le terrain ! De faire de la variétés, des comédies musicales, du théâtre, c’est très enrichissant pour écrire de la musique de film. Je viens d’écrire pour Gérard Manset. Je travaille avec lui depuis plus de trente ans. Il y a des ambiances à trouver, c’est très créatif. Dans ma génération des années 70-80, on a eu une chance inouïe de pouvoir tout faire. Aujourd’hui tout est cloisonné. Il y a moins de travail sûrement, moins d’argent, et il y a en plus de très bons musiciens ! Quand j’avais 25 ans, le boulot tombait de partout, on touchait à tout. Maintenant il y a moins de transversalité. Mais c’est quand même un métier extraordinaire. J’ai un fils qui, comme mon grand-père, son grand-père, a baigné dans la musique dès sept ans. Comme moi, il n’a pas le virus de la musique et c’est tant mieux car quelle galère que d’être aujourd’hui musicien ! Aujourd’hui il est plasticien mais pas musicien. Quand je vois le nombre de jeunes qui ont du talent et qui rament ça me rend triste. Il y a par contre beaucoup de techniciens de la musique, ils sont assez formatés, prennent moins de risque. La création c’est autre chose.
Êtes-vous quand même un musicien heureux ?
Évidemment ! Michel Berger m’avait conseillé à l’époque où je composais beaucoup, de mettre dans la case profession de mon passeport, non pas compositeur mais musicien. Lui ne savait pas bien jouer du piano, il était autodidacte, mais un mélodiste formidable. Il avait mis »musicien » car il y a musique dans le mot ! Quand je vois le nombre de gens qui, dans tous les milieux, rêvent de devenir musicien, je ne peux qu’être fier de l’être !