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« EXPOSITION VIRTUELLE » : 3ème épisode – GALERIE MAILLARD – FOUILLEUL

Visite virtuelle à la Galerie Maillard-Fouilleul

Retour dans le 9éme arrondissement de Paris pour cette visite virtuelle, avec l’un des lieux les plus précieux qui soient pour l’amateur d’art atteint de collectionnite. On ne saurait trop apprécier le remède que constitue la possession de beaux objets, dans les périodes de privation de liberté. La promiscuité d’un vase, d’une horloge, d’un tableau, qui a traversé les âges a quelque chose de rassurant. Une présence qui semble immuable.

Si l’estampe est un art graphique à mon sens méconnu, il demeure estimé à sa juste valeur par les artistes et poètes de toutes les époques, et offre l’immense privilège de permettre l’acquisition de véritables témoignages artistiques et historiques à des sommes aussi variées que possible. Certes, il existe des épreuves hors de prix, quasiment uniques, mais on peut trouver de véritables bijoux pour un budget accessible aux bourses les plus modestes.

Au milieu du XXème siècle, l’un des très grands marchands et collectionneur, Henri-Marie Petiet, disait à son collègue le non moins renommé Paul Prouté, « Nous sommes les derniers » …Il serait satisfait de constater que notre capitale compte aujourd’hui une petite dizaine de galeries de passionnés, qui ont pris la relève avec talent! On me pardonnera de ne pas toutes les citer ici. (On peut lire la vie de ce personnage emblématique du monde de l’art au XXème siècle dans le livre de Christine Oddo, Henri-Marie Petiet, l’Art et son marchand», Éditions Des Cendres Paris 2017)

La Galerie Maillard-Fouilleul, nichée à l’intérieur du passage Verdeau, entre un sympathique estaminet et une galerie de Dessin, propose sur son site un  large échantillon d’œuvres variées. Spécialiste en outre en Estampes Japonaises, la galerie propose des noms et des époques couvrant tous les goûts et toutes les recherches.

© DR

L’Estampe Japonaise n’est pas si facile à appréhender pour le néophyte. Ces visions colorées, témoins d’une culture qui pour être fascinante peut nous échapper, renferment leur lot de mystères. On peut se contenter du plaisir de converser avec telle ou telle image…mais à un moment, la curiosité risque de s’éveiller, et l’on voudra connaître le nom d’un personnage, le sens de tel Kanji, on souhaitera retrouver les autres images d’un triptyque dispersé…

Invitation Au Voyage

Comme Claude Monet qui collectionnait les bois gravés par les maîtres japonais, on pourrait voyager depuis son salon, en feuilletant ses portefeuilles – l’amateur d’estampe garde souvent ses pages dans des cartons à dessin qu’il ouvre au gré des envies, ce qui lui permet entre autres choses de ne pas souffrir du manque de place…

Partons en voyage en Orient avec une petite sélection d’œuvres japonaises, visibles sur le site:

Www.maillard-estampes.com

© DR                                 Diptyque «Acteurs du kabuki » par Utagawa  Kunisada  (Toyokuni III) (1786-1864)

© DR             Triptyque : « Cadeau de l’empereur aux chefs des armées victorieux après l’écrasement de la révolte de Satsuma »  par :                                                                                                                   Chikanobu TOYOHARA (1838-1912)

Vous pourrez voir en outre sur cette vidéo, quelques planches d’ukiyo-e, présentées lors d’un précédent accrochage.

© DR

FB: Quel type d’amateur d’art rencontrez-vous le plus souvent qui achète ou s’intéresse aux Estampes?

Julie Maillard-Fouilleul: Il existe autant de collectionneurs, ou presque, que d’estampes.

Il y a l’érudit qui pour son propre compte ou dans le but d’une publication cherche une époque, une école particulière voire un artiste (le monomaniaque de cette catégorie) ;

Le dilettante, qui ouvert et curieux de tout s’aventure à collectionner des pièces fort diverses pour le plaisir de la découverte et de ce savoir que je nomme « à tiroirs »;

Celui qui vient de découvrir l’existence même de l’estampe et qui par ce biais se trouve la possibilité de pouvoir acquérir des œuvres d’artistes de renoms, réputés inaccessibles ou tout simplement introuvables; …et tant d’autres…

© DR                                      Une épreuve de CHAGALL « David sauvé par Michal »                                    © DR                       Une épreuve d’artiste De Bernard BUFFET « Le Hibou »

Autant de satellites qui gravitent autour de l’estampe, se rencontrent parfois (sans se télescoper!) et qui chacun à leur manière porte un intérêt, un regard, une affection particulière à leur collection.

FB: Quel conseil donneriez-vous au néophyte?

Julie Maillard-Fouilleul: N’achetez que ce que vous aimez, qui vous intrigue, vous interpelle. Souvenez-vous qu’il existe de merveilleuses estampes à tous les prix mais qu’en revanche une chose est certaine, c’est qu’il n’est de meilleur investissement que celui dont on a le plaisir. Car de cette rencontre avec une œuvre nait souvent le début d’une longue histoire, l’envie d’en savoir davantage, de plonger dans la littérature, fort abondante, pour comprendre, mieux appréhender les techniques, l’artiste ou l’époque… et bien souvent les prémices d’une collection.

© DR                                          Eugène DELACROIX« La Reine tente de consoler Hamlet » D’après Shakespeare.

 

© DR                                                                                VASARELLY « Sphère bleue et rouge »

En effet, la littérature et l’estampe ont toujours été liés, tant par le goût des grands auteurs,  comme Baudelaire, les Goncourt, Goethe, (1), que par les illustrations commandées à tel ou tel artiste pour illustrer un ouvrage. On trouve donc beaucoup de publications sur le sujet, beaucoup d’informations sur les goûts et les modes qui se sont succédés. Bien souvent, la plume est de premier choix, et la lecture aussi plaisante qu’instructive (2).

Mais c’est en ce laissant aller au gré des pages du site de la galerie que l’on pourra déjà pressentir quel sera son goût personnel, selon que l’on sera plutôt attiré par la couleur,  par la sobriété, par l’abstraction ou par la noble patine d’une feuille hors d’âge. Ensuite, l’on pourra chercher à en savoir plus dans des publications, dont une partie est tombée dans le domaine public, et sera donc facile à trouver sur internet. Et si au début, tous les noms ne sembleront pas familiers, on retrouvera bientôt des phares, des meneurs, des artistes qui ont marqués leur Art, et parmi lesquels se trouvera peut être celui qui saura parler à notre âme, comme Meryon pour Baudelaire, qui décrit ainsi l’aquafortiste :

 

© DR                                                                              Charles MERYON « Le petit pont » 1859

 « Il y a quelques années, un homme puissant et singulier, un officier de marine, dit-on, avait commencé une série d’études à l’eau-forte d’après les points de vue les plus pittoresques de Paris. Par l’âpreté, la finesse et la certitude de son dessin, M. Meryon rappelait les vieux et excellents aquafortistes. J’ai rarement vu représenté avec plus de poésie la solennité naturelle d’une ville immense. Les majestés de la pierre accumulée, les clochers montrant du doigt le ciel, les obélisques de l’industrie vomissant contre le firmament leurs coalitions de fumée, les prodigieux échafaudages des monuments en réparation, appliquant sur le corps solide de l’architecture, leur architecture à jour d’une beauté si paradoxale, le ciel tumultueux, chargé de colère et de rancune, la profondeur des perspectives augmentée par la pensée de tous les drames qui y sont contenus, aucun des éléments complexes dont se compose le douloureux et glorieux décor de la civilisation n’était oublié. Si Victor Hugo a vu ces excellentes estampes, il a dû être content ; il a retrouvé, dignement représentée, sa

Morne Isis, couverte d’un voile !

Araignée à l’immense toile,

Où se prennent les nations !

Fontaine d’urnes obsédée !

Mamelle sans cesse inondée,

Où, pour se nourrir de l’idée,

Viennent les générations !

     Ville qu’un orage enveloppe ! »

Alors soyons Baudelaire, soyons Hugo, et retrouvons le chemin des libertés essentielles à l’esprit ;  l’ivresse du poète, c’est à dire notre état d’exigeante curiosité, toujours éveillée, toujours nourrie mais  aussi sans cesse affamée, qui pourtant jamais ne souffre d’insatisfaction ni de frustration, « pour n’être pas les esclaves martyrisés du temps »(3).

Un voyage dans le monde de l’estampe, dans les cartons virtuels de la Galerie Maillard-Fouilleul, vous nourrira assurément, en attendant que les ballades et visites physiques permettent à nouveau de conjuguer la liberté du corps et celle de l’esprit. 

1)    Baudelaire a désespérément tenté de convaincre le graveur Charles Meryon de collaborer avec lui à un recueil illustré de poésies. Edmond De Goncourt fut l’un des premiers à publier une étude sur un maître de  l’estampe Japonaise, Outamaro, en 1891. Quand à Goethe, il collectionnait les œuvres de Jean-Jacques De Boissieu.
2)    Parmi les incontournables, « Le manuel de l’amateur d’estampes des XIXème et XXème siècles » Par Loys Delteil, Les pages de Baudelaire sur Charles Meryon et Joan Barthold Jongkind, dans les « curiosités esthétiques», notamment dans le chapitre  IX, sur le salon de 1859, et dans le chapitre XI, « Peintres et aquafortistes ». On pourra lire aussi « Aux quatre vents de l’estampes » de Jean Emile Bersier, « La gravure de 1880 à nos jours » de Claude Roger-Marx…
3)    « Enivrez-vous », poème de Charles Baudelaire, publié en 1864 dans le Figaro, puis dans les « Petits poèmes en prose »

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