Studio 104, 116 avenue du Président Kennedy, 75016 Paris
samedi 16 novembre 2023, 19h
Pascal Charrier Kami Octet : Workers Une Musique Populaire
Pascal Charrier, guitare
Émilie Lesbros, voix
Leïla Soldevila, contrebasse
Nicolas Pointard, batterie
Paul Wacrenier, piano
Julien Soro, saxophone alto
Jean-Brice Godet, clarinettes
Simon Girard, trombone
Laurent Cugny Tentet : Zeitgeist
Laurent Cugny, piano électrique Fender Rhodes
Pierre De Bethmann, piano électrique Fender Rhodes
Laurent Coulondre, orgue Hammond B3
Manu Godjia, guitare
Stéphane Huchard, batterie
Antoine Paganotti, batterie
Jérôme Regard, contrebasse
Quentin Ghomari ,trompette
Martin Guerpin, saxophone soprano
Stéphane Guillaume, clarinette basse,
La France a une grande tradition de grands orchestres de jazz. La fédération Grands Formats fêtait ses 20 ans d’existence. Sur scène, au Studio 104, deux formations, celle du guitariste/compositeur/ arrangeur Pascal Charrier et du pianiste/compositeur/arrangeur Laurent Cugny.
Donc en première partie, de la musique conceptuelle, improvisée, inspirée par les luttes ouvrières. Bon ce qu’on nomme jazz est, à l’origine, une musique de révolte. Pascal Charrier est un excellent guitariste et sait très bien s’entourer pour exprimer ce qu’il ressent face à un monde qui l’entoure. Dans ses jeunes années, il travailla comme ouvrier agricole et manœuvre de maçonnerie pour financer ses études, et découvrit les conditions de vie d’ouvriers immigrés parfois loin de leurs familles. Au studio, devant un public nombreux et attentif, il s’est inspiré de son dernier album Workers.
Il s’en est expliqué : « ..avec Kami Octet, j’ai souhaité rendre hommage à celles et ceux qui ,comme le disait Duke Ellington, hier comme aujourd’hui, ont et ont eu le courage de se dresser contre l’oppression perpétrée par les maîtres ». Ses compositions sont très construites et toujours en rapport avec un récit, ainsi le morceau La Mémoire des Vaincus est un hommage à l’écrivain Michel Ragon, qui a écrit une œuvre romanesque et en particulier de la littérature prolétarienne. Le concert s’est quand même terminé par un morceau Espoir. Tout n’est pas perdu ? Son concert demandait beaucoup d’attention mais était très intéressant avec quelques beaux moments d’improvisation (le saxo et le trombone en duo par exemple). Quant à Pascal Charrier c’est un superbe guitariste, très habité, et qui a beaucoup de choses à exprimer.
Avec Laurent Cugny Tentet et Zeitgeist (L’esprit du temps), on était dans un tout autre univers, celui des années 60-70. Disciple de Gil Evans son groupe est inspiré par la musique électrique de Miles Davis. Il a réuni des musiciens de haut vol avec une combinaison assez inhabituelle : deux batteries – magnifique duo entre Stéphane Huchard, et Antoine Paganotti – deux pianos électriques Fender Rhodes dont un tenu par Pierre De Bethmann qui a fait des étincelles pendant le concert, un orgue Hammond joué par Laurent Coulondre époustouflant qui souleva un enthousiasme mérité de la part du public. L’ambiance était très électrique avec des morceaux de Neil Young, des Beatles, de Stephen Stills, de Miles Davis et bien sûr de Joe Zawinul. Le résultat était captivant dans une ambiance d’hier qui tient toujours la route grâce aux arrangements de ce grand musicien qu’est Laurent Cugny. Les solos de Quentin Ghomari, loin de Miles, Martin Guerpin, pas très loin de Coltrane avec cet instrument qu’il appréciait tant, et de ceux de Stéphane Guillaume à la clarinette basse que Dolphy avait mis au goût du jour étaient magnifiques.
Comme il se doit, lorsqu’on parle orchestre, le concert ne pouvait pas se terminer autrement que par un magnifique hommage à Duke Ellington avec le morceau peut-être le plus connu du Duke écrit avec Barney Bigard et enregistré la première fois en 1930 : Mood Indigo. Duke raconte : « C’est l’histoire d’une petite fille et d’un petit garçon. Ils ont environ huit ans et la petite fille est amoureuse du petit garçon. Ils n’en parlent jamais bien sûr mais elle aime la façon dont il porte son chapeau. Chaque jour il passe devant chez elle, à la même heure, et elle s’assoit à la fenêtre pour l’attendre. Puis un jour il ne vient pas. Mood Indigo raconte seulement ce qu’elle ressent. ». C’est avec ce chef d’œuvre que s’est terminé cet excellent concert avec quand même, enfin dirons-nous, un solo de Jérôme Regard, une belle vision de ce qu’est un orchestre !