Galerie Claire Corcia
323 Rue Saint-Martin, 75003 Paris
du 6 juin au 11 juillet 2019
Galerie Christian Berst
3-5 Passage des Gravilliers, 75003 Paris
du 6 juin au 13 juillet 2019
A l’heure où l’art brut a le vent en poupe, intéressons nous à deux galeries parisiennes de premier ordre en le domaine des « marges artistiques » : Claire Corcia (sur qui nous écrivions déjà) et Christian Berst.
Les deux galeries vernissaient le même soir, partagent une même esthétique mais se distinguent aussi formellement.
Nous disons que l’art brut est couru ces temps-ci car on voit les ventes à Drouot, les expositions consacrées à la Halle Saint-Pierre, les articles sur le sujet se multiplier (n’est-ce pas) et rencontrer un succès qui ne se dément pas.
Mais encore faut-il se mettre d’accord sur la définition de l’art brut, dont les subtilités entre « outsider art », art cru, art naïf, etc., appartiennent aux experts. On y voit un reflet du succès de la notion inventée par Dubuffet dans les années 50 et cette prolifération sémantique, synonyme de rencontres avec un public curieux, passionné sinon maniaque des catégories.
A cet égard, les deux galeries à l’honneur ont choisi des positions propres.
Madame Claire Corcia, située à proximité des Grands boulevards, offre sur deux étages, une sélection d’artistes contemporains de son cru.
On est accueilli par l’expressionnisme frénétique de Julien Wolf. Ses peintures sont des bacchanales, un Parnasse dionysiaque où les couleurs primaires traduisent des scènes de liesse et où des créatures se fondent dans un manège sauvage. Souvent en grand format, on plonge dans la fureur créatrice de Julien Wolf comme dans une mêlée, dans un cortège bouillonnant.
Ses petits formats ne sont pas en reste et témoignent d’un trait vif, porté à ébullition.
Au sous-sol, une petite salle à droite est occupée par les œuvres de Emmanuelle Messika. Ses peintures abstraites ont un aspect minéral et cellulaire tout à la fois. Ce sont autant de feux allumés par l’artifice d’une artiste hautement talentueuse. Emmanuelle Messika parvient à éveiller des sentiments chez le regardeur par et pour des formes mystérieuses, en lévitation et évoluant par séries modulaires.
Emmanuelle Messika
Dans la plus grande salle de cette caverne platonicienne, on rejoint un art toujours aussi lumineux, perpétué par Daniel Erban dont les œuvres ablaq, bichromes, dégagent une sensualité énergique que le voisinage de Parmis Sayous et de Anick Langelier pourrait calmer, rasséréner.
Anick Langelier
En effet, entre ces artistes choisis émane une gradation dans l’intensité picturale. Chacun traduit un monde intime, une mythologie personnelle dans un savant équilibre de forces parfois antagonistes, contradictoires. Ces scènes charnelles au bord de l’effondrement, des engueulades carnassières saturées débordent l’espace de la toile.
Parmis Sayous
Cette cuisine infernale suggère la mosaïque humaine du quartier de Manhattan qui inspira tant de musiciens et la culture populaire.
Cependant au seuil de la satiété, l’envie gourmande d’en voir toujours davantage guide un appétit encore vorace et se prolonge jusqu’aux Gravilliers du IIIe arrondissement, où se situe la galerie de Christian Berst.
Sans doute faut-il être déjà quelque peu initié pour oser franchir les grilles de ce passage presque secret et rejoindre l’exposition Ordo Ab Chao. Deux artistes s’y côtoient aux murs : Anibal Brizuela et Ricardo Cunningham.
Anibal Brizuela
Ce sont encore des créatures primitives qui habitent ces œuvres. Dessinées au stylo Bic, outil très populaire, les couleurs permises sont limitées et s’organisent autour d’une géométrie sacrée. Les symboles ésotériques invitent à y voir autant de talismans où l’écriture,, les lettres, sont des idiogrammes magiques. Leurs formes ouvrent seules des mondes nouveaux la calligraphie de l’artiste formule une incantation.
Ricardo Cunningham
Les vides finalement laissés sont pourtant spirituellement remplis d’une poésie construite d’après une métaphysique mystérieuse et l’on se plait à tenter de déchiffrer ces ex voto contemporai