12 rue Cortot 75018 Paris
Jusqu’au 14 septembre 2025 C’est dans ce sympathique lieu qui est devenu célèbre par la présence de nombreux artiste qui l’ont habité (Valadon, Renoir, Utrillo…) qu’une exposition sur Maximilien Luce se tient encore pour une petite semaine. Elle se nomme Maximilien Luce l’instinct du paysage. Maximilien Luce, vécut à quelques pas de là, entre 1887 et 1899, au n° 6 puis au n° 16 de cette même rue. Il immortalisa ce coin verdoyant de Montmartre. Il captura aussi des moments marquants de l’histoire de Montmartre : la Commune, les grands chantiers d’urbanisation et les luttes sociales qui ont fait vibrer le cœur de la Butte. Par son art et par son engagement anarchiste, il donna à voir et à ressentir une époque en mutation, un monde en mouvement. De ses confrères, Luce se distingue par sa capacité singulière à saisir toutes les nuances de la lumière : celle, incandescente et inquiétante, des aciéries aux flots de feu ; celle, silencieuse et lunaire, des ports ; celle, douce et apaisée, des fleuves et des campagnes verdoyantes ; celle, solaire et bruyante, des rues animées, des chantiers et des ouvriers au travail. Son nom Luce l’aurait-il prédestiné à cette consécration à la lumière ? Fidèle à ses convictions, il s’affranchit de la stricte théorie du divisionnisme, et dans ses toiles, l’énergie du point laisse place peu à peu à une touche plus douce, empreinte d’une profonde humanité. Dans ces éclats de lumière et de couleurs s’exprime une sensibilité unique, qui dévoile une étonnante beauté du monde. Apprenti graveur chez Henri-Théophile Hildibrand et Eugène Froment, il intègre les cours de peinture de l’Académie Suisse, puis l’atelier de Carolus-Duran. En 1875, il présente deux toiles au salon officiel. Refusé, il prend la décision audacieuse de participer à l’Exposition libre des œuvres d’art refusées : il n’a que 17 ans et fait déjà le choix de la liberté artistique contre les institutions officielles. Son indépendance d’esprit amène Luce à intégrer les groupes anarchistes et à rejoindre les avant-gardes.
Conquis par les œuvres de Georges Seurat, il expose en 1887 sept toiles et se fait remarquer par Camille Pissarro. Paul Signac lui achète immédiatement La Toilette. C’est le début de l’aventure néo-impressionniste et de fidèles amitiés artistiques. Luce deviendra vice-président des Indépendants aux côtés de son président Signac, puis prendra sa relève en 1935. Montmartre rime avec l’émancipation de sa famille et de ses maîtres. Luce illustre son nouveau quotidien : sa compagne Ambroisine et ses fils nés en 1894 et 1896. Au sommet de la Butte, Luce prend de l’assurance. Sous l’influence de ses aînés impressionnistes et avec la découverte de la technique divisionniste, il abandonne les teintes ocres et sombres de ses débuts. Depuis Montmartre, il n’aura de cesse de s’aventurer toujours davantage dans les artères et sur les quais parisiens. L’élan artistique de Luce est brièvement interrompu par son incarcération en 1894. Après une vague d’attentats anarchistes qui culmine avec l’assassinat du président Sadi Carnot le 24 juin, la police opère un grand coup de fil et sur les intellectuels, militants et artistes ayant des accointances avec le milieu anarchiste. Luce, qui fournit depuis 1887 des illustrations pour le magazine La Révolte (qui deviendra Les Temps Nouveaux), ainsi que pour Le Père Peinard, est arrêté le 6 juillet.
Il est enfermé dans la prison Mazas, près de la gare de Lyon. Que peindre, isolé pendant 42 jours entre quatre murs ? Quel paysage rêver derrière les barreaux ? Luce se met rapidement à dessiner les quelques espaces qu’il peut occuper, les corridors, sa cellule et le promenoir, ainsi que la silhouette de son compère Félix Fénéon. Acquitté, il publie à sa libération l’album Mazas illustrant le texte de Jules Vallès.
Luce est parisien depuis trois générations. Il déménage de nombreuses fois dans la capitale mais son atelier au 102, rue Boileau reste une adresse permanente de 1900 à sa mort en 1941. Paris est le sujet principal de son œuvre. Tout au long de la Troisième République, Luce a couvert Paris dans sa géographie physique et sociale. À l’aube du XXème siècle, il suit les travaux haussmanniens qui s’achèvent et changent le visage de certains quartiers tandis que la ville grandit en souterrain avec la construction du métropolitain. Luce devient alors le peintre de la ville en chantier.
En 1888, il découvre la Normandie : il se rend à Eragny chez les Pissarro, ou encore à Saint-Laurent chez Angrand. Ces paysages de campagne retiennent aussi son attention dans la région de la Cure, en Bourgogne.
Luce pousse ses pérégrinations jusqu’au littoral : Dieppe, Le Tréport et Honfleur. Il découvre la Bretagne puis il a l’opportunité d’explorer la côte méditerranéenne grâce à son ami Paul Signac.
Au début du XXème siècle, les paysages méditerranéens imprègnent sa production d’arts décoratifs. Ses pinceaux s’agitent également à l’étranger. Les expositions collectives auxquelles il participe très tôt l’amènent à Bruxelles. Il découvre Charleroi, le dépaysement est total. Pourtant lui-même ouvrier graveur, familier des faubourgs industriels d’Île-de-France, il est bouleversé par cet environnement lunaire. Quel défi de peindre ce paysage hostile, dominé par des terrils gigantesques et des cheminées. Luce peindra sans relâche la région. Il effectue un premier séjour à Londres en 1877 avec le graveur Eugène Froment ; il y retourne invité par Camille Pissarro, pour le consoler un chagrin d’amour. La Tamise en est le sujet principal et il transcrit brillamment le typique brouillard. En 1907 il parcourt pendant deux mois les Pays-Bas.
C’est encore près de l’eau, le long de la Meuse et dans les ports, qu’il trouve son inspiration. Il y reconnaît l’ atmosphère très particulière qu’il admire chez les maîtres hollandais. En 1917, il découvre le village de Rolleboise, dans les Yvelines. La tranquillité du hameau lui plaît, ainsi que sa situation géographique incroyable. En 1922, il acquiert une maison, perchée sur le coteau calcaire, au pied de l’église, qui offre une vue panoramique sur les boucles de la Seine.
Luce suit alors les pas du maître Jean-Baptiste Camille Corot, qui a peint près de 70 toiles dans les environs de Mantes et à Rolleboise. À sa mort en 1941, il est célébré comme le dernier impressionniste et un grand paysagiste ayant marqué la peinture de son temps.
Il vous reste peu de temps pour admirer les toiles de Luce !