Maison de la Radio, Festival Présences
Du 7 au 9 février 2020
A raison de 4 à 5 œuvres par concert, donc au total pour ces trois jours, 26 compositions, des créations françaises, mondiales, et quelques unes de compositeurs reconnus et bien sûr de George Benjamin. Comme pour le vin on peut dire que le crû 2020 pour l’instant est bon, attendons la suite pour savoir si c’est un bon millésime !
L’ouverture était pourtant pas de très bon augure au niveau des créations ; un peu mou comme départ ; la Toccata de Claire-Mélanie Sinnhubert interprétée par Vanessa Benelli Mosell – un concert, une tenue, quelle garde robe elle doit avoir – était sympathique ; bon un Festival doit se chauffer, une soirée pour petits fours et happyfew.
Samedi deux concerts, huit œuvres qui s’enchaînent, pas le temps de souffler, de les analyser calmement, une sorte de marathon musical. L’excellent Quatuor Diotima est à la manœuvre, et les compositions proposées sont complexes. Quatuor à cordes, une création française de Tom Coult, jeune trentenaire, ouvrait le bal. Souvent trafiquées, les cordes, ici celles du second violon étaient diminuées d’un demi-ton et celles de l’alto d’un ton, offraient une palette sonore plus large. Une sorte de match amical s’installa entre un violoncelle aux accents plus mélodiques face à un trio explorant divers timbres et harmoniques. Une belle œuvre totalement maîtrisée au niveau de la composition. Tom Coult, malgré son jeune âge, est un artiste déjà très apprécié outre-Manche et possède un impressionnant cv. Il a été élève de George Benjamin, d’où sa présence à Présences. Imagination, créativité, étaient vraiment au rendez-vous. A peine terminé le fabuleux Quatuor Diotima enchaînait un Quatuor d’Oscar Bianchi, longue trop longue commande de Radio France, puis Sogni, ombre et fumi, de Tristan Murail, impeccablement composée d’une richesse structurelle imposante mais 30 minutes vraiment aussi trop longue un tantinet égocentrique.
Selene (Moon Chariot Rituals) d’Augusta Read-Thomas, une création française, démontrait l’inadéquation entre les cordes de Diotima et les percussions. Ces dernières auraient-elles largement suffit à raconter ce mythe grec ? Ce mythe était-il vraiment présent dans l’écriture ? La réponse n’était pas vraiment sur le plateau de l’auditorium.
A peine finie Présences continuait au studio 104. Là attendaient, des éléments de la Chorale de Radio France et des électroacousticiens. Pas la grande forme la Chorale, peut-être sous le choc de leur décapitation en 2021 ? Un des chanteurs est venu le rappeler. On ne pouvait pas l’oublier lorsque les chanteuses ont entamé The Moth Requiem, une création française d’Harrison Birtwistle. Le Chœur ici sous la direction de Martina Batič nous avait plus enflammé dans Lux Aeterna de Ligeti l’année dernière en hommage au cinéma de Kubrick.
Il y a eu deux moments magiques au 104. Une commande de Radio France à Sasha J.Blondeau, très jeune compositeur : Urphänomen II.B.B pour piano et électronique. Le pianiste Philippe Hattat, interprète de l’œuvre, accompagné par une spécialisation électronique : il déchirait au piano! Comme dit cette génération. C’était un grand moment qui a enthousiasmé le public. L’autre moment, tout aussi jubilatoire, a été la Fanfare Chimérique d’Unsuk Chin, une création mondiale, où comment organiser très sérieusement une cacophonie avec des vents et des bois. Les élèves du Conservatoire de Paris étaient excellents dans cette œuvre de cette Sud-Coréenne dont les compostions diverses et nombreuses sont interprétées dans le monde entier. Voilà un Festival bien parti !
Le dimanche 9, Pierre Charvet a présenté le programme de l’après midi tout en soutenant, à la Roger Couderc, l’équipe de France qui jouait au même moment contre l’Italie pour le tournoi des six Nations. Et comme l’équipe de France, 35-22, il a marqué de superbes essais avec une commande faite à l’organiste Thomas Lacôte – La voix plus loin pour 2 cors et orgue – qui mit ensemble des timbres inouïs que seul l’orgue peut faire entendre et des sons des deux cors perchés dans les hauteurs de l’auditorium à deux pas des tuyaux,
Puis au 104 avec le Trio Catch qui a interprété deux autres commandes magnifiques: celle de Dai Fujikura – Hop pour clarinette, violoncelle et piano – aux influences flagrantes de Benjamin et de Boulez avec qui il a étudiés, et celle de Lisa Illean, jeune artiste suédoise, Février, œuvre toute en finesse, en douceur qui a conquis le public très à l ‘écoute de ces compositions proposées. Le concert s’est terminé, avec Sanh une brillante composition de ce prodige qu’était Christophe Bertrand disparu à 19 ans …
Mais l’après midi n’était pas terminée, loin sans faut, car deux autres commandes nous attendaient, à l’Auditorium. Une, étonnante, pour deux flûtes et deux clarinettes basse, Two and Six de Christopher Trapani, américain de 40 ans, élève entre autres de Tristan Murail. Dans une mise en scène assez étonnante, la partition était installée sur plusieurs pupitres le long de la scène et les quatre musiciens se déplaçaient au fur et à mesure de la continuité de l’œuvre sans être obligés de tourner les pages. Œuvre qui pouvait être jouée dans un sens comme dans un autre. Couleurs des deux flûtes en duo, puis des deux clarinettes basses en sens contraire, puis les quatre se mélangeant pour terminer dans un léger silence. Ce silence étonnement présent dans ce Festival. « Ô Musique délivrée du temps, silence en marche dans l’infini cortège des miroirs » aurai dit le poète Frédéric Jacques Temple.
L’autre commande était [RE]cycle pour ensemble de David Hudry. Furieusement convaincante cette composition, très structurée, comme une toile abstraite, intelligente, ouverte sur des propositions infinis était interprétée magistralement par le London Sinfonietta dirigé d’une main de fer, d’une précision chirurgicale, par Christian Karlsen. Toutes les intentions, les couleurs, les harmonies proposées par Hudry étaient clairement mises en avant par ce jeune chef d’orchestre. Comme l’équipe de France, Pierre Charvet venait de marquer en peu de temps de nombreux essais au cours de ce début du festival ! Allez le petit, il vous reste encore de nombreuses soirées en perspective pour le grand chelem ! Doit-on rappeler que la France a battu pour une fois au rugby l’Angleterre, pas cool pour George Benjamin….ahahaha
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