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lundi 1 avril 2024, 20h
Pour le lancement de l’album Prokofiev du pianiste Nikita Mndoyants, APARTÉ lui a organisé un concert dans cette magnifique salle (Prokofiev Aparté AP 329). Le faire un premier avril, non ce n’était pas un poisson d’avril, le récital avait bien lieu et le public était bien venu et a été complétement subjugué par les qualités artistiques de ce jeune pianiste de 35 ans. Il a été formé en Russie et on entend dans son jeu cette fabrique infernale des pianistes dans les conservatoires de Moscou.
Mais ce soir nous ne pouvions pas l’écouter sans penser à ce qu’il a osé faire depuis l’invasion par son pays en Ukraine et le risque qu’il a pris à se réfugier en France et laisser tomber ses cours au conservatoire de Moscou – Il y a quinze jours le pianiste russe Irakli Avaliani avait dédicacé la Sonate pour piano n°6, op.82 de Prokofiev à Alexeï Navalny! Voir article sur le site du 18 mars – Faire ce récital était pour Mndoyants sûrement vital mais c’était aussi une manière de continuer à défendre la musique russe. Jouer Prokofiev et ces deux sonates n’est sûrement pas innocent. On connait les problèmes qu’a eu ce compositeur avec le régime !
Nikita Mndoyants a commencé par la sonate n°4 en ut mineur op.29 (1917). Son aspect sombre est peut-être lié à la première guerre mondiale ou du fait d’un suicide d’un ami proche. Mndoyants est tout de suite dans sa musique et sait faire chanter sous ses doigts et avec une technique hors pair les sonorités graves, les fulgurances, le lyrisme, la puissance de cette curieuse œuvre et terminer avec un Allegro hallucinant. Prokofiev l’a interprétée juste quelques semaines avant son exil aux États Unis … il y a comme cela de curieuses similitudes. Le feu d’artifice du concert ce fut à la fin avec la sonate n°8 en si bémol majeur op.84. Vingt ans séparent ces deux sonates; elle a été composée entre 1939 et 1944 c’est une des sonates dites de guerre et cela se sent . Si elle commence sous des doigts caressants, cela ne dure guère, Prokofiev n’est pas un romantique et sait être cassant. Mndoyants est ici comme on dit vulgairement dans son jus ! Sa virtuosité est impressionnante et on devine vite qu’il connait bien son Prokofiev. Il passe de langueurs mystérieuses à un Vivace pris à un train d’enfer. Alors, il devient démoniaque et nous entraîne dans une course folle, droit vers le précipice ! Quelle claque ! On avait qu’une envie en sortant d’acheter tout de suite son disque pour réentendre ce Prokofiev made in Nikita Mndoyants (on ne sait pas écrire made in en cyrillique) ! Entre ces deux grands moments, on passera sur l’Impromptu D935 n°3 en si bémol majeur de Schubert, il sait le jouer, on écoutera avec politesse son Nocturne pour piano qu’il a composé en 2019 – nous ne connaissons pas sa production, alors il est difficile d’avoir une véritable opinion – Par contre nous sommes très enthousiastes sur l’arrangement qu’il a fait du Scherzo Allegro Marcato, de la Symphonie n°5 op.100 de Serguei Prokofiev. C’est avec une belle énergie qu’il a composé cette conception et qu’il l’a brillamment interprétée. Il est aussi dans le cd. Oui Nikita Mndoyants est un magicien du piano et on lui souhaite une encore bien longue carrière…en démocratie…ou ailleurs ! La musique n’a pas de frontière paraît-il, seuls ses interprètes ou ses compositeurs sont souvent en danger !