UA-159350346-1

« SALLE GAVEAU» : JEAN-NICOLAS DIATKINE

45 Rue la Boétie, 75008 Paris

Paris 2 juin 2022

Franz Liszt :

Transcriptions de lieder de Franz Schubert :

Auf dem Wasser zu singen (À11 chanter sur l’eau, poème de Stollberg) D.774

Gretchen am Spinnrade (Marguerite au rouet, Goethe) D.118

Rastlose Liebe (Amour sans repos, Goethe) D.138

Ave Maria (Walter Scott)D.839

Erlkôning (Le Roi des Aulnes, Goethe) op.1 D.328

Liebesbotschaft (Message d’Amour, Rellstab), extrait du Chant du Cygne D.957

Ständchen (Sérénade, Rellstab), extrait du Chant du Cygne D.957

Der Atlas (Heine) ), extrait du Chant du Cygne D.957

Der Doppelgänger (Le Double, Heine) ), extrait du Chant du Cygne D.957

Transcriptions d’extraits d’opéras de Richard Wagner

Isolesliebestod (La mort d’amour d’Isolde) scène finale de Tristan et Isolde

Le Rêve d’Elsa extrait Lohengrin

Le Chœur des Pélerins, extrait de Tannhäuser

Marche solennelle vers le Saint-Graal, extraite de Parsifal

La Ballade n°2 en si mineur

Jean-Nicolas Diatkine, piano

Comme chaque année, Jean-Nicolas Diatkine se produit à la salle Gaveau, cette salle qui se prête si bien à l’écoute du piano. C’est un pianiste que l’on apprécie (voir les comptes rendus du 6/4/2019, du 18/6/2021 et l’entretien du 20/04/2021). Il a consacré son récital, pour le lancement de son dernier disque,  à des transcriptions de Schubert et de Wagner composées par Liszt. Ce géant du piano, familier des virtuosités les plus démesurées a réussi le défi de faire entrer dans son instrument les univers si opposés de ces deux compositeurs. En interprétant les transcriptions de Lieder de Schubert, Jean-Nicolas Diatkine n’oublie pas qu’il a été accompagnateur de chanteurs et qu’il connaît parfaitement les nuances et les subtilités du chant.  Il sait envelopper dans le velours ces mélodies de Schubert. Avec lui le son est aussi important que la note ; il se libère de toutes les tensions extérieures, se fond dans la fluidité du compositeur. Sa palette s’étale de La Chevauchée du Roi des Aulnes chère à Goethe, à la douceur de l’Ave Maria, de la Sérénade, des extraits du Chant du Cygne, chant tragique du mythe d’Apollon, probablement une des dernières œuvres de Schubert, mort à trente et un ans.

Puis Jean-Nicolas Diatkine interprète la Ballade  n°2 de Franz Liszt (on l’avait déjà entendue dans un de ses précédents récitals). Cette pièce inspirée du mythe de Hero et Léandre commence par une série d’arabesques chromatiques censées représenter la mer où nage Léandre qui tente de rejoindre Héro, prêtresse d’Aphrodite. Après Schubert, le contraste est violent. Liszt fait une entrée tonitruante, il est bien là avec sa virtuosité débordante et le pianiste peut s’abandonner brillamment à ces flots de notes en triolets qui demandent une rare précision du toucher avant de revenir au calme contemplatif et triste de la ballade. Les deux amoureux du poème de Schiller sont morts d’amour. Avec Wagner, changement d’univers, les transcriptions d’opéra renvoient à des tubes joués et rejoués mais rarement au piano. Comme l’écrit Jean-Nicolas Diatkine : « … l’objet des transcriptions était de faire connaître à un large public des œuvres orchestrales à une époque où l’accès du grand public aux concerts symphoniques était très limité ». Liszt fait entrer la démesure de l’orchestre dans le piano, il faut déclamer comme au théâtre ou mieux à l’opéra. Les œuvres de Wagner sont un parfait support à cette profusion. Liszt s’est attaqué à tous les classiques du maître de Bayreuth, de Parsifal à Lohengrin, en passant par Le cœur des pèlerins de Tannhäuser et la célèbre mort d’Isolde de Tristan et Isolde (il l’avait mise au programme d’un de ses récitals). Très respectueux de l’œuvre originale, il s’ingénie à reproduire au piano les effets de l’orchestre, grâce aux croisements de main et à l’enchevêtrement des thèmes. Il réussit à faire cohabiter jusqu’à cinq voix simultanées. Ces transcriptions qui sonnent comme un rappel d’airs archiconnus sont riches d’harmonies et font se succéder des moments d’un grand lyrisme à d’autres où la virtuosité l’emporte. On croit entendre le piano souffrir lorsqu’on attaque ses basses. Heureusement Jean-Nicolas Diatkine maîtrise la situation et son Wagner se chante comme au spectacle avec la même solennité et le même tempo, un peu lent, qui force à apprécier autant les silences que les forte. Jean-Nicolas Diatkine achève le concert avec en bis, l’impromptu D899 en fa mineur de Schubert le plus ravissant des impromptus et La Cathédrale Engloutie de Debussy.  Superbe conclusion d’un concert de belle tenue, au programme rare.

On peut retrouver ce concert dans l’excellent disque produit et distribué par Solo Musica (SM 399). Laurent Bessières, accordeur de pianos à la Philharmonie de Paris, a proposé pour cet enregistrement un piano à queue Schiedmayer de 1916 de Stuttgart, qu’il a construit en collaboration avec Antoine Letessier-Salmon, directeur du Centre national de la recherche scientifique, et Stephen Paulello, facteur de pianos et inventeur des cordes qui portent son nom. Cet instrument n’a presque jamais été utilisé en concert et l’excellent travail de Laurent Bessières a convaincu de l’essayer pour ce répertoire si particulier et il a eu bien raison ! L’an prochain, nous serons à la salle Gaveau pour écouter avec autant de plaisir le nouveau récital de Jean-Nicolas Diatkine.

Articles similaires

Laisser un commentaire