Scuola Grande Di San Rocco, à Venise, 26, 27 et 28 avril
Ludwig Van Beethoven :
- Sonate en sol mineur opus 49 numéro 1,
- Sonate en sol majeur opus 49 numéro 2,
- Sonate en ré majeur opus 28 « La Pastorale »
Letizia Micheleon, piano forte
C’est dans le cadre majestueux de la Scuola Grande Di San Rocco, à Venise, qu’ont eut lieu les 26, 27 et 28 avril dernier, une série de conférences et de concerts du « Projetto Beethoven 2020 ». Ce projet, initié en partenariat avec la fondation Vittorio Cini, et l’università popolare di Venezia , entre autres, a pour but de présenter l’intégralité des sonates pour piano de Beethoven, à l’occasion du deux cent cinquantième anniversaire de la naissance du grand Ludwig.
Ce Samedi, après un hommage à une personnalité vénitienne et une intéressante conférence proposée par Oreste Bossini et Lucio Cortella, nous avons eut le plaisir d’entendre Letizia Micheleon au piano forte interpréter la sonate en sol mineur opus 49 numéro 1, la sonate en sol majeur opus 49 numéro 2, et celle en ré majeur opus 28, plus connue sous le nom de pastorale.
Il serait possible maintenant de décortiquer le jeu de la virtuose, de questionner tel ou tel choix d’interprétation et de se placer sur un plan purement musicologique pour analyser cette fin d’après midi musicale, mais ce serait passer à coté du plus important.
Combien de superbes concerts ont été donnés dans des salles sans âme, à l’acoustique aussi parfaite que chirurgicale. L’émotion y est souvent atténuée par la neutralité aseptisée, par la modernité fonctionnelle, par l’absence de poésie qui se dégage de ces monuments funèbres. Combien de jazzmen ont vus leur créativité décuplée dans tel ou tel petit club au piano parfois médiocre, combien d’auditeurs y ont été charmés par l’atmosphère de ces petits lieux de communion musicale, où chaque chaise a une histoire à raconter. A l’inverse, et malgré la fulgurance de certains virtuoses, combien de grands concerts donnés dans des salles « parfaites » et qui nous ont quand même ravis, ne nous ont laissé qu’un pâle souvenir, qu’une image incomplète qui s’estompe avec le temps. Bien sur, le lieu ne fait pas tout, et il faut avant tout une musique digne d’être jouée et correctement défendue. Mais il manque trop souvent ce supplément d’âme qui rend un moment inoubliable.
Ecouter Beethoven sous le plafond de la Scuola Grande Di San Rocco, dévisagé par les œuvres puissantes du Tintoret, qui magnifient l’espace depuis les murs jusqu’au plafond, a quelque chose de sublime.
Et on ne peut s’empêcher de regretter les choix qui sont faits dans notre beau Paris, qui nous forcent à supporter les gesticulations d’idéologues de la culture, gesticulations dont une des conséquences est de déplacer les œuvres classiques et anciennes dans des salles contemporaines, comme le monstre de la Bastille, et de souiller les lieux magiques en imposant des mises en scènes ou des programmes en complète dissonance avec le cadre qui les accueille.
La dissonance, en art, si elle apporte une tension propre à intensifier l’œuvre qui l’héberge, a vocation à être résolue, pour éviter de casser. C’est donc bien une entreprise de démolition qui pousse les politiques publiques de la culture à privilégier ce perpétuel mariage contre nature dans notre pays.
Pas de rave party dans les jardins du château de Versailles, pas de Beethoven dans les gares et les aéroports !
Pour conclure, je vous invite à redécouvrir ces sonates, que beaucoup connaissent déjà fort bien, dans une atmosphère propice, pour retrouver la part d’émotion qui, parfois, disparaît derrière les masques du commerce et de la consommation.