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« VIVE LA COVID »:VOYAGES, VOYAGES, DE NUIT, EN MUSIQUES!

  VOYAGES en CD

Fini les concerts où l’on nous propose que du Beethoven, – celui à la Philharmonie le 6 octobre avec Les Dissonances et David Grimal au violon était quand même exceptionnel – les concertos de Rachmaninov, les Brahms, les Tchaïkovski et autres scies musicales ! Grâce à la pandémie vous allez rester chez vous et enfin découvrir – on espère vous les faire repérer – d’autres musiques, d’autres interprètes en conserve qui ne sont que très rarement programmés ou même jamais. Ces CD ne sont pas produits par les grosses compagnies. Compliqué aujourd’hui d’aller faire un tour en Italie. Le sud veut faire sécession et empêcher les nordistes ou tous autres étrangers d’apporter leur saloperie (à quand un badge pour dire que l’on est infecté !).

Alors de chez vous si vous voulez faire un tour en musique, à Venise par exemple, et bien écoutez les 12 Concerti opus 3 L’Estro Armonico d’Antonio Vivaldi – Reddress 34-011906 (distribution SonyMusic). Ce nouveau label baroque Reddress et l’ensemble Armoniosa présentent une version tirée du manuscrit original des 12 Concertos. Le claveciniste Michele Barchi est parti des transcriptions originales pour claviers (clavecin ou orgue). L’ensemble Armoniosa (un violon, un violoncelle piccolo à 5 cordes, un violoncelle, un orgue et un clavecin) suit scrupuleusement cette partition pour réaliser le tutti orchestral imaginé par Vivaldi. Cette formation, fondée en 2012, offre une version très différente de celles que l’on connaît (Biondi, Hogwood, Pinnock, Solisti Italiani, Ottavio Dantone…), qui ont des effectifs plus larges. Est-ce cela qu’entendait Vivaldi ? Il se peut que les orchestres avaient moins de musicien. Cette réduction réalisée par Michele Barchi, superbe claveciniste, apporte une vitalité, des couleurs plus subtiles, c’est une version très habitées. L’enregistrement possède une clarté dans le son qui est remarquable. Une version à mettre à coté de celles citées qui ont toutes eu leur heure de gloire. Une mention spéciale à Daniele Ferretti à l’orgue. Michele Barchi a aussi enregistré pour ce nouveau label Les Variations Goldberg.

Pour rester en Italie écoutons cette magnifique pianiste au nom évocateur Pina Napolitano. Entre deux sonates de Beethoven la 31 et 32, elle offre du Carter et du Jeffrey Minford dans un cd produit par Odradek – Tempo e Tempi ODRCD378 – Le titre ne s’invente pas ! Dès son premier CD, cette pianiste italienne, née à Caserta près de Naples, là où il y a un des plus beaux Palais Royal (voir article sur ce Palais sur le site) a fait sensation au début de 2012 avec son enregistrement des œuvres complètes pour piano d’Arnold Schönberg. La presse l’a qualifié de tout simplement extraordinaire. Dans Tempo e Tempi, on est aussi dans l’intelligence, l’élégance dans le jeu et dans une subtile compréhension des partitions – Pina Napolitano a été l’élève de d’Arturo Benedetti Michelangeli !– Elle considère cette musique dite intellectuelle chargée d’émotion et très expressive. Cinque stelle !

Ne quittons pas l’Italie, voilà un autre voyage extraordinaire à faire de son chez- soi barricadé à 21h ! Comme l’avait fait Liszt en son temps, faites un pèlerinage dans ce pays qui souffre de cette pandémie et que nous n’avions pas prise au sérieux à l’époque…Michèle Campanella propose Les Années de Pèlerinage de Franz Liszt. Il est produit aussi chez Odradeck ODRCD391. Michele Campanella est un immense pianiste italien, lui aussi Napolitain, et grand spécialiste de Liszt. Il a attendu d’avoir 70 ans pour les enregistrer avec un Steinway de 1892. Ce coffret de trois CD est une référence. Extrêmement dense, avec des difficultés d’exécutions nombreuses et un panel d’émotions assez étendu, ces années demandent beaucoup d’intelligence intellectuelle pour les interpréter. Souvent les pianistes les jouent avec une grande technicité oubliant la profondeur poétique qu’elles demandent. Michele Campanella en a fait une interprétation où il accentue les tendances introspectives du compositeur, ce qui en donne une version assez unique. Il a été maintes fois récompensé pour ses enregistrements de Liszt et à l’écoute de ces Années on le comprend. Quel beau voyage que nous conseille cet immense artiste, rarement invité en France.

Retour dans le nord de l’Italie, à Gravedona, près du lac de Côme, avec la rencontre d’un compositeur quasiment inconnu : Carlo Donato Cossoni (1623-1700). –Solo Musica – Musica SM 326 – propose de ce compositeur, maître de chapelle à la Cathédrale de Milan, des Vêpres de Einsiedler (une abbaye suisse où ont été retrouvées les partitions). Elles sont chantées par l’ensemble vocale Novantiqua de Bern avec l’ensemble Kesselberg sous la direction de Bernhard Pfammatter. Ces ensembles suisses, nés en 1987, ont déjà enregistré des compositeurs de musiques anciennes et baroques. Ces Vêpres sont d’une  intangible et surprenante beauté.

La Suisse ! Encore une belle découverte et un beau parcours à faire dans l’espace et le temps, de l’Italie à la Suisse, il n’y a qu’un pas. C’est là que notre voyage continue avec un portrait complet (5CD) d’une grande personnalité de la musique actuelle : Alexandre Rabinovitch-Barakovsky – CASCAVELLE -VEL1907. Naît en Azerbaïdjan en 1945, il entre en 1963 au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou où il y étudie le piano et la composition et en sort diplômé. Là, il découvre avec passion l’avant-garde occidentale: Messiaen, Boulez, Stockhausen, compositeurs largement censurés en URSS, mais dont il deviendra l’un des premiers interprètes. Il quitte son pays natal en 1974 pour la France, où régnait en maître Boulez. Ce séjour parisien, lui réserve de sérieuses déconvenues. Il propose une musique hypertonale à une époque où il est de bon ton d’écrire une musique très hermétique. Minimaliste, néo-romantique, néotonal, répétitif, tous les adjectifs sont utilisés pour tenter de classer Rabinovtich mais il constitue quasiment une catégorie à lui seul. Déçu de la France il s’installe en Belgique, noue des liens très forts avec les plus grands artistes comme Martha Argerich avec qui il forme un duo célèbre dans le monde entier. Dans le coffret cette pianiste est présente dans certaines compositions qui datent de 1969 à 2004. 

Dans ma musique, le principe répétitif est utilisé pour transmettre ces obsessions, et le nombre, en structurant cette répétitivité remplit le rôle de l’analyse. Cette méthode est en quelque sorte thérapeutique et peut se révéler comme un instrument de connaissance de soi-même…(A. Rabinovitch-Barakovsky, Courants d’air, Liège, octobre 1996). Alexandre Rabinovitch-Barakovsky conçoit sa musique comme un voyage spirituel. Sa musique est plutôt jubilatoire et parfaite pour nos incarcérations nocturnes. 

La mer, un ponton, un réverbère, la tombée de la nuit…pas encore 21h ? C’est le pianiste Fazil Say qui offre trois ballades de son cru et son quintette avec le casalquartet et celui de Schumann – Solo Musica SM340 – Avec cet artiste, plus qu’un simple pianiste, tout est toujours différent. Deux œuvres en miroir. Son quintette pour piano The Moving Mansion raconte une histoire du passé. Le thème est un récit spectaculaire sur le fondateur de la République turque, Mustafa Kemal Atatürk. On sait les dissensions qui existent entre le pouvoir turc d’aujourd’hui et Fazil Say. Voilà encore un disque qui est d’une actualité brûlante et qui fait voyager sans se déplacer.

Nicolas Baldeyrou est un clarinettiste choyé par les orchestres, les conservatoires et les compositeurs. Son disque Klarthe – Dialogues K01– commence par un bug de Mantovani et se termine par une œuvre superbe de Michael Jarrell, pour lui, en solo. Entre ces deux compositeurs d’aujourd’hui, un compositeur contemporain Pierre Boulez avec d’autres dialogues, un avec lui-même, et un autre avec 21 instruments. Ici aussi on voyage dans le temps autour de sa chambre au son d’une clarinette magistrale.

Au mois de janvier 2021 le Châtelet proposera Forty Second street, (encore un phantasme covidien ? La troupe viendra-t-elle?), un spectacle de Broadway inspiré par  la célèbre comédie musicale filmée par Busby Berkley. C’est pendant la grande dépression que les films tournés par ce génial inventeur d’images ont été proposés au public déprimé. Comme nous allons tous devenir de plus en plus destructurés avec toutes ces mesures fascisantes, voici un CD qui existe depuis plus d’une quinzaine d’années qui illustre bien ce qu’on nous promet en début d’année, avec des airs-vaccin qui ne peuvent faire que du bien à nos cerveaux malmenés : The Busby Berkeley Album – EMI Red Line 7243 57376327. C’est John McGlin qui dirige ces airs avec le London Sinfonietta and Chorus. C’est une proposition d’air frais pour nos soirées moroses.

Allez, écoutez toutes ces musiques sans masque et voyagez, grâce à elles, dans votre tête, avant de la perdre. Bonne nuit les petits !

PS : si vous voulez être moins aventurier Sony music propose après les symphonies de Beethoven avec Le Philharmonique de Vienne sous la direction de Philippe Jordan, une énième intégrale des symphonies de Brahms avec le même orchestre et le même chef. Elles ont été enregistrées en direct au cours de concerts. Le Vienne enregistre tous les dix ans une intégrale, histoire de ne pas perdre la main. Á vous de choisir, elles ont toutes des qualités ou pas !

 

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