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vieillecarne.com propose une série sur des œuvres de jazz à consonance politique. Cela pourrait paraître pléonasmique tant cette musique trouve son origine dans la lutte des Africains esclaves des blancs dans les plantations de coton du sud des Etats Unis. En tout cas, pas très unis ces états, car la guerre civile entre le Nord et le Sud entre 1861 et 1865 démontra le contraire et cela continue. !
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Charles Mingus est un compositeur, bassiste, chef d’orchestre né le 22 avril 1922 à Nogales, Arizona, et mort le 5 janvier 1979 à Cuernavaca, Mexique. Il est considéré comme un des plus importants musiciens de l’histoire du jazz. Allant du be-bop au free jazz collectif, l’œuvre de Mingus fait preuve d’une multiplicité d’influences : la musique classique, le swing, le blues, le gospel, et le be-bop. Il avait une admiration sans faille pour Duke Ellington. Charles Mingus a été rejeté tant par les blancs (parce que trop foncé) que par les noirs (parce que trop clair). Dans son autobiographie, il évoque ainsi sa couleur de peau qui ne lui vaut que des misères, une véritable couleur de chiasse en raison de ses origines très métissées. Sa mère, Harriet Sophia Mingus, est d’ascendance chinoise, anglaise, et afro-américaine, et son père, le sergent Charles Mingus, d’ascendance suédoise et afro-américaine. Il aurait voulu être violoncelliste dans un orchestre philharmonique, mais un noir dans un tel orchestre ça fait tache ! Un noir ça ne joue pas du violoncelle, mais de la basse et dans les orchestres de jazz ! ! Mingus a été un homme noir aux Etats-Unis…en colère tous les jours ! Toute sa vie il s’est battu contre le racisme.
Être moins qu’un chien c’est le titre de sa biographie. c’est, dit Charles Mingus, être noir et musicien de jazz dans une Amérique blanche qui ne quitte l’indifférence ou le mépris de la communauté noire que pour piller ses valeurs culturelles. C’est, heurté aux refus et vexations, à la dépossession, comprendre très vite que, si l’on n’accepte pas de se plier aux codes esthétiques dominants, si l’on est porteur d’un monde aussi neuf et intransigeant que l’œuvre de Mingus, l’on ne pourra jamais vivre correctement de sa musique, qu’il faudra au contraire trouver tous les moyens de survivre pour lui permettre de se faire entendre. Être moins qu’un chien c’est, tout en luttant contre le pouvoir blanc par la charge revendicative de la création, être forcé, dans le quotidien, de jouer son jeu.
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En 1957, confronté à la scolarisation de neuf élèves noirs au lycée central de Little Rock Arkansas, jusque-là réservé aux seuls blancs mais déségrégué par ordre fédéral, le gouverneur Orval Faubus refuse de se conformer à la décision de la Cour suprême et ordonne à la Garde national de l’État d’empêcher les élèves noirs d’accéder aux bâtiments du lycée. Des émeutes éclatent alors que les élèves noirs qui se présentaient devant l’établissement sont insultés. La décision de Faubus entraîne l’intervention du président Dwight Eisenhower qui fait placer la Garde nationale de l’Arkansas sous le contrôle fédéral et lui ordonne de retourner dans ses baraquements. Elle est alors remplacée par mille hommes de la101ème division aéroportée envoyée en Arkansas pour protéger les élèves noirs et faire appliquer la décision de la Cour suprême. Constamment harcelés, les neuf élèves («The nine of Little Rock ») se voient affecter chacun un militaire de la 101e comme garde du corps. Le gouverneur choisit alors, le12 septembre1958 de faire fermer les écoles plutôt que d’accepter qu’elles soient multiraciales. Les tribunaux fédéraux ordonnent leur réouverture, confirmée par la Cour suprême. En dépit de son échec à empêcher la déségrégation des écoles publiques, Faubus est réélu à six reprises, pendant 12 ans !
Charles Mingus composa «Fables of Faubus» en relation avec cet épisode raciste et le 5 mai 1959, dans les studios de Columbia, il l’enregistra mais alors amputée du texte, jugé trop virulent par les dirigeants de la firme.
Le 20 octobre 1960, il l’enregistre de nouveau, avec le texte, en quartette, pour Candid, une petite compagnie de disques d’un ami. Il considère cette version comme la version originale. À ses côtés : Eric Dolphy, saxo, Ted Curson, trompette, Dannie Richmond, drums. Les «Fables» seront joués et réenregistrés tout le long de sa carrière et reprises par l’orchestre Mingus Dynasty orchestre formé après sa mort par sa femme Sue Mingus. Il se produit chaque semaine, au Jazz Standard 116 E 27th St. New York, NY 10016. 212-576-2232.
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Les paroles de Fables au Faubus
Oh, Lord, don’t let ’em shoot us!
Oh, Lord, don’t let ’em stab us!
Oh, Lord, don’t let ’em tar and feather us!
Oh, Lord, no more swastikas!
Oh, Lord, no more Ku Klux Klan!
Name me someone who’s ridiculous, Dannie.
Governor Faubus!
Why is he so sick and ridiculous?
He won’t permit integrated schools.
Then he’s a fool! Boo! Nazi Fascist supremists!
Boo! Ku Klux Klan (with your Jim Crow plan)
Name me a handful that’s ridiculous, Dannie Richmond.
Faubus, Rockefeller, Eisenhower
Why are they so sick and ridiculous?
Two, four, six, eight:
They brainwash and teach you hate.
H-E-L-L-O, Hello.
La traduction :
Oh Seigneur, ne les laisse pas nous abattre
Oh Seigneur, ne les laisse pas nous poignarder
Oh Seigneur, ne les laisse pas nous rouler dans le goudron et les plumes
Oh Seigneur, plus de croix gammées!
Oh Seigneur, plus de Ku Klux Klan!
– Cite-moi quelqu’un de ridicule? Dannie
-Le Gouverneur Faubus
– Pourquoi est-il malade et ridicule?
– Il s’ oppose à l’ intégration scolaire [des noirs]
– Alors, c’est un dingue
A Bas les nazis, les fascistes, ceux qui se croient supérieurs
A Bas le Ku Klux Klan
– Cite-m’ en quelques-uns qui sont ridicules
– Faubus, Rockefeller, Eisenhower
– Pourquoi sont-ils à ce point malades et ridicules?
– Deux, quatre, six, huit. Ils vous lavent le cerveau et vous enseignent la haine. »