JACQUES DOUAI
Pour célébrer le centième anniversaire de la naissance de Jacques Douai (1)(11 décembre 1920 – 7 août 2004), la ville qui l’a vu naître s’apprête à inaugurer une rue à son nom.
Celui qui a porté haut les couleurs de la francophonie, grand prix du disque en 1955, 1962, 1968, 1974, n’était pas seulement un chanteur. C’était un homme de la scène. Il dirigea pendant vingt ans le Théâtre du Jardin, à Paris, aux côtés de l’étoile Ethery Pagava, permettant à des dizaines de milliers d’enfants d’être sensibilisés à la magie de la scène et aux arts du ballet, sans rien sacrifier aux exigences artistiques inhérentes aux disciplines du spectacle, exigences trop souvent laissées de côté par les petits soldats de la culture subventionnée, qui remplacent un peu partout les enfants de Thalie, d’Euterpe, et de Terpsichore.
Jacques Douai et l’étoile Ethery Pagaya
Cette dernière muse de la Danse, a du être bien fière pourtant de ce duo, Ethery Pagava ayant été choisie par Balanchine pour créer le ballet « La somnambule », puis par Roland Petit et par tant d’autres géants de la danse.
Quand à Calliope, la muse des poètes et des épopées, gageons qu’elle est reconnaissante envers celui qui a été surnommé le troubadour des temps modernes.
Est-ce cette prédilection pour les textes issus du répertoire médiéval qui a un peu fait oublier que Jacques Douai été le premier interprète masculin des Feuilles Mortes (2), en 1947, avant qu’Yves Montand n’enregistre ce standard de Joseph Kosma, dont les paroles de Prévert font maintenant parties de l’inconscient collectif ? Il est vrai que le célèbre acteur, élégant et talentueux requin de plateau, n’est pas homme à partager la lumière. Au contraire de notre troubadour, qui s’est mit au service d’auteurs et de compositeurs, interprétant Aragon, Brassens, Brel, Léo Ferré, Prévert encore…
Cora Vaucaire et Jacques Douai, deux interprètes historiques des Feuilles mortes
Peut être est-ce difficile aujourd’hui, de comprendre que beaucoup d’artistes avaient pour vocation sincère de se mettre aux service de leur Art, plutôt que d’utiliser cet Art comme un faire valoir, pour flatter leur égo, leur carrière ou leur gloriole.
Le spectacle, outil de propagande si tentant à contrôler par les puissants, a plus que jamais besoin d’esprits indépendants et sincères. Quand en 1993, la mairie de Paris décida de ne pas renouveler la concession du théâtre du Jardin, afin d’affecter le lieu à d’autres activités, et de supprimer la subvention du seul théâtre Parisien spécialisé dans le jeune public, ce fut comme un coup de poignard : Malgré cela, le projet parvint à survivre pendant encore 10 ans.
Mais revenons à plus de légèreté et à l’héritage de ce travail de passeur, de transmetteur. Depuis 2007 un Prix Jacques Douai « est décerné à un artiste, une personnalité ou une structure qui, par son action ou son œuvre artistique, fait vivre la chanson francophone, le répertoire et les idéaux que Jacques Douai a porté toute sa vie : célébration de l’art de la chanson, respect et souci d’élévation du public, émancipation par la culture et l’éducation populaire » (3)
Le prix, est soutenu par la SACEM et l’ADAMI(4), qui s’occupent de rémunérer les auteurs et compositeurs de musiques, ainsi que de gérer leurs droits, qui sont souvent la seule source de revenu du créateur ou de l’interprète. Cette année, le jury a récompensé Hélène Hazera et Jean-Michel Piton.
L’hommage ayant du être reporté pour les raisons sanitaires que l’on connait trop bien, on scrutera les pages culturelles de la ville de Douai pour savoir quand aura lieu la fête. Mais d’ici là, et pour ne pas trop s’éloigner de la date initiale, bon anniversaire, Monsieur Douai!
(1)Gaston Tanchon, choisit comme nom de scène celui de sa ville natale, Douai, qui organisera une série d’évènements lors du prochain Printemps des poètes, (sous réserve des conditions sanitaires en vigueur), et notamment une conférence le lundi 22 mars 2021 à 15h aux salles d’Anchin.
(2) Standard repris par Franck Sinatra, et par tous les plus grands jazzmen dans des versions instrumentales, ou traduites en anglais, sous le nom d’Autumn leaves , Les feuilles mortes est un thème qui a d’abord été crée par Jospeh Kosma pour le ballet Le Rendez-vous de Roland Petit. Prévert travaillait alors sur le film de Marcel Carné Les Portes de la Nuit, avec Yves Montand, et écrivit les paroles afin que la chanson soit incluse dans le film. Mais au final, seules quelques bribes furent fredonnées dans le film, et c’est Cora Vaucaire qui l’enregistra la première en 1947. Jacques Douai l’interpréta sur scène la même année.
(3)Association Les amis de Jacques Douai , Président Jacques Bertin.
(4) La SACEM est la Société des Auteurs Compositeurs & Editeurs de Musique. L’ADAMI est en charge de l’ Administration des Droits des Artistes et Musiciens Interprètes.
Les Photos viennent de la famille, la première avec l’inscription non référencée : Orssagh Montreal est probablement une photo de presse canadienne…