Bach / Suites Françaises ( Bathos Records, Bathos 2301)
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Ce premier disque d’Agnès Boissonnot-Guilbault, viole de gambe, et Nora Dargazanli, clavecin, anciennes étudiantes au CNSMDP, a pu être enregistré grâce à KissKissbankBank et les gens qui ont cru en ces deux magnifiques artistes (voir les remerciements sur la pochette de l’album). Ils ont eu raison de les soutenir car leurs arrangements sont de toute beauté. Elles ont osé transcrire pour viole de gambe et clavecin les Suites françaises 1, 2 et 5 de Jean-Sébastien Bach. Ce n’est pas exceptionnel, Bach était le roi en la matière. Agnès et Nora s’expriment : « Les suites françaises, bien que très clavecinistiques, sont particulièrement mélodiques et fréquemment écrites à deux voix, donnant l’opportunité à la viole de s’épanouir assez naturellement à la place de la main droite du clavecin par rapport à d’autres œuvres de Bach, plus polyphoniques et contrapuntiques ». Le disque commence, histoire de nous mettre en appétit, par une courte pièce de François Couperin, un extrait, un prélude de l’art de toucher le clavecin. Ces deux musiciennes montrent dès le départ que ces compositions ont quelques choses de français, même si le titre de suite française n’est pas du composteur. La Suite n° 5 en sol majeur, BWV 815 avec l’Allemande, la Courante, la Sarabande, la Gavotte, la Bourrée et la Gigue elles arrivent avec talent à faire ressortir le côté, danse, majesté, sensualité, mélancolie, et surtout la simplicité de la ligne mélodique. Après un court entracte d’un Prélude de la Suite en ut mineur (Livre III) de Marin Marais on retrouve le discours entre clavecin et viole de gambe qu’ont réussi à établir ces deux superbes complices. Cela sera encore plus évident dans la 1ère suite en ré mineur BWV 812. Elle sera précédée par un prélude de la Suite en ré mineur (Livre II) de Caix d’Hervelois qui fait parfaitement le pont avec cette première suite. C’est un véritable bonheur d’écouter cet album qui a été fait avec une joie indicible.
BACH ( Chapeau l’ArtisteClapmat2)
Des arrangements, des transpositions, des adaptations sur la musique de Bach, il en existe de nombreux. Le saxophoniste Matthieu Delage avec ses amis – Violaine Despeyroux, alto, Baptiste Dolt, batterie, Benjamin Garson, guitare, Guillaume Perret, saxo en propose ici en jazz. Nous avons eu le plaisir de les entendre en direct au Zèbre de Belleville (voir article sur le site du 22 mars 2024) où il avait interprété des extraits du Clavier bien tempéré, des Variations Goldberg, la Suite n°4 pour violoncelle et un aria de la Passion selon Saint-Mathieu. Avec ce disque on retrouve la même ambiance qu’avait créé ces jeunes artistes et cette même joie de vivre, d’interpréter Bach made in jazz. L’avantage du disque c’est que les problèmes d’acoustique du direct de la salle ont disparu et la qualité du son et les interprétations sont impeccables. C’est donc avec un grand plaisir d’entendre ainsi swinguer Bach. Un album qui donne la pèche et que l’on ne se lasse pas d’écouter. Play it again Matthieu !
Aline Piboule coincidentia oppositorum (Artalinna, ATL A044)
Bach il en est encore question dans l’album de cette pianiste. Ce sont deux pages Ich Ruf Zu Der, Herr Jesu Christ BWV Anh 73 et un arrangement d’Egon Petri, 1944 d’un Aria Schafe Können Sicher Weuden qui ouvrent et achèvent le récital que propose Aline Piboule. Son disque est une merveille d’intelligence pianistique mais aussi de conception. C’est aussi sa marque de fabrique. Elle associe deux compositeurs – Liszt ( 1811-1886) et Greif (1950-2000) – qu’a priori rien ne devrait les associés, mais leur parcours mystique est complémentaire. Liszt voulait être prêtre et a terminé sa vie au plus près du Vatican, Greif a été marqué par la philosophie indienne et par ses origines juives. C’est ainsi que la pianiste a choisi Balade n° 2 de Liszt, puis suit la sonate n°21 Codex Domini de Grief pour enchaîner avec Bénédiction de Dieu dans la solitude du Hongrois et terminer cette confrontation religieuse avec trois poèmes de Li T’Ai Po mis en musique par Greif (la 18ème sonate) – On est loin des morceaux tant joués de Liszt et cette sonate de Greif, est la première fois qu’elle est enregistrée. Voilà un disque passionnant offert par une étonnante et superbe pianiste ; mais elle nous a déjà habitué à tordre le cou à ce qu’enregistrent, le répertoire, la plupart des pianistes (Beethoven, Chopin, Debussy, Ravel, Schumann, Schubert…). Elle a bien raison, il existe tant de belles partitions à découvrir.
Franz Schubert Impromptus Op.90 & Op.142 (Piano 21 P21 059N)
À propos du répertoire, Cyprien Katsaris, le pianiste virtuose inclassable, l’homme aux mille doigts – voir entretien sur le site 8/2/2020– revisite ces deux impromptus. Depuis le temps qu’on l’écoute en récital ou dans ses nombreux albums, on ne peut pas ignorer la virtuosité de ce boulimique, mais ce qu’il cherche avant tout c’est la beauté du chant et avec Schubert il a le choix. C’est brillant, même si de temps en temps il se laisse quand même emporter par sa virtuosité, c’est plus fort que lui, c’est sa marque de fabrique. Son Schubert est constamment fluide et laisse apparaître une poésie avec des moments oppressants, avec une force dramatique qui lui est propre. C’est là encre une fois un superbe album.
À Suivre…