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[ENTRETIEN] : CHRISTOPHE LA PINTA, J’aime les mélanges électriques 

Dans son studio à Montmartre, assis sur un fauteuil de l’ancien et mythique Olympia, entouré des affiches de La Chance de ma Vie, Prêt à Tout de Nicolas Cuche, Sans Laisser de Trace de Grégoire Vigneron… j’ai écouté Christophe La Pinta parler de ses rapports entre musique et image d’une manière très décontractée…moteur !

Alors l’actualité !

Beaucoup des séries télé, une série médicale sur F2 qui s’appelle Nina. C’est la deuxième saison, c’est une série un peu girly, pour les filles, qui marche plutôt bien. J’avais déjà composé la musique pour la première saison, du générique début à la fin.

Pour les séries, avez-vous assez de temps pour écrire ?

Non, pas assez. On a vingt jours pour écrire trente minutes de musique ! On a intérêt à être équipé et trouver rapidement un thème, une couleur musicale, une illustration ; c’est une bonne école pour souvent faire le pompier sur un long métrage !

Comment êtes-vous arrivé sur cette série ? On vous connaissait déjà à la télé ?

Laurence Bachman, la productrice, me connaissait.

Et comment vous-avait-elle connu ?

Je l’ai connue quand elle travaillait chez Ellipse, la boîte de Canal Plus. J’avais fait une série qui s’appelait Sauvetage, une série avec des hélicoptères qui sauvaient des gens…

Vous avez énormément travaillé pour la télévision !

Beaucoup, beaucoup…

Est-ce par ce biais que vous êtes entré dans la musique pour l’image ?

Oui, par la télévision, par Jacques Malaterre qui m’a repéré et qui m’a donné ma chance sur des petits films pour Marin Karmitz. On avait fait des modules, pour les Droits de l’Homme.

Et Jacques Malaterre, comment l’aviez connu ?

Par un mixeur. En fait, lorsque je suis arrivé à Paris, j’ai galéré comme tout le monde, je voulais faire principalement de la musique de film, je viens de la musique de théâtre universitaire. Il y avait une émission qui s’appelait Fréquence Star à l’époque et Dieudonné y était interviewé. Il faisait ses sketches avec Semoun, et il disait « j’ai envie de travailler avec des jeunes, je monte une boîte, j’ai envie de faire des tas de trucs ». Je lui ai envoyé une cassette de la musique que j’avais écrite pour une série américaine New York Police Blues . J’avais gagné un concours, je suis parti travailler à Los Angeles avec Mike Post, le compositeur de Magnum, Agence Tous Risques, etc..etc, J’ai appris mon métier avec lui. En revenant en France je pensais que cela m’aiderait, mais tout le monde s’en foutait, sauf Dieudonné, et il m’a demandé de faire les covers des musiques pour la vidéo d’un spectacle qu’il avait joué avec Elie, « Élie et Dieudonné en garde à vue ». J’ai fait cela en dix jours, dans un petit studio et c’est là que j’ai rencontré le mixeur Ludovic Maucui qui travaillait avec Jacques Malaterre. Jacques, je l’ai harcelé et on a fait cette série, puis d’autres séries comme Boulevard du Palais.

Faire de la télé en France n’est-ce pas antinomique avec le cinéma ?

Les gens du cinéma n’aiment effectivement pas les compositeurs de la télé. Mon agent a eu beaucoup de mal à me vendre auprès des producteurs de films ! J’avais une étiquette collée, j’avais les mains sales en quelque sorte ! C’est comme les comédiens. Quand des producteurs de cinéma ont bien voulu écouter ma musique, c’était que de la musique de télé ! Comme si composer de la musique c’était différent ! Il y a plus de moyens au cinéma, mais on écrit de la même manière. Je me suis très vite équipé pour avoir un son assez large pour faire des musiques avec une plus grande ampleur, mais il a fallu se battre pour simplement participer aux appels d’offre ! Encore aujourd’hui on me reproche d’avoir fait beaucoup de téléfilms. Je leur réponds : «  si vous m’appelez, c’est que ma musique vous plaît, non ! Et vous me proposez un tarif qui est celui d’un téléfilm !»

Il a toujours autant de problèmes pour la rémunération de la musique ?

C’est catastrophique ! C’est la misère totale, il n’y a pas d’argent ! C’est un truc qui ne les intéresse pas. La France n’a pas la culture de la musique, ce sont les belles lettres, des bons mots, des auteurs. Le troisième auteur du film, le compositeur, n’est pas considéré, c’est affligeant !

Quelle a été la musique qui a déclenché votre carrière ?

Le déclencheur a été la série David Nolande créée par Joël Houssin, le renouveau du fantastique sur F2, et avec un réalisateur qui s’appelle Nicolas Cuche. Moi, je me suis beaucoup amusé à composer la musique parce que nous étions totalement libres. Il fallait inventer, passer de la musique classique à l’électronique, avec des climats originaux. Il n’y avait pas de place pour ce genre de composition dans les autres téléfilms, ou des séries. Il y avait de longues plages de musiques, elles pouvaient exister. Tout d’un coup les gens se sont mis à écouter ma musique, et j’ai eu beaucoup de propositions. Cela a été un déclencheur émotionnel, la musique était mixée convenablement.

Quels sont vos contacts avec les réalisateurs avec qui vous avez travaillé ?

Les réalisateurs viennent vous voir parce qu’ils ont entendu des musiques, parce qu’ils ont suivi votre évolution. Un bon réalisateur c’est celui qui va aimer votre style, et qui va oser dire « j’ai entendu ce que tu fais, ce n’est pas ce que je cherche, mais par contre je sais que tu sais composer ». Les réalisateurs qui pensent entendre ce qu’ils veulent dans vos précédentes musiques, çà n’a aucun intérêt. Mieux vaut ne pas travailler avec eux. Faire des covers de ses propres musiques c’est totalement idiot !

Vous avez composé dans tous les styles, de la comédie au mélo en passant par le fantastique et le polar : est-ce que vous écrivez-tout ou avez-vous des arrangeurs ?

J’écris tout, directement sur l’ordinateur, comme une partition, puis ensuite j’ajoute des sons que j’arrange moi-même. Et selon les budgets on enregistre des vrais instruments. Quand je fais des cordes, des orchestrations, je fais appel à Cyrille Aufort.

Avez-vous travaillé avec lui en duo ?

Oui, une fois sur un film où c’était très compliqué. J’ai écrit le thème et il a fait l’arrangement et l’orchestration, c’était une co-signature !

Êtes-vous du genre thème et variations, puis à assaisonner de nappes électroniques ?

J’aime les mélanges électriques, faire entrer les instruments de manière rythmique, les sortir de leur tempérament, pour les mettre dans un milieu urbain, trouver des timbres un peu particulier. Comme Thomas Newman par exemple, qui va mettre une flûte indienne sur la musique de Revolutionary Road (Les Noces Rebelles) le film avec di Caprio. Cela fonctionne bien, même si on peut se demander ce que cela vient faire là ! J’aime les mélanges, et l’électronique nous permet de les faire.

Vous aimez les musiques de films, alors quand vous étiez môme qu’écoutiez-vous ?

On avait le vinyle d’ Il Était une Fois dans l’Ouest, la pochette était intrigante avec cet arc de cercle, la cloche et le pendu. J’étais impressionné et bien sûr je n’avais pas vu le film. J’adorais la musique avec les guitares électriques, les codes et l’harmonica.

Aviez-vous un orchestre lorsque vous étiez jeune homme ?

Oui, un orchestre de variétés, j’étais batteur, j’ai fait en même temps mes études au conservatoire en classe de percussion. Pendant longtemps j’ai joué dans des orchestres de rock, de variétés.

C’était une bonne école ?

Oui, il fallait aller vite, apprendre le morceau de l’été pour faire un cover. On va dans des endroits où les gens vous attendent depuis des mois pour les faire danser…

Vous n’êtes pas parisien ?

Non, je suis de Toulon où j’ai fait le conservatoire, puis ensuite à Nice.

Alors, L’Affaire SK1 , qui est sorti dernièrement, a été important pour vous? Comment Frédéric Tellier vous a-t-il trouvé ?

Par son ex petite amie qui jouait dans David Nolande. Il cherchait un compositeur pour une série qui s’appelle Un flic et on s’est rencontré, et cela a bien marché. Il vient de la télé et a été le directeur artistique d’Olivier Marchal. Il s’est passionné pour cette histoire parce qu’il a eu une amie qui a été concernée par cette affaire. On a fait Les Hommes de l’Ombre pour F2 avec Nathalie Baye. Il est musicien et il a fait des propositions concrètes sur un ou deux thèmes, c’est pourquoi on a cosigné la musique.

Que vous a-t-il demandé de particulier ?

C’est une histoire vraie, avec Guy Georges en prison et les familles des victimes toujours présentes. Je me suis documenté, j’ai lu des livres, vu des documentaires. Frédéric a été très proche des flics qui ont participé à cette affaire ; c’est un univers qu’il connaît bien. A partir de là on est entré dans cette histoire par la porte de l’affectif. Ce sont des gens qui ont été meurtris par cette histoire.

Sur le CD qui a été édité chez Crystal Records on peut lire ce qu’a écrit Frédéric Tellier : « Nous souhaitons dédier cette musique aux victimes, Pascale, Cathy, Elsa, Agnès, Hélène, Magali, Estelle, ainsi qu’à leurs familles. Que cette musique les accompagne de la douceur de ses notes et de l’émotion de nos pensées »

Oui Frédéric ne voulait pas trahir la mémoire des filles assassinées, ni magnifier les flics qui ont travaillé pendant 7 ans. Les familles lui on fait confiance et il a pu mettre les vraies noms des jeunes filles. Pour moi, quand j’ai vu le premier montage, j’ai été très ému et j’ai dit à Fred : je ne vois pas où tu peux mettre de la musique. Je lui ai demandé de venir pendant deux semaines au studio pour qu’on travaille ensemble, pour ne pas mettre une note de trop, et j’ai fait les arrangements des thèmes qu’il avait joués au piano.

Souvent dans ce genre de film on met du jazz. C’est une musique souvent associée au film policier, au film noir. Vous, vous m’avez dit hors enregistrement que vous n’aimez pas cette musique. Pouvez-vous m’en dire un peu plus ?

Cela ne m’aurait pas effleuré un instant ! Il y a très peu de réalisateur de quarante ans qui aiment cette musique ! Je ne supporte que le jazz vocal. J’aime Miles Davis parce qu’il y a quelque chose de très moderne. J’aime son évolution électrique jusqu’au rap. Ce n’est pas ma culture, alors que j’étais entouré à Toulon de jazzmen. Je n’ai pas été un batteur de jazz. J’aime Eric Truffaz, Brahim Maalouf, ils font évoluer cette musique qui semblait être morte ! Pierre Adenot, Jean-Michel Bernard, eux sont des compositeurs jazzmen. Je peux tout composer sauf du jazz !

Je peux vous dire que c’est à cause de la musique que je suis allé voir le film ! Avez–vous une réflexion sur le fait de mettre en conserve la musique de film ?

J’aime bien, ça laisse une trace. Dans ce CD on a remonté, remixé, la musique pour que cela soit écoutable, on a essayé de ne pas mettre des musiques de 40 secondes. On entend la musique telle quelle car souvent on ne l’entend pas totalement dans le film

Le prochain film ?

C’est une comédie mais on n’en parlera pas.

Est-ce difficile d’écrire pour une comédie ?

C’est très complexe : on peut tomber dans la musique sautillante. Il faut trouver des orchestrations un peu nouvelles, Cosma avait trouvé le ton juste. Raymond Lefèvre avec les Gendarmes avait trouvé aussi un style.

Bon, alors on vous souhaite une carrière à la Cosma !

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