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[ENTRETIEN] :Hubert CHARRIER et  » La Grande Évasion « 

Hubert Charrier a 27 ans. Il est tombé dans la BO quand il était tout petit et depuis il y est resté, à tel point qu’il a abandonné son job et s’est lancé avec ses deniers dans une entreprise folle : faire une radio sur internet qui ne diffuse que de la musique de films ! Ce mois de janvier, cela fera un an qu’elle existe. Hubert s’est donné trois ans pour réussir ! Mais déjà sa radio a une programmation riche, passionnante et innovante. Rencontrer un autre barge de bandes originales de films je me devais de le faire. J’ai réussi à l’interviewer, chez moi, au milieu de mes vinyles et CDs de musique de films, lors d’un de ses passages à Paris.

D’où venez-vous ?

D’Amiens ! J’ai fait des études de technique de commercialisation, une école de journalisme à Lille, puis j’ai travaillé dans la presse provinciale, pour m’aguerrir.

Dans quels domaines avez-vous été journaliste ?

Dans le sport, la politique locale, les chiens écrasés, la culture aussi. J’ai fait beaucoup de reportages, d’interviews. C’était très formateur car je touchais à tous les domaines sans distinction, c’était une bonne école. Mais ce n’était pas le métier que je voulais faire et il fallait passer des concours, faire Sciences Po… Je n’avais qu’une envie : faire une radio qui ne passerait que de la musique de films !

Depuis quand aviez-vous cette idée en tête ?

C’est une idée qui me trottait dans la tête depuis 2009 lorsque j’étais à Lille à l’ESJ. En fait je cherchais une radio pour écouter de la musique de films et je n’en trouvais pas. Il y avait bien Cinemix, une radio américaine, mais qui est un jet continu de musiques sans aucune explication, sans mise en page, avec une bibliothèque assez importante cependant. Moi je voulais en créer une en FM ! Mais c’est très compliqué en France d’avoir une fréquence, de monter un dossier… J’ai décidé de la monter sur internet en attendant ! Pour me former à la radio j’ai travaillé à Blois pour une radio locale. Ils cherchaient quelqu’un et ils m’ont proposé des piges, ce que j’ai fait gracieusement en échange d’un logement sur place. Il y a plus d’un an, comme je n’ai aucune attache personnelle, que ne je suis responsable que de moi-même, je me suis dit que c’était le moment de monter cette radio !

Alors cette passion pour la musique de films d’où vient-elle ?

J’étais passionné de musique de films depuis toujours. Le premier album que j’ai acheté, qui n’est pas le plus grand album de musique de films, c’était Golden Eyes d’Éric Serra ! Je sais que c’est une BO très peu appréciée. J’avais huit ou neuf ans, j’étais un grand fan des James Bond que je regardais avec mon père ; on avait les K7. Le compositeur de mon enfance c’était John Barry !

Chez vous écoutait-on beaucoup de musique ?

Beaucoup de classique, peu de musique de films. Celle que je jouais à la guitare, qui n’est pas à proprement parler une BO, c’était « Jeux Interdits ». J’écoutais aussi beaucoup de rock anglais.

Étiez-vous nombreux à la maison ?

Oui, cinq enfants ; mon père était médecin et ma mère, mère au foyer. Ils écoutaient les Beatles, Simon and Garfunkel, Elton Jones, une musique de qualité mais policée.

Ce que vous aimiez, était-ce le cinéma ou la musique de films ?

Non c’était la musique. A Noël c’était cette musique qu’on m’offrait ; j’ai eu ainsi chaque année la BO du nouveau Harry Potter. J’étais tombé dans la musique de films quand j’étais petit !

Donc au départ John Barry, puis John Williams. Comment ensuite avez-vous découvert d’autres compositeurs ?

Au fur et à mesure j’ai découvert la musique de films par la télévision : Michel Magne, c’est par les Fantômas. J’ai été bercé par le cinéma populaire français et donc j’ai connu les compositeurs de ces films. C’était un musicien comme Sarde avec les films de Lautner. C’est le film du dimanche soir qui m’a fait apprécier ces compositeurs. On les enregistrait sur K7 VHS qu’on pouvait voir et revoir. Il y a avait aussi les Disney avec les musiques d’Alan Menken.

Vous ne saviez pas que c’était lui quand même !

A l’époque non, mais ensuite je m’y suis intéressé.

Depuis combien de temps vous êtes-vous mis à chercher des musiques de films ?

Depuis mes 16 et 17 ans.

A l’époque c’était facile de trouver des BO à Amiens ; elles étaient en CD en plus…

Oui on arrivait, il y avait de bons disquaires et puis j’allais dans des maisons d’occasion. Je travaillais l’été et avec mes économies. J’achetais soit des disques soit des DVD. Puis quand j’ai eu un vrai job, j’ai pu en acheter un peu plus et je commandais aussi beaucoup sur Amazon.

Donc votre fond de compositeurs c’était …?

Magne, Sarde, De Roubaix, Legrand, De Marsan, Delerue, Jarre…

Et Morricone ?

J’étais un fan de Leone donc forcément je l’appréciais, et lorsque l’on jouait aux cow boys quand on était gosse, on avait les thèmes en tête. Après j’ai apprécié Peur Sur la Ville. C’est plus par le cinéma français que je me suis intéressé à sa musique.

Vous avez 29 ans : êtes-vous collectionneur ?

Je ne suis pas un collectionneur compulsif, et depuis le lancement de la radio, je ne peux pas me le permettre vu mes finances.

Êtes vous un cinéphile ?

Je le deviens.

Est-ce qu’il y a un genre de musique que vous préférez ?

Je ne suis pas un amateur de musique spécifiquement, j’aime toutes les musiques, du classique au rap. Un des atouts de la musique de films c’est qu’elle touche tous les genres et qu’il y a beaucoup de qualités.

Expliquez-moi comment on monte une radio sur internet ! Je suis totalement ignare en la matière !

Le processus est assez long. J’ai mis un an et demi pour la mettre sur le réseau. Il faut faire appel à des développeurs. J’ai eu une équipe de trois personnes qui ont développé le site.

Comment les avez-vous trouvés?

A travers un site qui s’appelle soundsgood qui est un site de streaming, une plateforme musicale. Dès le début de cette plateforme j’ai fait des playlists de musiques de films, car j’avais bien avancé dans le projet de la radio. Eux m’ont mis en contact avec un développeur et deux directeurs artistiques qui se sont occupés du design, tout ce qui est l’aspect artistique du site. Le processus à mettre en place est assez long, car sur chaque morceau il y a un visuel qui correspond au film, il y a une couleur. Pour mettre trois cents morceaux cela m’a pris un mois. Chaque jour je l’agrémente. Aujourd’hui on est à deux mille morceaux.

Et cette radio s’appelle ?

La Grande Évasion !

Je suppose que ce nom n’a aucun rapport avec le film et la musique célèbre de Bernstein ?

Si il y a quand même un rapport, mais il y a surtout l’idée de s’évader avec ces musiques.

Comment la fait-on connaître ?

C’est au fur et à mesure, avec le bouche à oreille. J’avais lancé une page sur les réseaux sociaux six mois avant, en juin 2014.

Alors, il y a une un jour, une heure où la première musique a été entendue ?

Le premier morceau de la sonothèque a été « Nassau Shores » de Bear McCreary, un extrait de la série Black Sails ; le premier morceau a été diffusé le 28 janvier 2015 à 13h.

Vous avez soigné la mise en page : y’a-t-il des séquences au cours de la journée ?

Pour chaque morceau diffusé, il y a une illustration correspondant au film, il y a une fiche sur le compositeur, on propose des articles, des interviews, des émissions spéciales chaque jour, chaque semaine ou chaque mois (Mélodie en sous sol – Carte Blanche – Au Micro – 7eme Symphonie …)

Comment faites-vous pour alimenter le contenu ?

Il a fallu que je me fasse connaître auprès des distributeurs pour recevoir les nouveautés. Les étrangers m’envoient les fichiers.

Combien d’auditeurs dans l’année ?

Plus de 50000 auditeurs !

Et les pics ?

Cela commence vers huit heures du matin et se termine vers minuit, avec une importante fréquentation entre onze heures et dix huit heures. C’est très proche des horaires de bureau. C’est différent des radios FM. En fait il n’y a pas de vrais pics.

Je suppose que la page facebook est importante ?

Oui c’est là où on peut connaître nos auditeurs.

Depuis que vous programmez est-ce que vos goûts se sont élargis ?

Absolument. Je suis devenu plus critique mais pas au niveau de  »faire des critiques ». Il y a des choses insipides dans certaines compositions. Par exemple, j’ai beaucoup apprécié ce qu’a composé Desplat pour Imitation Game, mais ses dernières compositions je ne les ai pas trouvées aussi intéressantes. J’ai aimé Zimmer pour Interstellar, mais Chappie c’est très mauvais ! Ce qu’a écrit John Powell dernièrement, j’aime beaucoup, mais j’aime tout ce qu’il écrit ! Giacchino c’est de grande qualité, il est dans la veine des grands compositeurs et ce qu’il a composé pour Jurassic World en reprenant le thème de Williams c’est superbe. Joe Kraemer a composé les deux derniers Mission Impossible et c’est magnifique !

Alors quels sont vos derniers coups de cœur ?

Dans le désordre : Marguerite et Julien de Yuksek, En Equilibre de Jérôme Lemonier, Toomorow Land de Michael Giacchino, Pan de John Powell, Un Homme Idéal de Cyrille Aufort – le film n’est pas bon mais la musique est superbe-, Lost River de Johnny Jewel – le thème principal est magnifique-, la musique du dessin animé Adama de Pablo Pico….

En ce début d’année continuerez-vous?

Bien sûr et j’espère que les moyens financiers vont augmenter !

De temps en temps, des coups de blues ?

Travailler seul c’est assez dur, même si j’adore ce que je fais. C’est le côté financier qui pose problème pour l’instant.

Les gens du métier vous soutiennent-ils ?

Oui, les compositeurs sont venus, comme Guillaume Roussel au tout début de la radio. C’est un petit milieu. Gaumont a l’air de vouloir me suivre.

Et l’UCMEF ?

Ils ont fait une annonce sur leur site, sans plus. Peut-être je reviendrai les contacter plus tard.

Alors lorsque vous êtes sur votre ordinateur faites www.lagrandeevasion.fr et si vous voulez continuer à écouter de la bonne musique, vos dons seront toujours les biens venus via Ulule.

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