UA-159350346-1

[ENTRETIEN]: Philippe ROMBI

Philippe ROMBI, compositeur de Musique de Film

©DR

Philippe Rombi est né le 3 avril 1968 à Pau. Dès l’âge de trois ans, il pianote sur le piano familial pour retrouver les mélodies qu’il vient d’entendre à la radio ou d’un disque que met son frère ainé. Il ne sait pas qu’il reproduit des musiques de films qui vont changer sa vie. Aujourd’hui il a pris de l’âge, mais sa passion est intacte pour cette musique qui l’a fait rêver.

A ses débuts, pour bien composer, interpréter ses compositions, il était prêt à faire des sacrifices. Il garda longtemps sa place de prof de piano pour obtenir des producteurs les moyens pour les jouer idéalement. Depuis 15 ans qu’il en compose, il y a toujours cette flamme qui l’anime lorsqu’il parle de sa musique. C’est en elle qu’il s’exprime le mieux, même si elle est composée pour faire vivre l’idée d’un réalisateur. Philippe Rombi est un grand généreux romantique. C’est ce qu’on découvre lorsqu’on analyse ce qui l’a écrit pour le cinéma.

Il effectue la première partie de ses études musicales au Conservatoire National de Région de Marseille, en particulier auprès de Pierre Barbizet, Léa Roussel, pour le piano, et Pol Mule pour la direction. Il a étudié le piano, l’harmonie, le contrepoint, la direction d’orchestre, la musique de chambre. Il obtient un Premier Prix de direction, une Médaille d’or en piano et en musique de chambre, ainsi que le Grand Prix de la Ville de Marseille. Pendant ses années d’études il étudie les compositions de Michel Legrand, et les interprète au piano, au Conservatoire. Au grand dam  des professeurs !

Après ses études à Marseille, il intègre, l’École Normale Supérieure de Musique, pour se spécialiser dans la composition. Il passe deux ans dans la classe d’Antoine Duhamel (compositeur de Godard, Truffaut, Tavernier, Leconte…). Il en ressort avec un diplôme supérieur de composition. A l’époque, en 1990, il n’y avait pas de cours de musique à l’École Nationale de cinéma (FEMIS). Un échange entre le conservatoire et l’école a été proposé par Duhamel, ce qui a permis à de jeunes réalisateurs d’entendre les épreuves de concours de fin d’année de Rombi. Son premier prix de composition a été enregistré à la FEMIS, et sa première musique de film a été écrite pour un élève de l’école, Jean-Yves Philippe, sur un court-métrage intitulé La virée. Lorsqu’il écrit la musique de Chocolat amer, un court métrage d’Isabelle Broué, François Kraus, tout jeune producteur sorti de La FEMIS, demande à Rombi de travailler sur deux courts-métrages qu’il produisait : Presse-citron d’Isabelle Broué et Ombres magiques de Patrice Spadoni.

Olivier Delbosc, lui aussi élève de la FEMIS, est à l’origine de la rencontre du compositeur avec François Ozon. Philippe Rombi composera son premier long-métrage : Les Amants Criminels (1999). Suivront Sous le Sable (2000), Swimming Pool (2003), 5×2 (2004), Angel (2007), Ricky (2009), Potiche (2010), Dans la Maison (2012). Il a composé les musiques de deux films de Christian Carion : Une hirondelle a fait le printemps (2001), et son premier succès public, Joyeux Noël (2005), pour lequel il obtient sa première nomination aux Césars. Après quelques musiques remarquées, comme Jeux d’Enfants (2003), de Yan Samuel, Le coût de la vie (2003), de Philippe Le Gay, Dany Boom fait appel à son talent pour mettre en musique l’immense succès Bienvenue Chez les Ch’tis (2008)

Philippe Rombi compose, arrange en autodidacte, et dirige lui-même l’orchestre lors des enregistrements, voire interprète régulièrement les parties de piano solo. Il a eu le plaisir de diriger le London Symphony Orchestra pour Joyeux Noël, un des plus beaux cadeaux qu’on a pu lui faire, et le plus souvent il dirige l’Orchestre Symphonique Bel Arte. Pour les jeux Olympiques de Pékin, il a écrit un poème symphonique, « Symphonic Hymn for Harmony »

Ses rapports avec les réalisateurs sont les mêmes que ceux qu’ont de nombreux compositeurs. Le réalisateur n’a pas souvent d’idée pour sa musique, c’est un élément qu’il maîtrise moins. Il cache son complexe quelquefois en prenant un consultant. Donc, c’est souvent compliqué pour travailler ainsi. Il y a des réalisateurs qui sont des musiciens frustrés, et donnent des indications sur la forme, comme le choix d’un instrument pour une séquence. Ils vont même jusqu’à mettre des musiques témoins sur le montage, comme on le fait aux États-Unis, pour illustrer musicalement tout le film avec des musiques existantes. Ce qui peut être utile, mais s’avère aussi parfois catastrophique, car on s’habitue à ces musiques. Ce fut le cas de Kubrick avec Alex North, le compositeur de Spartacus, qui a écrit aussi une musique pour 2001, Odyssée de l’espace, et que celui-ci a rejeté, tellement il était habitué à la musique qu’il avait mise pour le montage.

Si un réalisateur lui dit qu’il faut du doux-amer, de l’ambigu ou du sensuel, Rombi reconnaît que cela lui parle plus qu’une phrase du type « je pense que des glissandos de violon avec un solo de basson à ce moment-là, ce serait parfait… ». Pour lui c’est insupportable. C’est son métier de mettre ce qu’il faut pour traduire leurs envies. Et puis, les termes trop techniques peuvent les induire en erreur. Certains réalisateurs ont peur de se faire avoir, et que le compositeur tire la couverture à soi, impose son style à tout prix. Pour Rombi, le but est, quand même, de composer ce qui marche pour le film, et non la musique que le réalisateur écoute à la maison. C’est un cas de figure qu’il rencontre parfois avec les réalisateurs. Ils mélangent les deux. Il a déjà refusé un film pour cette raison. Pour certains films, il a lu le scénario, il connaît le casting. Parfois il n’a rien, ne voit rien, et c’est à la fin du film monté qu’il découvre sur quoi il doit écrire la musique. Souvent, le manque de temps est le premier handicap pour composer.

D’une manière générale, la musique de Philippe Rombi est de facture classique, souvent romantique, avec de grandes envolées lyriques. Il aime les grands orchestres qui donnent une largeur, une belle texture à ses musiques. Souvent symphoniques, elles ont un thème mémorisable, car comme il le dit, il aime composer « des musiques savantes abordables pour tous ». Elles doivent pouvoir être écoutées sans le support de l’image, même si, au départ, elles ne sont pas écrites dans ce sens. C’est pourquoi elles sont toujours agréables à écouter en CD. Il lui arrive de les retravailler, de les arranger, de les adapter pour le report.

Le tandem Ozon / Rombi a évolué au fur et à mesure des années. Du film Les Amants Criminels à la Dans La Maison, ce seront 13 ans de musique et de recherche pour servir au plus près l’histoire, sans être pour autant redondant. Ozon, au départ, avait une culture musicale très générale, et Philippe Rombi, lui, avait déjà fait plus de 20 courts-métrages. Leur travail en commun n’a jamais été identique : tâtonnements, essais pendant le montage, entretiens avant tournage, lectures de scénario, toutes les formes de collaboration ont été employées. La première composition avec Ozon est Les Amants criminels. C’est une musique dissonante, ostinato, qu’il a écrite pour la séquence de la poursuite dans les bois. Il y avait, au départ, un adagio pour cordes de Dvořák, pour la fin du film. Il a proposé un adagio original, qui après de nombreuses écoutes, a été monté pour la fin et le générique. Dans Swiming Pool, il s’est amusé à proposer des doublets musicaux, comme le duo confié à Rampling/Sagnier. Sorte de musique en miroir. Du symphonisme intimiste, telle est l’analyse de Cécile Carayol. C’est grâce à ce film, et à la corrélation parfaite musique / image, que Philippe Legay, non satisfait du musicien qu’il avait pris, demanda à Rombi de refaire la bande sonore de Le Coût de la Vie. Il lui proposa une sorte de danse de l’argent à base de cordes, bois et clavecin. Legay était ravi.

 

Dans Angel, Rombi va écrire une grande composition symphonique romantique, à l’aune de cette histoire pleine de passion. Une musique assumée sans complexe, dans la tradition de Max Steiner, et des musiques Hollywoodiennes d’antan. Après une musique totalement atonale pour Ricky, Rombi s’est accordé avec Potiche, une friandise, une musique comme le faisait Françis Lai, et comme il en existait pour les comédies des années 70. Le thème, au début du film, est totalement sifflé ! Pour Deneuve et Depardieu ce sera un thème sentimental, une valse. Pour Dans la maison, ce sont des cellules rythmiques, à la manière de Philippe Glass ou de John Adams : une musique symphonique minimaliste avec présence de piano, et violoncelle mis en second plan.

Son travail sur Une Hirondelle a fait le Printemps a été un concours de circonstances de production, comme il en arrive de temps en temps. Christian Carion, de culture pop, écouta de nombreux compositeurs, mais rien ne lui plaisait. Rombi, venu pour un autre film, qu’il n’a pas fait finalement, avait laissé un CD avec quelques musiques. En 2001, son travail était encore bien maigre. Il y avait celui de Sous le Sable, film qu’avait apprécié Carion. Mais c’est avec Une Hirondelle a fait le Printemps que Rombi fait une musique de film qui sera son premier succès public. En 2005, Carion lui confiera la musique de Joyeux Noël. Il commença à écrire le thème pour la fanfare, et proposa un Ave Maria original pour ne pas tomber dans les sempiternels Ave Maria de Gounod ou de Schubert. Il a eu une bonne idée, car Nathalie Dessay l’a chanté pour le film, puis en concert, et l’a reprise sur l’un de ses disques. Le thème de la fanfare est devenu celui du film. Dany Boom, qui joue dans le film, apprécia son travail. Mais, pour lui, Philippe Rombi était un compositeur de films sérieux, et non de comédies.

Lorsqu’il réalisa son premier film, La Maison du Bonheur, Boon, amateur de jazz, bonne oreille musicale, perfectionniste, raffiné, pas satisfait de la musique qu’il avait, demanda à Rombi, après avoir entendu celle de Mensonges et Trahison, comédie de Laurent Thirard, de lui sauver le coup. Il lui écrivit une musique symphonique de comédie, que Boon accepta. Le temps manqua, c’était la panique générale. Mais finalement une composition, comme celle des comédies américaines, put être enregistrée à temps. Rombi composera trois films pour Dany Boom, dont celle de Bienvenue chez les ch’tis. A la lecture du scénario, Philippe Rombi le trouva si drôle qu’il proposa une musique tendre, populaire, comme pour une fable, afin qu’elle ne soit pas redondante : les situations étaient déjà assez comiques, il ne fallait pas en rajouter. C’est ainsi qu’est née la fameuse valse des ch’tis. Il réalisa une musique originale pour les carillons. Le traveling musical des carillons, à la musique symphonique, est un grand moment de musique de Philippe Rombi, qui avec ce film, enregistrera son plus gros succès. Rien à déclarer marquera sa troisième collaboration avec Dany Boon.

Avec La Nouvelle Guerre des Boutons, de Christophe Baratier, et Hollywoo, de Frédéric Berthe et Pascal Serieis, Rombi continue, en 2011, dans la musique de comédie.  Pour Jeux d’Enfants (2003), film sensible et drôle de Yan Samuel, il composera une musique symphonique très rythmée qui fut remarquée et appréciée.

Les musiques de Rombi, souvent émouvantes, aux thèmes reconnaissables et aux orchestrations riches et subtiles, sont aujourd’hui appréciées du public et des musiciens, et sont jouées régulièrement par des orchestres dans le monde entier. Rombi passe du drame à la comédie, du thriller à la romance, avec facilité, et on sent que son enthousiasme d’enfant n’a pas été altéré, malgré les difficultés d’être un compositeur sincère de musique de films. Hollywood lui fait les yeux doux. Souhaitons-lui la même carrière que ses aînés. Jeune et Jolie, le prochain film d’Ozon, est déjà habillé de sa musique !

Cécile Carayol : Une Musique Pour L’image, vers un symphonisme intimiste dans le cinéma français ». Presse Universitaire de Rennes, 2012.

Quelques musiques de Philippe Rombi

1999 : Les Amants Criminels de François Ozon

2000 : Sous le sable de François Ozon

2001 : Oui, mais… de Yves Lavandier

2001 : Une hirondelle a fait le printemps de Christian Carion

2003 : Swimming pool de François Ozon

2003 : Le coût de la vie de Philippe le Guay

2003 : Jeux d’enfants de Yann Samuell

2004 : Le rôle de sa vie de François Favrat

2004 : Comme une image de Agnès Jaoui

2004 : Mensonges et trahisons et plus si affinités de Laurent Tirard

2005 : Joyeux Noël de Christian Carion

2006 : La maison du bonheur de Dany Boon

2007 : Angel de François Ozon

2007 : Du jour au lendemain de Philippe le Guay

2008 : Bienvenue chez les Ch’tis de Dany Boon

2008 : La Fille de Monaco de Anne Fontaine

2008 : Un homme et son chien de Francis Huster

2009 : Ricky de François Ozon

2010 : Potiche de François Ozon

2011 : Rien à déclarer de Dany Boon

2011 : La nouvelle guerre des boutons de Christophe Barratier

2011 : Hollywoo de Frédéric Berthe et Pascal Serieis

2012 : Dans la maison de François Ozon

2013 : Jeune et Jolie de François Ozon

 

Articles similaires

Laisser un commentaire