Les Russes ont-ils déserté les galeries parisiennes ? Ils seraient aujourd’hui dans le sud de la France ou à Monaco. Certains galeristes pensent qu’ils ne trouvent plus la peinture qui leur convient ? Nous avons décidé de faire un tour dans les rues des galeries parisiennes et commençons par la rue de Miromesnil, à deux pas de l’Elysée.
C’est une rue à problèmes ! Les trottoirs sont étroits, la circulation assez dense, donc il est très compliqué de s’y arrêter et vu le quartier, la police est vigilante. C’est dans les premiers numéros de la rue que l’on trouve les galeries. Juste au début au coin de la rue du Faubourg Saint Honoré, il y a une superbe librairie – Librairie Lardanchet – tenue par Thierry Meaudre. Elle est spécialisée dans les livres et documents sur l’art ; elle travaille et connait mieux les galeristes de la rue Matignon ou St Honoré que ceux de la rue de Miromesnil ! Tant pis pour les renseignements ! Un peu plus loin on trouve un tabac tenu, comme la plupart à Paris, par des Chinois. Ils ne s’intéressent ni à la peinture et ni à ces voisins qui sont peut-être leurs clients! A deux pas, au 9 exactement, un café brasserie le Beauveau, oui ça ne s’invente pas ! Le Beau est de trop ! Il est la caricature du café-restaurant parisien ; à savoir cette forme de « bofitude » qui fait fuir les touristes, cette forme de non amabilité et du concept touriste-con de payeur. Un régal pour guides touristiques dans la rubrique à éviter qui fait partie du charme parisien avec les taxis.
La première remarque que l’on peut faire en visitant ces galeries est que, bien qu’elles soient côte à côte, leurs propriétaires ne se connaissent pas et ne savent pas ce que proposent leurs voisins ! Aujourd’hui la clientèle est surtout américaine, mais les attentats derniers l’ont fait fuir; ils reviendront, paraît-il, dans deux mois, au printemps. Le choix de ce que proposent ces galeries est assez éclectique. Au 21, la Galerie Omagh, est une belles galeries sur l’Ecole de Nice. Des œuvres d’Arman, Klein, César, De Saint Phalle, Ben, mais sont exposées aussi Klasen, Erro, Garouste, Gully. On y trouve paradoxalement des orientalistes de grandes qualités – c’est madame qui s’en occupe – Au même numéro la Galerie Delorme. Elle existe depuis trente ans ! Bien sûr on trouve du Delorme mais aussi de belles toiles de Voldere. Combas, di Rosa, Klasen, sont présents ainsi que Esteve ou André Lanskoy, un peintre russe, de ce qu’on appelait « La Nouvelle Ecole de Paris » ; les Russes ont beaucoup contribué à ce mouvement ; ces artistes du début du XXème siècle sont-ils trop abstraits pour la nouvelle clientèle russe? Au 18 on trouve la Galerie Fanny Guillon-Lafaille grand spécialiste de Raoul Dufy, une peinture facile d’accès ! La galerie Lila Pepino propose des artistes street art, des artistes résolument contemporains ! Au 19, à la GZ Gallery on est reçu avec beaucoup d’amabilité par un jeune homme sympathique; elle va se déplacer ; c’est en chambre qu’elle présentera dorénavant ses artistes du côté de l’avenue Victor Hugo. En exclusivité elle a Le ModuleLedezeer, street artiste qui dès les années 2000, mit au point son «module », un motif faussement répétitif absurde et poétique. D’autres artistes qui ont commencé dans la rue s’affichent chez elle, comme Miss Tic ou Marc Jenkins ; on y trouve des célébrités comme Combas, Monory, Erro, Futura 2000 ; elle expose aussi la photographe Kimiko Yoshida et des œuvres impressionnantes de réalisme de Philippe Pasqua très influencé par Bacon ou Freud ; certaines de ses œuvres sont accrochées au musée d’art moderne de Moscou – Pour tous renseignements galeriegz@gmail.com –
Vous avez dit Russe ? Mais il y en a un qui a pratiquement son musée ! Il est né en Ukraine en 1898 et mort en France en 1931, c’est Abraham Mintchine ; lui aussi a fait partie de cette fameuse « Ecole de Paris » ; C’est à la galerie Massimo Veroli que l’on peut trouver ses tableaux. C’est d’ailleurs Veroli qui a rédigé en 1981, avec des compléments en 1989 et 2005, un catalogue raisonné. Ce n’est plus une galerie mais un musée à la gloire de ce grand peintre. La Galerie Russkiy Mir est la galerie Russe par excellence ; elle au 7 de la rue. Elle a ouvert ses portes en 2008 et a inauguré son arrivée rue de Miromesnil par le vernissage et l’exposition du peintre russe Illarion Golitsyn dont les œuvres font partie de l’exposition permanente de la Galerie d’état Tretyakov à Moscou. Depuis, cette galerie se spécialise sur les artistes russes de la deuxième moitié du XXème siècle. Son objectif est de faire redécouvrir et de promouvoir l’art russe au sens large du terme dans toute sa diversité. Après sa dernière expo on ne sait si elle va rouvrir ? A côté, la galerie Scot. C’est une peinture très classique, figurative, avec des artistes influencés par les Nabis comme Marthe Orant, ou des artistes comme Carré, Peske, Jeanne Lourier et d’autres, insensibles aux courants de la peinture contemporaine. En face au 12, J.B.F. Editions d’Art, une petite et sympathique galerie est tenue par Alexis Amiot le fils de Jean Amiot qui a créé ce lieu ; elle s’est spécialisée autour du travail de Salvador Dali ; un musée sur cet artiste, le Dalineum, a été ouvert à Beaune par Jean Amiot .
Chez JBF on trouve aussi le travail de Roman Veillon du mouvement « Urbex », de belles photos sur des lieux abandonnés, en friche, on peut y voir quelques « objets » assez amusants de Bruno Marty et des œuvres postpopart d’Eric Liot. Theosabrata, designer, propose des fauteuils « ergonomiques ». Au 15 la galerie Dil de Marc Boumedil propose en permanence des œuvres anciennes de Buffet et à l’étage de magnifiques tableaux de Lorjou. Sam Szafran, Jean Hélion, Georges Matthieu y sont aussi représentés ainsi que certain peintres étrangers comme Vieira Da Silva, Picasso ou Chagall. Kaloum Chhour peintre d’origine chinoise dans le courant de l’abstraction poétique est exposé lui chez Visio dell Arte au 13 de la rue. Mais tous les peintres de cette galerie se retrouvent aussi à Visio dell Arte à New York. Au 11 dans la galerie Avant-Garde il y a des œuvres d’artistes d’arts décoratifs du XXème siècle. Meubles, luminaires, sculptures, gravures, gouaches, mis en place dans un joyeux désordre est un bonheur des yeux. Gromaire, Jouve, Timmers, Jipp, Maire… côtoient Adnet, Breuer, Gray, Trabert sous le regard de portraits dessinés par Bilal. Ainsi pratiquement toutes les galeries sont regroupées entre ces quelques numéros de la rue ; plus éloignée dans la rue, au 29, La Galerie Villain a fermé ses portes après trente ans d’existence !
Au même numéro c’est celle d’Annick Mancheron. Elle a quitté, forcée, le Louvre des Antiquaires pour s’installer dans cette rue. Elle présente un large choix de peintures, de sculptures et de dessins du XIXème et XXème siècles de grandes qualités ; une peinture « classique » qui ne peut que ravir les amateurs de belles peintures. Pourquoi pas les Russes alors ? Mystère ? La prochaine visite dans les rues avoisinantes nous apprendra peut-être si ces collectionneurs viennent encore… à suivre !