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« HÔTEL DROUOT » : PIERRE BELLEMARE ET SA COLLECTION D’ART POPU

Hôtel Drouot

Le 28-29 mai 2019

Dans le giron de l’Hôtel Drouot, on y entre comme dans un moulin : l’institution parisienne offre le bon grain et l’ivraie à la ferveur des badauds.

Bien au fait des enjeux contemporains, le Rez-de-chaussée accueille une exposition d’œuvres questionnant les limites entre l’art et l’artisanat. Leur vente doit ouvrir un marché en pleine réforme profonde après des errances remarquées.

Alors Drouot tente de redorer son blason, de se démocratiser autant que faire se peut : un vent printanier court au travers de ses couloirs nosocomiaux.

 

Car on suppose que le peuple sera la garantie, la caution, le garde-fou face à la cooptation et l’entre-soi.

Et il faut reconnaître que la fièvre s’attrape aussi facilement que le décrivaient déjà Balzac ou Zola.

A propos de monuments littéraires, on célèbre cette semaine une icône télévisuelle : la collection d’art populaire de Pierre Bellemare. Elle est dispersée ces jours-ci par Ferri.

Le pape du télé-achat, dont on connait les bonnes œuvres pour les plus démunis, attire aujourd’hui des ouailles de la première heure en col blanc, accoutumés à ceux rouges, et des curieux qui découvrent l’Escalator.

Dans ce temple du marché secondaire, où l’on achète et vend d’un geste infinitésimal, comme par un soubresaut reptilien, une vente chez Aguttes d’une autre figure emblématique gravée dans les mémoires collectives : Napoléon. Les plus hardis nostalgiques sont en extase devant une paire de chaussettes du Dauphin.

Et effectivement, l’exposition de la collection d’art populaire de Pierre Bellemare donne à voir autant de témoins d’un passé révolu, et pourtant pas si loin. Ces objets désuets fascinent, ils racontent une histoire, une géographie dissolue dans l’industrie des masses obsolescentes qui produit dans des quantités innombrables et déjà dépassées.

Alors on s’attache sensiblement à des petites pièces de bois, de métal qui nous rappellent à la matière qui dure, elle. Tous les sens sont en éveil : la formule de Proust nous presse de caresser les veines d’un cheval de manège dont subsistent quelques traces de polychromie, les sillons d’un moule à spéculos, on cherche la fonction d’outils oxydés.

Après cette approche haptique, on se sent bercé par le parfum d’un charmant bouquet sur des pièces d’atelier, une boite à musique fin XIXe poursuit le voyage. On se perd alors dans les remplages floraux, presque abstraits, de plioirs à dentelles, quand on sait ce que c’est.

Car autant dire que cette exposition a quelque chose de philosophique, de l’étonnement et de l’émerveillement platonicien : devant la surprise de l’étendu de notre ignorance, on s’interroge sur l’origine, l’histoire, la vocation de ces curiosités pourtant bien de chez nous et pourtant… Et pourtant, que la madeleine est belle. Devant ces totems d’un autre âge, on se prête à un jeu dialectique. On se questionne entre apprentis, on se pâme devant un fantasme patriote.

Mais dans ce cabinet hétéroclite d’objets séculiers, qu’est-ce qui est art, qu’est-ce qui est de l’artisanat ?

La maison Ferri incite à penser que la distinction n’a plus lieu d’être, seul compte le plaisir devant l’histoire, l’enchantement devant des gestes imaginaires, d’illustres inconnus signant leurs possessions par acquis de conscience, l’émerveillement face à d’humbles chefs-d’œuvre presque brut.

Dubuffet effectivement aurait salué la démarche : reconnaître l’art à des éléments aussi insignifiants (cartonnés, troués, rouillés) a priori et qui ont vu l’homme, l’animal, le climat changer, se distinguer, s’affronter.

Aujourd’hui et demain à 14h, pressez-vous seul ou en famille à la vente qui promet un ravissant spectacle et un pincement au cœur inévitable si l’on ne parvient pas à mettre la main sur ce qui pourrait être dans la cave de Grand-papa ou dans la brocante de dimanche.

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