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« MAISON DE LA RADIO ET DE LA MUSIQUE » : FESTIVAL PRÉSENCES 2021 – PASCAL DUSAPIN 3

Radio France

116 Avenue du Président Kennedy

Paris 75016

Festival Présences jusqu’au dimanche 7 février 2021

La deuxième soirée de Présences : mercredi 3 février au Studio 104 à 20h

JEAN BARRAQUÉ
Pièces pour piano (création à Paris)
PASCAL DUSAPIN
Jetzt Genau ! – Concertino pour piano et six instruments
JEAN BARRAQUÉ
La Nostalgie d’Arabella (création mondiale)
PASCAL DUSAPIN
Piano works pour piano
(commande de Radio France – création mondiale)
JEAN-FRÉDÉRIC NEUBURGER piano
ISABELLE DRUET mezzo-soprano
ENSEMBLE CAIRN
GUILLAUME BOURGOGNE direction

Oublions la soirée d’ouverture, c’est dans l’intimité du studio 104 qu’on a vécu une soirée exceptionnelle et d’une grande intensité. Un concert en miroir entre Dusapin et Barraqué, entre œuvres pour piano et pièces pour orchestre d’une grande originalité.

Jean-Frédéric Neuburger, pianiste impressionnant et compositeur de talent, a interprété des œuvres de jeunesse de Jean Barraqué, entre 19 et 20 ans, une création à Paris. En peu de temps on a pu remarquer l’évolution stylistique, deux ans à peine, de ses compositions, des influences debussystes au courant sérialiste. La soirée était bien engagée par l’extrême talent et du pianiste et du compositeur.

©DR

Jean-Henri-Alphonse BARRAQUḖ est né le 17 janvier 1928 à Puteaux et décédé le 17 août 1973. Proche de Michel Foucault, avec qui il eut une histoire d’amour orageuse, il s’est passionné au fur et à mesure de ses recherches musicologique pour la musique sérielle. Il a commencé très tôt à écrire. C’est dans les années 1940 qu’il a cette révélation en écoutant la huitième de Schubert, l’inachevée. Créateur exigeant à la courte carrière, son œuvre ardue et inachevée, voire hermétique, est considérée comme majeure. Elle s’inscrit dans le courant musical français de l’après-guerre. Bien qu’élève de Messiaen, il reste un compositeur indépendant à l’écriture rigoureuse et concise, une musique qui s’invente sur elle-même et se détruit à mesure. De 1951 à 1954, il collabore avec le GRM dans le studio de musique électronique de la RTF fondé par Pierre Schaeffer, initiateur de la musique concrète. Le musicologue Philippe Barraqué souligne que la peur existentielle est constamment présente dans la musique de Barraqué, son obsession morbide face à l’inéluctable, ce destin implacable transparait dans la fulgurance de sa musique vouée à l’échec, inaboutie, suspendue, gardant intactes les vertiges de sa créativité démesurée, à jamais non révélée.

Sans quitter son piano Jean-Frédéric Neuburger avec l’ensemble Cairn sous la direction de Guillaume Bourgogne ont interprété un Concertino pour piano et six instruments Jetzt Genau ! de Pascal Dusapin. Six instruments dont on n’a pas l’habitude de mettre ensemble : piano solo, clarinette (et clarinette basse), trombone, percussion, harpe, violoncelle et contrebasse. Ainsi dit-il « dans ma partition aucun instrument ne peut guère se cacher derrière un autre ». Commandée par la ville de Karlsruhe pour les 60 ans de Wolfgang Rihm, il a été créé le 18 mars 2012. Ce mot allemand, Jetzt Genau, signifie tout à fait ou précisément, Dusapin s’exprime ainsi : « …il me semblait parfaitement s’adapter au chiffre 60. Je m’amuse toujours de l’entendre en Allemagne où il ponctue à peu près presque chaque fin de phrase ». Œuvre assez biscornue, comme Dusapin sait les écrire et que les musiciens s’amusaient à jouer (l’ombre d’Eric Dolphy ne serait-elle pas présente ?)

Face à ce concertino une création mondiale de Jean Barraqué même si elle date de 1949 : La Nostalgie, d’Arabella sur un poème de Maurice Beerbloch, le père de son ami de lycée François. La formation est asse originale : voix, trompette, piano et 3 percussions. Même si on ressent quelques influences stravinskienne ou de Bartok, c’est une composition très personnelle de Barraqué. Avec la voix de cette magnifique mezzo-soprano, Isabelle Druet et du talent de la pianiste Caroline Cren, c’était un moment d’intense émotion.

Face aux compositions de Barraqué, Jean-Frédéric Neuburger est revenu sur scène pour interpréter Piano Works pour piano, 5 compositions dont Repetition Cancels Memory, When Not To Stop sont des créations mondiales, Black Letters avait été créée au Louvre pour l’exposition de Pierre Soulages en 2020. Ce cycle comporte cinq pièces qui toutes portent un nom extrait d’un livre très conceptuel de l’artiste allemand Stefan Brüggemann, intitulé Showtitles, proposant 2 182 titres libres de droits, disponibles pour nommer à peu près ce qu’on veut… En le feuilletant, Dusapin s’en est inspiré donnant à son imagination toutes sortes de configurations possibles. Pour les jouer il faut un total engagement physique, Neuburger fit une pose après l’une d’elles tant elles sont complexes. Pascal Dusapin aime bien faire jouer le piano en pensant à un autre instrument, et considérer cet instrument comme un orchestre. Ces 5 pièces sont de véritables petits chefs-d’œuvres, mais pas à mettre sous tous les doigts. Par rapport au piano Pascal Dusapin se raconte : Je me suis très longtemps méfié de cet instrument qui m’avait tant contrarié dans mon adolescence, le piano est devenu de plus en plus important. Ces nouvelles pièces sont donc des reflets, des explorations, des catalyseurs et quelquefois même des débords d’autres pièces plus grandes. Je n’ai pas de piano dans mon atelier, mais finalement, j’ai appris en écrivant pour lui que je l’aimais. Et même si je reste toujours traversé à son sujet par des affects contrariés, je n’en ai pas fini avec lui »

Présences nous a proposé une soirée d’exception, on aura sûrement de belles découvertes à venir tant il y a de commandes faites par Radio France et des compositions de Dusapin à entendre, par exemple ce jour :

Concert du jeudi 4 février à l’Auditorium à 20h

ÉRIC TANGUY
Strange Times, pour orchestre
(commande de Radio France – création mondiale)

PASCAL DUSAPIN
Outscape, concerto pour violoncelle et orchestre
(version révisée – création mondiale)

NINA ŠENK
Beyond, pour clarinette solo
(commande de Radio France – création mondiale)

PASCAL DUSAPIN
Extenso, solo pour orchestre n° 2 

ARMAND ANGSTER clarinette
VICTOR JULIEN-LAFERRIÈRE violoncelle

ORCHESTRE NATIONAL DE FRANCE
KRISTIINA POSKA direction

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