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« MUSÉE GUIMET» : PIANISSIMES – Andrzej Wiercinski

Pianissimes

Musée Guimet – 6 place d’Iéna – 75116 Paris

lundi 27 Janvier 2020

Domenico ScarlattiSonates K1, K159, K450
Frédérique Chopin :
Nocturne en si majeur op.62 n°1   
Etude en la bémol majeur op. 10 n°10 
Etude en la mineur op. 25 n°11 « Le vent d’hiver »  
Scherzo n°1 en si mineur op. 20   
Scherzo n°4 en mi majeur op. 54
Ballade n°4 en fa mineur op. 52

Sergei Rachmaninov : Variations sur un thème de Corelli op. 42

Andrzej Wiercinski, piano

©DR

Andrzej Wiercinski a 24 ans. Il s’avance résolument sur la scène de l’auditorium du Musée Guimet. Comme Chopin, il est pianiste et avec un peu d’imagination, ce jeune virtuose polonais pourrait lui ressembler. Il s’installe devant le Steinway, se concentre longuement, passe la main dans ses cheveux blonds, étend ses bras et détend ses doigts avant de plonger dans la musique. Il attaque doucement l’instrument, au plus près du clavier, avec Domenico Scarlatti, l’auteur des 550 sonates.

La sonate K1 en ré mineur, la première du seul recueil paru du vivant du compositeur vaut par une succession de trilles. Le jeune pianiste montre d’emblée la force de son jeu. Il alterne les passages piqués avec ces trilles que ses doigts restituent avec la finesse nécessaire à l’interprétation de Scarlatti. Sonate courte, apparemment facile, comme toujours chez ce compositeur, mais qui demande une belle maîtrise du doigté.

Avec la sonate K159, la facilité d’aborder les ornements, genre trilles ou mordants, se confirme et la légèreté est largement assumée par la brièveté des attaques, ce qui donne tout son charme à cette sonate et à son thème de musique de chasse.

La sonate K 450 est un court morceau où encore Andrzej Wiercinski imprime son élégance, sa marque, à cette musique exactement contemporaine de Jean Sébastien Bach et Georg Friedrich Haendel. Le pianiste semble raffoler de ce tango qui rythme la sonate entière avec de nombreux ornements et croisements de mains, agiles comme des acrobates.

Après ces préliminaires baroques, revenons aux racines de notre pianiste : la Pologne et Frédéric Chopin. Le pianiste, nous l’avons compris, a ostensiblement pris le parti de la virtuosité. Le Nocturne en si majeur op 62 n°1 commence par chanter jusqu’à la rupture de la mélodie et à partir de cet instant Andrzej Wiercinski transcende le morceau grâce à son toucher précis et puissant; le nocturne trouve ainsi son expression pathétique.

Les Etudes opus 10 sont dédiées à Franz Liszt qui, tout virtuose qu’il était, les trouvait injouables.

La n°10 en la bémol majeur qui n’est pas la plus mélodique requiert une agilité des doigts, du poignet et même du bras; voilà qui convient à notre jeune pianiste. Chopin avait son âge lorsqu’il publia ce premier recueil des Etudes.

Avec ‘Le Vent d’hiver“, étude n° 11 de l’opus 25 en la mineur, là encore notre jeune polonais peut rendre un magnifique hommage à son célèbre compatriote en faisant souffler un vent qui submerge la salle ; la main droite se déchaîne dans un chromatisme affolant pendant que la main gauche expose le thème à coups d’accords vigoureux d’une justesse impeccable.

Suivent les deux Scherzos n°1 et n°4, moins violents, mais tout aussi virtuoses, domaine de prédilection de notre pianiste de ce soir.

Avec La ballade n°4 en fa mineur op 52, beau retour au romantisme. Le premier thème lent (composé à Nohant, du temps de la passion George Sand-Chopin) très sentimental, décliné en arpèges où Andrzej Wiercinski se complaît un peu dans un bain de pédale, ce qui donne du romantisme une vision trop sucrée; mais dans la deuxième partie, grâce à sa solide technique, le pianiste renoue avec une virtuosité énergique sans oublier que cette ballade inspirée comme les autres par Mickiewicz reste un magnifique poème.

Avec Les Variations sur un thème de Corelli op 42, composées près d’un siècle après les Ballades de Chopin, Andrzej Wiercinski ne s’éloigne guère d’un romantisme que Rachmaninov a mâtiné avec des accords de jazz. Ceux-là donnent leur rythme à plusieurs des variations qui n’hésitent pas à swinguer ! Là encore la virtuosité est reine et sans vouloir blasphémer l’interprétation, la main gauche sonne comme les basses de Gould dans certains préludes alors que la main droite puissante et limpide s’apparente à celle d’un Richter ou d’un Rubinstein, ce qui n’est pas un mince compliment.

Rachmaninov racontait qu’il jouait ces Variations en se fiant à la toux des auditeurs ; si le public toussait trop il n’en jouait que 10. A New York il s’était arrêté à 18. Ce soir, nous avons entendu l’intégrale des Variations, le public parisien des Pianissimes sait respecter les interprètes !

Encore une fois Olivier Bouley a rempli parfaitement son rôle : nous faire découvrir un jeune pianiste plus que prometteur.

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