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« PAUL ROBESON » : Un Américain le plus célèbre du monde aux oubliettes de l’Histoire !- Gerald Horne

PAUL ROBESON

Une biographie de Gerald Horne

traduite par Joëlle Marelli.

Édition Otium – Collection l’Autre Amérique

332 pages – 2020

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En ces temps troublés de colères raciales qui n’en finissent pas de finir, Gerald Horne revient sur la vie de ce militant, artiste, athlète qui a vécu une ascension et un déclin spectaculaire sans équivalent dans l’histoire des Etats-Unis. Il a était reçu par toutes les sommités du monde politique international, du spectacle, de tout Hollywood dont il en a fait partie, puis est mort en 1976 reclus dans une demeure modeste dans un quartier ouvrier de Philadelphie. Toute sa vie il s’est rangé du côté de ceux qui se battaient pour faire advenir le socialisme au détriment de sa carrière artistique (qui a été brillante) en faveur de la lutte contre le système Jim Crow (voir la série Jazz Messengers) et toutes les formes d’apartheid. Ses combats et sa pensée ont fécondé des œuvre-vies aussi diverses que celle de James Baldwin, Harry Belafonte, Malcom X, Martin Luther King ou Nina Simone.

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Son rayonnement international était tel dans les années 1930-1940 que même à son apogée Martin Luther King ne l’a pas atteint. Cet ouvrage, très bien documenté, permet de prendre toute la mesure de la vie de Paul Robeson et de ses engagements. Sans lui ses successeurs n’auraient pas existé ! De l’Est à l’Ouest, du Nord au Sud de la planète il était adulé et ses chansons étaient fredonnées par des millions de personnes !

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Cet athlète d’un mètre quatre-vingt-dix et de cent kilos aurait pu être champion du monde de boxe; il a été un des plus grands joueurs de football. Coretta Scott King, la femme de Martin Luther, dans l’éloge de sa mort en 1976 l’évoqua en ces termes : « ..L’un des plus magnifiques artistes des plus brillants esprits et des plus grands champions des droits humains qui aient vécu en ce siècle », en 1983 l’intellectuel trinitéen C.L.R James déclara : « ..je ne crois pas qu’aucun être humain au vingtième siècle…ait obtenu une célébrité et une reconnaissance mondiales équivalent à celles de Paul Robeson ». Inutile de dire que le gouvernement des E.U le regardait d’un mauvais œil à l’époque de la guerre froide. Il lui empêcha même de sortir du territoire et ses chansons étaient blacklistées sur les radios. La Grande Bretagne, elle, l’a reçu à bras ouvert. Sa voix résonne encore aujourd’hui et il sera longtemps cette basse exceptionnelle qui chante cet air si ambiguë dans la comédie musicale Show Boat réalisé par George Sydney : « Old Man River ». Pour la petite histoire c’était Lena Horne qui devait avoir le rôle qu’interprète Ava Gardner, mais étant noire elle ne fut pas retenue…le film devait pouvoir être distribué dans le sud…

Le livre est passionnant à plusieurs titres. Outre qu’il raconte brillamment dans un style clair et précis (belle traduction) la vie fascinante de Paul Robeson : né en 1898 à Princeton – son père esclave en Caroline du Nord, s’enfuit à l’âge de 15 ans, fait de études et devient pasteur – il devient athlète, fait des études d’avocat, chante et joue la comédie (premier acteur noir a devenir célèbre)

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…on revit aussi tout un pan d’une époque trouble avec les guerres, la guerre froide, les luttes contre le colonialisme, l’apartheid et bien sûr les luttes intestines contre la ségrégation qui ronge encore les Etats-Unis.

  

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Gerald Horne est un historien spécialiste de l’histoire africaine-américaine, il a écrit de nombreux ouvrages sur le sujet. Il est professeur à l’Université de Houston. Il a écrit en 2016 cette biographie et elle a été traduite par Joëlle Marelli avec beaucoup de soin. Horne est marxiste, on peut comprendre son engouement justifié pour Paul Robeson et pourquoi les éditions Otium (coopérative ouvrière) l’ont édité. « L’un des tournants qui conduisirent à sa chute saisissante fut son face-à-face, à la Maison-Blanche, avec le président des États-Unis Harry S. Truman, à qui il reprochait l’apathie de Washington devant les lynchages d’Africains-Américains. ». Comment peut-il être voué aux oubliettes de l’histoire, à l’endroit même où le KKK et le Maccarthysme voulurent le reléguer ? Les Etats-Unis ont la mémoire courte. Horne termine son livre par ses lignes : « Paul Robeson était suffisamment perspicace et courageux pour reconnaître la nécessité d’un mouvement international afin de sauver le monde du fascine et du colonialisme – mais aussi de la ségrégation. Ce descendant polyglotte d’Africains réduits en esclavage, pour lequel l’étude passionnée des langues devait notamment illustrer l’essentielle unité de l’espèce humaine, a incarné un slogan qui est toujours celui de notre siècle : Travailleurs de tous les pays, unissez-vous ! ». Un livre indispensable pour comprendre encore aujourd’hui, l’ordre du monde et comment son Histoire a toujours le hoquet !

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