Musée du Jeu de Paume :« Le Super Marché des Images »
1 Place de la Concorde, 75008 Paris
jusqu’au 7 juin 2020.
Le titre découle du livre éponyme Le Supermarché du visible, Éditions de Minuit, 2017 du philosophe et commissaire de l’exposition Peter Szendy.
Dès l’entrée du musée on est saisi par le gigantisme de l’œuvre de Evan Roth Since You Were Born, une multitude de photos couvrent les murs de l’entrée. Une belle introduction pour cette exposition curieusement intéressante. Aujourd’hui plus de trois milliards d’images sont partagées chaque jour sur les réseaux sociaux. Face à une telle surproduction d’images, se pose plus que jamais la question de leur stockage, de leur gestion, de leur transport (fût-il électronique) et des routes qu’elles suivent, de leur poids, de la fluidité ou de la viscosité de leurs échanges, de leurs valeurs fluctuantes, la question de leur économie. Les photographies, dessins, peintures, vidéos, films, œuvres numériques et installations multimédia présentés posent la question de notre rapport à l’esthétique. Est-il modelé par le système économique contemporain ? Nous sommes là devant un vrai bouleversement.
C’est une exposition passionnante à voir peut-être plusieurs fois car elle n’est pas d’un abord évident tant les œuvres sont diverses et complexes à déchiffrer. Ici est étudié plutôt l’aspect économique de la vie des images sous le terme d’iconomie.
© Sylvie Fleury
On passe d’un caddie à une multitude de pellicules 35 millimètres en passant par des graphiques, des vidéos, des écrans de pixels, d’installations,
©Almine Rech et Estate László Moholy-Nagy
il y a quelques peintures comme celle du début du XXème siécle de László Moholy-Nagy qui coexistent avec une boite suintant de pétrole (symbole de la raréfaction des matières premières).
On n’a pas de réaction esthétique même si quelques œuvres sont terrifiantes de beauté. Les artistes choisis ont jeté un œil attentif et vigilant sur la question.
© Sophie Calle
Parmi eux, on peut citer : Andreas Gursky, Sophie Calle, Maurizio Cattelan, Victor Vasarely, Beatrice Gibson, Yves Klein, Hiroshi Sugimoto, Sylvie Fleury, Femke Herregraven… Du 16 mars au 15 mai 2020, la voie 24 de la Gare de Paris Montparnasse propose une sélection de photographies de l’exposition..
©Andreas Gursky, Amazon. Courtesy de l’artiste et de Sprüth Magers
Palais de Tokyo: «Fragmenter le Monde»
13 Avenue du Président Wilson, 75016 Paris
jusqu’au 17 mai 2020
Les installations sont toujours passionnantes, intrigantes, énervantes même. C’est le seul espace à Paris – ce n’est pas un musée – visité par des spectateurs jeunes qui sont en phase avec la production artistique de leur temps contrairement aux musées ou grandes expositions qui sont fréquentés que par un public plus âgés. Plusieurs artistes avec des thèmes très éloignés les uns des autres sont présenté. Au rez de chaussée, Ulla von Brandenburg a imaginé un projet inspiré du théâtre. La notion de rituel est pour elle la possibilité d’explorer les relations entre l’individu et le groupe. L’artiste invite le public à prendre part à une expérience immersive avec le mouvement, la scène, la couleur, la musique, le textile…Il y a quelques moments magiques comme des projections de vidéos sous marine sur des voilages et puis un espace scène – film trop long, terriblement angoissant dans une plongée dans une secte où les tissus et des chants abscons font le lien entre des gens habillés curieusement, qui se déplace comme des zombis, à la limite du lavage de cerveaux.
Au même niveau Kevin Rouillard, lauréat du Prix Sam pour l’Art Contemporain 2018, a conçu un espace intitulé « Le Grand Mur », ce sont de grands assemblages de tôles monochromes qui font résonner le contexte géographique et social mexicain et la réalité politique d’un pays partageant sa frontière avec les États-Unis.
Au rez de jardin, une exposition gigantesque qui touche notre quotidien : Notre Monde brûle. Cet espace propose un regard engagé sur la création contemporaine depuis le Golfe Persique où les guerres n’ont cessé de déterminer l’histoire de ce début de XXIe siècle. Le titre fait explicitement référence aux drames humains que génèrent les conflits successifs dans cette région tout en intégrant de manière plus large les catastrophes écologiques incarnées par les immenses feux de forêt destructeurs de l’Amazonie à la Sibérie en passant par la Californie. De la destruction des trésors irakiens (Michael Rakowitz) au sort des réfugiés syriens (Monira Al Solh) en passant par le financement des Talibans à travers l’exploitation du lapis lazuli en Afghanistan (Asli Cavusoglu), Notre Monde brûle présente un maillage complexe d’évènements auxquels les œuvres d’art se réfèrent tout en offrant de multiples échappées poétiques. L’exposition ouvre d’ailleurs sa réflexion à la problématique de l’Anthropocène (John Akomfrah, Yto Barrada, Raqs Media Collective) et à la question de l’usage des ressources naturelles – le pétrole et ses transformations, le cuivre, lapis lazuli.. – (Monira Al Qadiri, Sammy Baloji, Fabrice Hyber) afin de participer au débat sur la nécessité de changer notre rapport exclusivement utilitariste à l’environnement. Le Monde Brûle exceptionnel résonance sur ce qui nous entoure.
Face à cet espace, L’Huile et l’Eau réalisé par Nicolas Daubanes – Lauréat du Prix des Amis du Palais de Tokyo 2018 – s’intéresse à différentes manifestations populaires (de la Commune de Paris aux actions récentes pour les droits identitaires) pour extraire des gestes, des slogans et des stratégies de résistance. Il croise ces citations surgies de la rue avec le langage du rap, autre forme populaire de révolte poétique. C’est le rappeur Akhenaton qui dit des textes sur la révolte de la prison Attica aux USA en 1971, sur celle de Nancy en 1972 et des texyes plus généraux de résistants, de Genet , Shepp, Jackson, Robespierre ou d’anonyme.
Au niveau inférieur dans les entrailles de ce palais de béton, Le Monde Brûle continue avec une grande installation immersive impressionnante de Wael Shawky qui nous emporte dans le désert sur les traces historiques et oniriques où des enfants aux voix d’adultes cherchent à utiliser la métaphysique pour résoudre les problèmes concrets.
GALERIE CLAIRE CORCIA : Sergio Moscona -Lajos Szalay
323, rue Saint-Martin
75.003 PARIS
Exposition jusqu’ au 4 avril 2020
Sergio Moscona est un artiste de cette galerie depuis 2011 ; et dans cette nouvelle exposition, le coq est à l’honneur ! Sait-il que cet animal est l’emblème de la France ou fait-il semblant de ne pas le savoir ? Il est dans tous ses tableaux. Même s’iI n’est pas l’emblème officiel c’est tout comme. Coq viendrait du jeu de mot Gallus, gaulois, et gallus, le coq. Les Romains en faisait un sujet de moquerie. Il est quand même devenu un symbole de panache, de battant, de courage, il est sur les monuments aux morts, dans les mairies, sur les clochers des églises, sur les maillots des sportifs, emblème de la société de cinéma Pathé… avec lui Moscona met l’homme au centre de ses préoccupations.
Sergio Moscona s’exprime : « Mon œuvre se nourrit de faits sociaux, c’est un jeu constant avec ce qui arrive, une interaction qui déplace et retourne les choses avec la seule intention de tenter de s’en approcher à partir d’un point où je puisse, dans la mesure du possible, les comprendre ».
L’artiste argentin brouille une nouvelle fois les pistes après celles de sa série « Le Cirque ». Il faut scruter ses toiles et découvrir derrière ses traits acerbes, ses couleurs franches, ses désordres agencés, son énergie dans le mouvement des formes, des paraboles sur la condition humaine. L’homme et le coq même combat, attention aux féministes ! Le coq est le maître du poulailler ! Moscona prend des risques (comme toujours)
Cette exposition crée aussi un parallèle entre les œuvres de Moscona et celles de l’artiste hongrois Lajos Szalay (1909-1995) qui vécut à Paris, New- York et en Argentine où il enseigna plus de dix ans et forma toute une génération d’artistes. Il est intéressant d’identifier les indices d’une empreinte laissée par l’œuvre de Lajos Szalay sur le travail de Sergio Moscona.