Giuseppe VERDI – LA TRAVIATA
« On a de la pitié pour la Dame aux camélias, on a des pleurs pour la Traviata…Dans cinquante ans qui se souviendrait de la Dame aux camélias ? Verdi l’a rendu immortelle ! » c’est ainsi que se serait exprimé Alexandre Dumas en voyant l’adaptation qu’avait fait Verdi de sa pièce. Il aurait ajouté qu’elle était comme inspirée, ennoblie ! C’est au cours de leur séjour parisien de décembre 1851 que Giuseppe Verdi et Giuseppina Strepponi assistent à une représentation de La Dame aux Camélias d’Alexandre Dumas fils créée le 2 février 1852 au Théâtre du Vaudeville d’après le roman éponyme.
L’ébauche du scénario est bouclée en cinq jours, et envoyée à Venise, alors que Verdi travaille encore à la composition d’Il Trovatore. Le futur opéra porte alors le titre d’Amore e morte.. Dans une lettre adressée en janvier 1853 à son ami napolitain Cesare de Sanctis, Verdi explique : « Je monte La Dame aux camélias qui s’appellera peut-être La Traviata [La dévoyée]. C’est un sujet de notre temps. Quelqu’un d’autre n’en aurait peut-être pas voulu à cause des costumes, de l’époque et de mille autres objections bizarres, mais moi je le fais avec un immense plaisir » Or, au grand mécontentement de Verdi, l’administration de La Fenice transpose prudemment l’action, au début du XVIIIème siècle soit cent cinquante ans en arrière, ce qui lui permet de faire accepter le sujet par la censure autrichienne. Ce n’est qu’en 1906, cinq ans après la disparition de Verdi, que l’opéra sera pour la première fois représenté dans les décors et les costumes 1850 voulus par le compositeur, l’action étant toujours jusque-là située en 1700, comme indiquée sur le livret !
LA TRAVIATA est un opéra en trois actes sur un livret de Francesco Maria Piave d’après le roman d’Alexandre Dumas Fils (1848) et de son adaptation théâtrale (1852) créé le 6 mars 1853 à La Fenice à Venise.
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Argument :
Entretenue par le riche baron Douphol, la courtisane Violetta se complaît dans son rôle de « dévoyée » (traviata) en s’étourdissant dans le luxe et les plaisirs pour oublier la terrible maladie qui menace ses jours. Au cours d’une des fêtes qu’elle donne chez elle, Violetta se laisse séduire par Alfredo Germont, un jeune homme passionné dont la ferveur parvient à la détourner de sa vie dissolue. Ayant tout abandonné, Violetta croit pouvoir vivre son amour avec Alfredo à la campagne, loin de l’agitation de Paris ; mais pour goûter ce bonheur simple et bucolique, la jeune femme doit vendre ses biens les uns après les autres. Aux soucis financiers s’ajoutent bientôt les exigences du père d’Alfredo, Giorgio Germont ; il supplie Violetta de rompre avec son fils car la liaison d’Alfredo avec une courtisane est un scandale qui rend impossible le mariage de sa jeune sœur. Violetta refuse de renoncer à son amour, puis elle finit par céder aux prières de Germont. Laissant croire à Alfredo qu’elle le quitte pour retrouver son ancien protecteur, Violetta accepte de se rendre à une fête où elle apparaît au bras de Douphol. Fou de douleur Alfredo rejoint Violetta qu’il insulte publiquement en lui jetant de l’argent au visage pour paiement de leur liaison. Quelques mois passent. Oubliée et ruinée, Violetta va mourir dans son appartement vidé par les créanciers. Seul l’espoir de revoir Alfredo la maintient encore en vie. Le jeune homme et son père arrivent enfin, mais il est trop tard. La joie des retrouvailles et le réconfort du pardon ne suffisent pas à sauver Violetta qui meurt dans les bras de son amant.
Victime d’une distribution défaillante (ténor aphone, soprano avec un physique et un âge inadapté au rôle – Dès le deuxième acte le public rit de voir une Violetta trop bien en chair – et un manque de sens dramatique chantant ses airs à l’avant-scène, sans mise en situation, baryton en fin de carrière), Verdi baisse les bras face à cette distribution qu’il ne peut pas changer, il déclare être sûr d’un fiasco. Ce sera un four ! Le public était dérouté par ce drame romantique au caractère intimiste, privé de la distance héroïque normale et pas habitué au réalisme musical que proposait Verdi. Ce fiasco claironné par Verdi jusque dans la Gazzetta musicale di Milano, empoisonnant la réputation de ses interprètes, n’empêche pas La Traviata de se maintenir à l’affiche durant neuf représentations auxquelles le public finit par réserver un accueil honorable et qui rapportent à un Verdi, d’une parfaite mauvaise foi, des bénéfices bien plus substantiels que ceux procurés par ses autres œuvres. Cette fureur, qu’elle soit feinte ou réelle, spontanée ou stratégique, a un objectif : interdire toute production dont il ne posséderait pas la totale maîtrise. Ce n’est qu’à force d’amicale insistance que Piave et d’Antonio Gallo, impresario du Teatro San Benedetto, parviennent au bout d’une année à convaincre le maestro de remonter l’opéra. Tenant compte finalement des objections de la critique, et des remarques de Felice Varesi, le baryton, créateur de Macbeth, Rigoletto, que Verdi révise cinq numéros du second acte avec l’aide d’Emanuele Muzio qui se charge d’en faire parvenir la nouvelle édition à Tito Ricordi. De nouveau à Paris pour travailler dès le mois d’octobre 1853 avec Eugène Scribe à la préparation des Vêpres Siciliennes pour l’Opéra, il confie la direction et la mise en scène de la nouvelle production de La Traviata à Piave. La distribution emporte cette fois l’assentiment du compositeur. Le 6 mai 1854 La Traviata triomphe au Teatro San Benedetto de Venise et confère à Verdi, de son vivant, une gloire internationale incontestée. Tito Ricordi (l’éditeur) écrit à Verdi :« […] on n’a jamais vu à Venise un succès aussi considérable que celui de La Traviata, pas même celui de votre Ernani, Gallo me dit que la troisième représentation a été secouée par une tempête d’applaudissements indescriptibles et que le dernier acte a encore mieux marché que les deux premiers soirs – si tant est que cela fût possible ».Tommaso Locatello de la Gazetta privilegiata di Venezia :« La valeur de cette musique, c’est la somme d’éloquence contenue dans ses phrases, c’est l’habileté suprême de ses combinaisons de sons. Grâce à elles, le compositeur développe les situations par le truchement des instruments, suggère la passion mieux qu’avec les paroles, semble presque dépeindre les pensées des personnages… Celui dont les yeux restent secs devant cela n’a pas un cœur humain dans la poitrine ». La série de représentations du Teatro San Benedetto est aussitôt suivie de créations sur toutes les scènes italiennes et internationales. Dès lors, commence pour l’opéra une carrière innombrable.
1967 Anna Moffo : Violetta, Alfredo Germont : Franco Bonisolli, Gino Bechi : Georgio Germont, Orchestre et Chœur de l’Opéra de Rome direction Giuseppe Patane, mise en scène : Mario Lanfranchi