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[ENTRETIEN] : Diane KURYS: L’émotion d’un film passe par la musique

 ©Kevin Drelon

Actrice, puis réalisatrice, elle a réalisé dans les années 70, d’après son roman autobiographique, Diabolo Menthe , une histoire qui se passe en 1963. Ce film a été un véritable phénomène de société. Suivront une douzaine de films qui auront plus ou moins des succès, mais seront des films toujours faits avec beaucoup de sincérité et avec très souvent des personnages attachants. Elle changera fréquemment de compositeurs et c’est en cela que nous nous sommes intéressé à ses choix.

Lorsque l’on regarde votre carrière de réalisatrice, on est étonné par la diversité des compositeurs avec qui vous avez travaillé ; était-ce un choix délibéré ?

Je n’ai jamais d’à priori. Un film, c’est chaque fois une aventure différente et de la même façon, lorsque j’écris, ce n’est jamais pour un acteur. Ce sont les personnages qui m’intéressent au départ, ensuite le casting s’impose, comme pour l’équipe et aussi pour le musicien. Le compositeur, c’est le seul collaborateur où vous n’avez aucune influence réelle : je veux dire qu’un acteur, vous pouvez le diriger, éventuellement, s’il est dirigeable ; le compositeur, c’est un autre créateur qui peut vous apporter l’univers dont vous avez rêvé et qui peut aussi partir dans une autre direction qui peut être la plupart du temps profitable. J’ai rarement eu des regrets. Chaque film a sa musique. Ce sont des films de moi mais avec des sujets différents. J’ai fait des films d’époque, des contemporains, un film sur George Sand et Musset, sur Françoise Sagan, sur mes parents, sur ma famille, sur mes racines, sur mon enfance. J’ai fait des films personnels qui me ressemblent et je n’ai jamais eu envie d’avoir toujours le même compositeur.

Si vous le voulez bien, on va regarder vos films à travers les différents compositeurs. Yves Simon a été le premier et vous avez travaillé plusieurs fois avec lui. Il était très à la mode lorsque vous avez fait « Diabolo Menthe ».

C’était la personnalité la plus connue de tout le casting et de tout le film. Il était bien plus connu que moi, c’était une vedette.

Vous êtes allé le rechercher quinze ans plus tard!

Il a fait mes deux premiers films, « Diabolo Menthe » et « Cocktail Molotov » puis ensuite « Après l’Amour » où c’était la première fois que j’abordais l’époque contemporaine. En fait je ne suis pas allé le rechercher, on est resté très ami et il se trouve que lorsque j’ai fait « Coup de Foudre », mon troisième film, j’ai engagé Luis Bacalov.

Comment l’avez-vous connu ?

Un ami m’avait parlé de lui, et m’a dit qu’il était formidable, qu’il avait un univers passionnant.

Il venait de faire  La Cité des Femmes  de Fellini, car Rota était décédé…

C’est exact et je trouvais que la couleur de sa musique correspondait à ce que je cherchais, ce film d’époque qui racontait les années 40-50. Il est russe-juif-argentin, vit en Italie et il a réussi à trouver cette couleur juive de l’Est.

C’est un beau film et il vous a composé une très belle musique !

C’est un film que j’aime beaucoup et notre collaboration a été formidable. J’ai retravaillé avec lui sur  Les Enfants du Siècle  en 1999. Je suis quand même assez fidèle. Je le voyais plus dans des films d’époque que dans des films contemporains.

Et juste après vous avez demandé à Georges Delerue de faire Un Homme Amoureux 

Pour un film d’amour, les musiques de Delerue sont souvent très émotionnelles, très mélodiques et pour ce film là qui se tournait en Italie, film romantique, je pensais qu’il était le compositeur idéal. Cela a été une rencontre formidable, je suis allé le voir à Los Angeles, il m’a joué des thèmes au piano. C’est toujours angoissant lorsqu’un metteur en scène montre ses images à un compositeur. Il y a cette rencontre, même si on s’est vu avant, et c’est à ce moment qu’il vous dit : voilà ce que m’ont inspiré vos images.

A l’époque vous n’entendiez qu’un piano alors qu’aujourd’hui on fait des maquettes. Aviez-vous une culture musicale ?

Je ne suis qu’une amatrice de musique, j’aime la musique de film. Yves Simon pour  Diabolo Menthe m’avait fait écouter quelques notes au piano, on est touché ou pas. Lorsqu’on ne l’est pas, c’est plus compliqué d’exprimer ce que l’on voudrait et dans quelle direction on aimerait aller.

C’est plus facile de dire non que oui ?

Pas du tout, c’est toujours très angoissant face au compositeur de faire le bon choix. Il y a souvent des moments où la maquette est la référence, on a monté avec et puis lorsque la musique enregistrée avec grand orchestre arrive, on se trouve quelquefois préférer la maquette ! C’est terrible pour le compositeur !

Mettez-vous des musiques provisoires au montage ?

Je ne le faisais pas dans mes premiers films, mais maintenant les monteurs ont tendance à le faire, ils vous vendent mieux le montage quand il y a une musique. Vers le septième film je le faisais, puis je suis revenue sur cette idée car c’est hyper dangereux, on s’habitue à des grandes chansons, à des grands tubes. Je l’ai fait pour  Sagan  et c’était terrible car lorsqu’Armand Amar est arrivé, je m’étais habituée à Alberto Iglésias, à Badalamenti et j’adorais mes thèmes. Du coup il a fallu se démarquer. Il m’a dit que je l’avais engagé pour faire une musique originale. Les compositeurs n’aiment pas cela. Ce que l’on fait avec la monteuse, avec qui je travaille depuis quelques années : on prend des musiques du compositeur choisi, on a au moins sa couleur, mais la musique est toujours très compliquée.

Comment en êtes-vous venu à travailler avec Amar ?

On m’a parlé de lui, j’avais écouté quelques musiques de lui. Il a fait beaucoup de films, il est charmant, a du talent et il s’adapte à ce que vous lui demandez, il va vite. J’étais très contente de la musique de Sagan .

Vous n’avez pas pu vous offrir Iglésias ?

Question de budget ! Il est très cher comme beaucoup de grands compositeurs. Je ne dis pas qu’Arman Amar n’est pas cher…Ces compositeurs internationaux sont très occupés et pour trouver un compositeur à Paris, accessible, et qui entre dans le budget, ce n’est pas simple. J’ai eu la chance qu’Arman ait pu faire une musique superbe. La musique de « Sagan » est sans arrêt pillée à la radio, à la télévision.

Et Nyman, c’est à cause de  La Leçon de Piano  qu’il avait fait peu de temps avant votre film  A La Folie  ?

Non, je voulais une musique un peu obsessionnelle…

Répétitive ?

Répétitive, obsédante, le contraire de La Leçon de Piano . Une musique entêtante, forte. On s’est rencontré seulement sur ce film parce que je n’ai pas fait d’autre film dans ce genre là.

Comment avez-vous trouvé Paolo Buonvino ? A cause de Romanzo Criminale ? 

Il avait fait un film qui s’appelle  Juste un Baiser  – en italien L’ultimo Baccio  – de Muccino. C’est un grand compositeur d’origine sicilienne. C’est en écoutant la musique de ce film que j’ai craqué ! Il a fait beaucoup de musiques, il peut écrire des musiques émouvantes, tristes, et des musiques de comédies. Je Reste  est une commande que j’ai faite avec Sophie Marceau et comme c’était une comédie pure, il fallait que je trouve un musicien de comédie. Il est dans la lignée de Rota mais ne fait pas de la copie. Il est hystérique sur le mixage, les orchestrations. Il va mettre trois semaines à mixer une musique de film ! Il a le souci du détail. La qualité des instruments qu’il emploie est impressionnante, il va chercher des instruments rares. Je viens de retravailler avec lui parce qu’il a composé une musique pour mon dernier film avec un autre compositeur Hugo Gonzalez Pioli, un protégé d’Arman Amar, très jeune. Je n’avais pas le budget pour la musique et Amar était très occupé. Hugo est un petit génie. Je trouve que c’est très compliqué de faire une musique de comédie et il a trouvé un ton un peu grinçant. J’avais besoin d’une musique d’émotion et du coup Paolo est venu la composer. J’avais donc deux compositeurs et tous les deux ont accepté. Paolo a fait la musique à distance – il était à Rome – c’est l’avantage des temps modernes de l’internet. J’ai très envie de retravailler avec Paolo, c’est un type charmant et avec beaucoup de talent !

Lorsque vous étiez jeune, vous ne pensiez pas à devenir réalisatrice. Écoutiez-vous de la musique de film ?

J’allais énormément au cinéma, donc j’étais imprégnée des musiques de ces films et on sait que l’émotion d’un film passe par la musique. J’étais plus attirée par la musique de mon époque. J’ai commencé avec Cliff Richard, les Anglais, puis les Américains, Living Doll c’est le début de Diabolo Menthe  ; j’avais treize ans !

Vous avez fait un film avec Sarde, c’est assez étonnant ?

Oui pour La Baule les Pins . Dans la carrière d’un réalisateur ne pas avoir fait un film avec Philippe Sarde ça manque. Il a fait de jolies musiques. C’est un personnage hors du commun qui a un vrai amour du cinéma, il est dément, fou, drôle, cultivé, il a plein de qualités avec quelques défauts. Il a fait des films magnifiques. Je pense que Sautet lui doit beaucoup. Non pas que Sautet n’avait pas de talent mais le mariage entre les deux c’est formidable. Ce sont des musiques qui nous restent. Mais je ne sais plus pourquoi je me suis tournée vers lui. Il y a des moments que j’aime moins dans la musique qu’il m’a écrite mais la musique de La Baule les Pins  est une jolie musique, très touchante et Roda-Gil a écrit une magnifique chanson à la fin du film sur la musique de Philippe. Cette rencontre avec Roda-Gil, c’était formidable.

Et en ce moment vous êtes sur un projet de film ?

Oui c’est une comédie, une sorte de Road Movie avec une mère complètement folle qui se retrouve sur les routes avec son fils de 25 ans. Il se passe en Belgique et en Hollande et je pense que je vais appeler Paolo !

Une dernière question, peut-être vous allez me dire « joker » : vous n’avez jamais pensé à travailler avec Serge Franklin ?

Non pas joker, j’aime beaucoup Serge, il a fait de superbes musiques à Arcady mais je le laisse à Alexandre. C’était un vrai couple, Le Coup de Sirocco ,  Le Grand Pardon , ce sont des musiques qui ont marqué. Je l’aime beaucoup dans la vie mais je n’ai jamais eu envie…

De passer la porte d’à côté ? Chacun son bureau !

Chacun son bureau ! Il doit être un peu triste de ça peut-être. Je l’aime beaucoup et aussi comme musicien.

Il doit y avoir un regret quand même ?

Oui bien sûr, mais quand on connaît trop les gens, on a peur de travailler avec eux et de se fâcher. On peut perdre l’amitié. Avec des gens qu’on ne connaît pas on n’a pas d’état d’âme pour leur dire qu’on aime pas ce qu’ils ont écrit pour vous.

 Merci pour ces moments de vérité.

 

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