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« LES BOUFFES DU NORD »: LA MAISON MÈRE


Les Bouffes du Nord

37 bis Boulevard de la Chapelle, 75010 Paris

La Maison Mère

Phia Ménard

jusqu’au 1er mars 2020

©DR

Dans ses œuvres précédentes, Vortex ou dans l’Après midi d’un Foehn, Phia Ménard s’attaquait au vent et à ses effets, Belle d’hier était une pièce de l’Eau et de la Vapeur, la Maison Mère s’attaque au « dur ».

Assise au fond du plateau nu des Bouffes du Nord, Phia Ménard, fixe longuement le public, mais on ne verra jamais ses yeux chaussés de lourdes lunettes noires. Devant elle des plaques de bois ou de carton prédécoupées. Lorsqu’elle se lève, femme imposante à la crinière blonde, on pourrait la qualifier de gladiatrice (existe-t-il un féminin de gladiateur ?)

Place alors au combat attendu, une espèce de ballet violent où elle se débarrasse des plaques périphériques en les empalant littéralement à coups de javelot noir avant de les jeter sur les bords du plateau. Les gestes sont violents, peut-être y a-t-il urgence.

Commence alors un étrange plié-collé.

Les énormes plaques qui s’avèrent être d’un lourd carton épais, Phia Ménard va d’abord les plier puis les coller avec des mètres et des mètres de bande adhésive. Elle plie elle colle, elle soulève, elle redresse les panneaux qui prennent forme, on comprend qu’elle construit une maison, d’abord branlante, hésitante, certains panneaux se rebiffent, elle les remet en place, elle lutte contre ses éléments au prix d’efforts surhumains, oui elle devient une lutteuse qui soulève sa future maison à bout de bras jusqu’à ce qu’elle parvienne à la faire tenir debout. Cette maison a enfin l‘apparence d’une vraie maison, sa maison, où elle s’enferme en rampant jusqu’à l’intérieur avant de disparaître.

©DR

Silence, simplement troublé par une rumeur sourde qui n’a pas cessé depuis le début.

Silence soudain brisé par un bruit assourdissant qui provient de l’intérieur, bruit d’une machine, perceuse, ponceuse ou machine de chantier ? Non, tronçonneuse dont la lame apparaît, découpant farouchement les pans de la façade de la maison en longues traces verticales. Le bruit devient insupportable jusqu’à un nouveau silence brisé cette fois par des coups qui libèrent une bande sur deux, sur tout le pourtour de la maison.

©DR

La calme Agora s’est transformée en Parthénon où Phia Ménard est restée enfermée. Parthénon, demeure des vierges, temple d’Athéna, déesse des déesses mais aussi prison aux lourds barreaux. Prisonnière du temps, prisonnière des siècles, prisonnière des Dieux ? Mais la force de la déesse gladiatrice est herculéenne, elle réussit à sortir de son antre, à se glisser entre deux colonnes, se recule et contemple sa construction. Elle a érigé son Agora, elle a édifié son temple, l’œuvre est terminée.

Mais c’est sans compter sur le temps et ses impitoyables aléas.

Le déluge, celui qui explique l’origine de toutes les violences, un déluge d’eau, s’abat sur la maison-temple, longue intempérie que Phia Ménard la constructrice, regarde accablée par la violence de la tourmente. Il faudra un long temps avant que le bâtiment s’écroule, vaincu par les trombes d’eau où se mêle un feu dont on ne voit que la fumée, une fumée lourde et dense qui enveloppe chaque forme d’un nuage où les formes se discernent de plus en plus mal.

Au milieu de ce désastre réapparaît la silhouette de la bâtisseuse qui va achever de ses mains la destruction de son œuvre. Le temps a vaincu, l’histoire du monde n’est qu’un long cycle de destructions et de constructions.

Une performance est pour les Anglais et les plasticiens une représentation, un accomplissement, mais pour les Français c’est un exploit, une réussite remarquable. Phia Ménard et sa Maison Mère réussit à marier à la perfection les deux sens.

©DR

C’est la fin du spectacle, au milieu d’un brouillard épais, Phia Ménard vient saluer, silhouette spectrale d’un spectacle hors du commun, grandiose et universel.

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