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« OPERA COMIQUE »: MANON – MASSENET – PY- MINKOWSKI

Salle Favart, Paris

jusqu’au 21 mai 2019

MANON de Jules Massenet.

Le 13 mai 2019

Manon Lescaut : Patricia Petitbon

Chevalier Des Grieux : Frédéric Antoun

ainsi que Jean-Sébastien Bou, Damien Bigourdan, Philippe Estèphe, Laurent Alvaro, Olivia Doray,

Adèle Charvet, Marion Lebègue

Orchestre : Les Musiciens du Louvre

Chœur : Opéra National de Bordeaux

Mise en scène : Olivier Py

Direction musicale : Marc Minkowski

Reprise de Manon à l’Opéra comique, l’un des deux opéras de Massenet qui lui ont survécu (l’autre étant Werther). L’adaptation du roman de l’Abbé Prévost par Meilhac (sans Halévy) et Philippe ne sauve pas l’œuvre de la pudibonderie obligée de l’époque ; il fallait que les mères puissent emmener leurs filles voir le spectacle.

On se souvient de l’argument :  Le Chevalier Des Grieux rencontre Manon dans un relais de poste, c’est le coup de foudre, il l’enlève et l’aventure commence à Paris. Manon attirée par le plaisir et le luxe se laisse séduire par le fermier général Brétigny et abandonne Des Grieux qui entre dans les ordres. L’histoire se termine mal évidemment. Manon retrouve des Grieux, leur vie dissolue fait qu’elle est arrêtée pour vol et prostitution. Sur le chemin de la déportation en Guyane, Manon meurt dans les bras du Chevalier Des Grieux l’homme qu’elle a toujours aimé.

Mélodrame dans toute sa splendeur, le livret n’échappe pas au pathos. Pas plus que la musique. Le jugement de Lucien Rebatet, auteur collabo indéfendable mais qui a encore quelque crédit dans l’analyse de l’histoire de la musique, est implacable : « On se demande encore comment on peut justifier les éloges de Massenet qui est incapable de prolonger une idée mélodique plus de trois mesures sans recourir aux reprises harmoniques les plus rebattues ».

Une fois de plus, on se dit, sans le dire, que décidément ce type d’opéra glisse vers la décadence bourgeoise (le prix exorbitant des places aide à cette réflexion) mais c’est sans compter sur la qualité visuelle et sonore du spectacle : magnifique distribution et magnifique mise en scène.

Patricia Petibon, dont on connait les qualités, incarne une Manon plus que crédible, grâce à un registre sans faille, une voix sensuelle, souvent émouvante et une gestique improbable et sublime, Des Grieux n’est pas en reste, Frédéric Antoun incarne un Des Grieux à la belle allure et au timbre parfait.

La direction musicale de Marc Minkowski, précise et alerte, soutient cette partition aux accents surannés.

L’opéra prend sa vraie dimension grâce au dispositif scénique magistral d’Olivier Py, un très beau procédé tournant à plusieurs niveaux, qui permet de passer astucieusement d’une rue de Pigalle aux multiples enseignes lumineuses, à un bordel rouge et sombre avant de devenir une prison aux murs de briques gris et une cellule sinistre, celle du moine Des Grieux.

Les personnages qu’ils soient chanteurs, danseurs ou choristes se mélangent et s’intègrent tantôt au devant du décor, tantôt en fond de scène avec une belle élégance et un vrai sens de l’espace.

Un siècle plus tard, si l’œuvre est toujours au répertoire de certaines maisons d’opéra, c’est parce qu’il existe encore un public nostalgique de cette musique de fin de siècle et qu’elle est sauvée de la mièvrerie par les grands airs : les duos célèbres et resplendissants de la rencontre de Manon et de Des Grieux, le duo du séminaire Saint Sulpice et le dernier sur la route du Havre, sans oublier le Rêve de Des Grieux ou le fameux air de l’Adieu à la petite table.

Pour survivre à une telle représentation de trois heures trente, il suffit de laisser courir son attention au gré du temps, au plaisir des yeux et des quelques fulgurances qui surgissent ça et là. Les fameux grands airs nous rappellent à l’ordre et nous remettent dans le bateau qui nous transportera jusqu’au dénouement final.

 

© DR

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