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«COUVENT DES RECOLLETS» : LES PIANISSIMES – ISMAËL MARGAIN – BRIEUC VOURCH

Les Pianissimes, couvent des Recollets, Paris Xème

21 octobre 2019

Ismaël Margain , piano

Brieuc Vourch, violon

© Stéphane Delavoye

Ludwig van Beethoven : Sonate n° 24 à Thérèse

Johannes Brahms : Sonate en la majeur pour violon et piano opus 100

Gabriel Fauré : Impromptu pour piano n°3

 César Franck : Sonate pour piano et violon en la majeur

Les concerts des Pianissimes ne programment que des jeunes interprètes. Ce soir au couvent des Recollets, malgré une organisation un peu chamboulée, Ismaël Margain, pianiste et Brieuc Vourch, violoniste donnent un concert de musique de chambre. Et de piano solo puisque Ismaël Margain commence avec une sonate de Beethoven, la sonate n° 24 “A Thérèse“ que le compositeur préférait à la sonate au Clair de Lune déjà trop rabâchée de son vivant.

Avec les doigts presque à plat, le pianiste donne une version concentrée de la sonate, un jeu à la fois puissant et fluide, un jeu sans fioritures, très clair, qui respecte rigoureusement la partition sans l’assécher. La pédale se fait discrète et la sonorité majestueuse du Bösendorfer magnifie la légèreté élégante de la sonate. Le charme du morceau, tel que l’a voulu Beethoven, nous est restitué sans emphase. Joli début pour ce concert qui se poursuit avec la sonate n°2 pour violon et piano opus 100 de Johannes Brahms.

L’allegro amabile porte bien son nom, enchaînement de divers thèmes que les deux interprètes font chanter. La partition est émaillée de citations de lieder de Brahms et les mélodies jouées par les deux instruments s’interpénètrent subtilement comme s’il s’agissait d’une partition d’orchestre.

L’andante tranquillo débute par un thème lent au violon accompagné par le piano avant que l’andante ne se transforme en un piano vivace très “jazzy“ que Ismaël Margain joue comme Benedetti, scandé par un pizzicato énergique.

Le dernier mouvement Allegro Gracioso lui aussi porte bien son nom, il évoque une espèce de ballet de questions-réponses entre les deux instruments qui s’échangent leur mélodie dans un seul élan. Brahms s’est fait léger et ce n’est pas la moindre des qualités de ce morceau.

Retour au piano solo avec l’impromptu n°3 de Gabriel Fauré. Musique de clairs obscurs où “une main gauche agile escalade les nuages“ écrivait Vladimir Jankélévitch. Ecrit à 35 ans et crée par Saint Saëns son maître, l’œuvre balaye la clavier comme un jeu de miroirs entre les octaves graves et aiguës, le tout marqué par des syncopes obsessionnelles qui plaisaient tant à Fauré. Le danger d’une telle musique, c’est qu’elle ne tombe pas dans la déliquescence, mais Ismaël Margain , grâce à ses doigts bien à plat échappe à cet écueil, il n’a pas besoin d’ articuler, Il palpite et redonne à cette musique de fin de siècle tout son éclat.

Le concert doit se clore par une autre pièce de la fin du XIX ème siècle, la célèbre sonate en la majeur de César Franck pour piano et violon.

Avec ce morceau écrit pour être entendu dans un salon comme le fut à l’origine la musique de chambre, il est tentant de s’imaginer dans un de ces salons de la fin du XIXème siècle, assis par exemple à côté de Marcel Proust qui s’inspira, dit-on, de cette sonate pour décrire dans un Amour de Swan ses sensations à l’écoute d’un concert où il entendit cette fameuse petite phrase de la sonate (imaginaire) de Vinteuil  :  « D’un rythme lent elle le dirigeait ici d’abord, puis là, puis ailleurs, vers un bonheur noble, intelligible et précis. Et tout d’un coup, au point où elle était arrivée et d’où il se préparait à la suivre, après une pause d’un instant, brusquement elle changeait de direction, et d’un mouvement nouveau, plus rapide, menu, mélancolique, incessant et doux, elle l’entraînait vers des perspectives inconnues. » Ce soir, dans cette salle comble du couvent des Récollets à l’acoustique parfaite, nous n’en sommes pas aux perspectives inconnues mais bien aux délices de cette musique un peu précieuse mais riche en harmonies nostalgiques qui nous entraînent vers un vrai plaisir de musique, grâce à ces deux interprètes qui sont allés puiser dans la partition originale les authentiques racines de cette composition…et les ont parfaitement restituées.

Le duo nous accorde un bis, une composition de Kreisler qu’ils n’ont, nous expliquent-ils, pas eu le temps de répéter pour des raisons pratiques. Peu importe, ils se lancent et le résultat est parfait, nous avons tremblé avec eux. Une fois encore les ”Pianissimes“ ont rempli leur contrat et nous ont fait découvrir deux nouveaux talents que nous espérons réentendre.

© Stéphane Delavoye

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